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Comment se place le système de santé Français dans les classements internationaux ?

La France est le 4e pays avec les dépenses de santé les plus élevées en points de PIB. Mais c’est bien le seul indicateur pour lequel la France occupe la tête d’un classement international relatif aux systèmes de santé. Dans quasiment tous les autres domaines, la France occupe une place moyenne, qu’il s’agisse de l’accès aux soins, de la qualité des soins, ou du personnel médical. C’est bien là le cœur du problème avec le système de santé français : les résultats ne correspondent pas aux dépenses.

De nombreux classements

Depuis plusieurs décennies, le domaine de la santé vient à occuper une place centrale dans les politiques publiques. Cette tendance s’est confirmée et renforcée avec la pandémie de Covid-19. A cet égard, il existe de nombreux classements internationaux visant à établir quels pays possèdent les meilleurs systèmes de santé.

On peut commencer par citer le classement du think-tank britannique The Legatum, qui a créé le Legatum Prosperity Index, qui classe les pays dans différents domaines, dont la santé :

Source[1]

Le classement Legatum se base sur plusieurs indicateurs avec chacun des poids différents pour évaluer la qualité des systèmes de santé :

  • Facteurs de risques comportementaux, tels que l’obésité ou le tabagisme (poids de 10%).
  • Interventions préventives, telles que des vaccinations diverses (poids de 15%).
  • Systèmes de santé stricto sensu, avec des indicateurs tels que le taux de couverture médicale, les infrastructures etc. (15%).
  • Santé mentale (10%).
  • Santé physique (20%).
  • Espérance de vie (30%).

La France est ainsi classée 20e sur 167 pays du globe.

Ce classement est intéressant mais sa faiblesse  est qu’il prend en compte et agrège une palette d’indicateurs trop large (obésité, santé mentale, etc.), qui pourrait potentiellement brouiller les pistes lorsque l’on s’intéresse précisément au service public de la santé.

Autre classement habituellement cité : le classement Euro Health Consumer Index, établi par l’organisation Health Consumer Powerhouse, permettant d’évaluer les systèmes de santé de 35 pays européens :[2]

  1. Suisse
  2. Pays-Bas
  3. Norvège
  4. Danemark
  5. Belgique
  6. Finlande
  7. Luxembourg
  8. Suède
  9. Autriche
  10. Islande
  11. France
  12. Allemagne
  13. Portugal
  14. République Tchèque
  15. Royaume-Uni

Si la France est mieux classée , c’est sans doute entre autres parce que des pays asiatiques très performants (Japon, Corée du Sud, Singapour, etc.) ne figurent pas dans ce classement EHCI. On remarque par ailleurs que, même sans ces pays asiatiques, la France n’est toujours pas dans le top 10 des pays ayant le meilleur système de santé. Le rapport nous explique que la France est sortie du top 10 en 2009, mais est remontée dans le classement ces dernières années.

Le classement EHCI se base sur de nombreux indicateurs, répartis en 6 grandes catégories :

  • L’information et les droits des patients
  • L’accessibilité des soins (temps d’attente)
  • Les résultats des traitements médicaux
  • L’étendue des services proposés
  • La prévention
  • Les produits pharmaceutiques

Les apports du classement de l’OCDE

Un classement se démarque néanmoins et nous apparaît particulièrement intéressant : le Panorama de la Santé 2021 établi par l’OCDE.[7] Dans ce document de quasiment 300 pages, on trouve une étude approfondie des différents systèmes de santé des pays de l’OCDE. Plusieurs classements liés à différents indicateurs figurent dans cette étude. Mettre en parallèle ces différents classements permet de nous éclairer davantage sur la situation de la France.

Tout d’abord dans le domaine de l’accès au soin, l’OCDE établit deux classements basés respectivement sur l’admissibilité et la satisfaction. L’admissibilité correspond au pourcentage de la population couverte pour les services essentiels. La France a un taux très élevé (99,9%), comme tous les pays les plus développés, dont les taux oscillent tous entre 98 et 100%. La satisfaction correspond quant à elle au pourcentage de la population satisfaite de l’accès à des services de santé de qualité. Le taux français est de 71% cette fois, ce qui place la France à la 21e place sur 38 pays, un classement moyen, avec un taux égal à la moyenne de l’OCDE.

Deuxième domaine pour lequel l’OCDE établit des classements : la qualité des soins. Il convient de préciser que le rapport de l’OCDE vise à être le plus complet possible et établit donc de très nombreux classements (taux de vaccination, corps étrangers laissés dans l’organisme pendant une opération, admission à l’hôpital pour diabète, etc.) qu’il serait impossible de résumer tous exhaustivement en une seule note. Comme pour le domaine de l’accès au soin, nous nous concentrons donc uniquement sur les indicateurs que l’OCDE qualifie elle-même d’ « indicateurs clés » :

  • Sécurité des soins primaires. Antibiotiques prescrits (dose quotidienne pour 1000 habitants) : Avec un nombre de 23,3 supérieur à la moyenne de l’OCDE, la France se classe à la 26e place sur 38.
  • Efficacité des soins primaires. Admissions évitables pour BPCO[8] (pour 100.000 hab., standardisés en fonction de l’âge et du sexe) :  Avec 120 admissions évitables pour BCPO pour 100.000 habitants, la France est 9e sur 38.
  • Efficacité des soins préventifs. Dépistage par mammographie au cours des 2 dernières années (% de femmes âgées de 50 à 69 ans) : Avec 48,8% de femmes dépistées, la France n’est que 29e sur 38.
  • Efficacité des soins secondaires : Mortalité à 30 jours suite à un IAM (pour 100 admissions, standardisés en fonction de l’âge et du sexe)
  • La France présente un taux de mortalité de 5,6, ce qui la place au rang de 18e sur 38.

Enfin, si l’on s’intéresse au personnel médical et hospitalier en France, les résultats sont tout aussi mitigés :

  • Nombre de médecins en exercice : La France est 26e sur 38, avec 3,2 médecins en exercice pour 1000 habitants.
  • Pourcentage de médecins âgés de 55 ans ou plus : Avec un taux de 44%, la France possède le 7e taux le plus élevé. En 2000, ce taux n’était que de 15%.
  • Nombre de médecins nouvellement diplômé : Corollaire de ce vieillissement des médecins en France, l’hexagone ne compte que 9,5 médecins nouvellement diplômés pour 100.000 habitants, et se situe ainsi à la 30e place sur 36.
  • Personnel infirmier en exercice pour 1000 habitants  : Avec 11,1 infirmiers pour 1000 habitants en 2019, la France est 12e de l’OCDE.
  • Rémunération des infirmiers : La France n’est que 19e sur 34 s’agissant de la rémunération du personnel infirmier. Les infirmiers auraient été rémunérés 41.400 USD PPA[9] en 2019.

Le système de santé français apparaît donc comme étant moyennement efficace. A l’échelle de l’OCDE, sur des indicateurs clés relatifs à l’accès aux soins, à la qualité des soins, et au personnel médical, la France est très rarement dans le top 10 et est systématiquement absente du podium des pays les plus performants (sauf pour l’admissibilité, mais pour cet indicateur tous les pays les plus développés sont 1er ou 2e ex aequo). Des résultats mitigés donc, qui viennent confirmer les résultats des classements cités dans la première partie de cette note.

Le rapport de l’OCDE présente également les dépenses des différents Etats pour leurs systèmes de santé. Cette fois-ci, la France occupe une place très élevée dans le classement : elle est 4e en 2020 avec 12,4% de son PIB consacré aux dépenses de santé (elle était aussi 4e en 2019 avant la crise du Covid). 

Indicateur

Rang de la France

Dépenses de santé

Part des dépenses de santé dans le PIB

4e

Accès au soin

Admissibilité

2e ex aequo avec 2 pays (derrière 23 pays 1ers ex aequo)

Satisfaction

21e

Nombre de lits d’hôpitaux pour 1000 habitants

8e

Qualité des soins

Sécurité des soins primaires

26e

Efficacité des soins primaires

9e

Efficacité des soins préventifs

29e

Efficacité des soins secondaires

18e

Personnel médical et hospitalier

Nombre de médecins en exercice

26e

Pourcentage de médecins âgés de 55 ans ou plus

7e

Nombre de médecins nouvellement diplômés

30e

Personnel infirmier en exercice

12e

Rémunération des infirmiers

19e

 

Dépenser mieux au lieu de dépenser plus

La France dépense manifestement trop par rapport aux résultats de son système de santé. Cela met en lumière un problème important : l’argent du système de santé français est manifestement mal géré et mal dépensé. Certaines comparaisons avec l’Allemagne permettent d’illustrer cela. Dans les hôpitaux français, 405.600 personnes (ETP), soit 33,7% du personnel hospitalier, œuvrent à des tâches autres que médicales, autrement dit des tâches administratives.[10] C’est 54% de plus qu’en Allemagne. En revanche, l’Allemagne dispose de 500.000 lits de réanimation, avec 8,3 lits pour 1.000 habitants contre seulement 6,4 en France.[11] Pourtant, l’Allemagne consacre 12,5% de son PIB dans son système de santé, soit seulement 0,1% de plus que la France.

Source[12]

[1] https://www.prosperity.com/rankings

[2] https://healthpowerhouse.com/publications/

[7] https://www.oecd-ilibrary.org/social-issues-migration-health/panorama-de-la-sante-2021_fea50730-fr

[8] La bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) est une maladie pulmonaire chronique courante, qu’il est possible d’éviter et de traiter et qui touche des hommes et des femmes partout dans le monde

[9] Indicateur créé par l’OCDE pour tenir compte des différences de coût de la vie entre les pays.

[10] https://fr.irefeurope.org/Publications/Les-chiffres-cles/article/Les-hopitaux-francais-emploient-presque-34-de-personnes-n-ayant-aucune-tache-medicale/

[11] https://gestions-hospitalieres.fr/le-systeme-de-sante-allemand/

[12] https://www.tf1info.fr/sante/covid-19-coronavirus-pandemie-les-hopitaux-francais-sont-ils-reellement-handicapes-par-une-trop-forte-proportion-de-personnel-administratif-2151215.html