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La rémunération des enseignants : oui à la performance, non à l'ancienneté

A l'heure actuelle et malgré les tentatives d'amélioration, la rémunération des enseignants se calcule essentiellement en fonction de l'ancienneté, c'est-à-dire du nombre d'années passées après la réussite du concours de l'Éducation nationale. Ce système est démotivant pour les enseignants dont les qualités et le travail ne sont pas récompensés… ou sanctionnés s'il le faut. De plus, le concours restant le point de départ du calcul des rémunérations, les écarts persistent entre agrégés et certifiés, alors qu'ils enseignent la majeure partie du temps, aux mêmes étudiants. Dans la plupart des pays de l'OCDE, la gestion de la fonction publique et du personnel enseignant tend à s'aligner sur le droit privé et le calcul de leur rémunération à prendre en compte leur performance [1]. La Fondation iFRAP propose donc de mettre en place un salaire de base, commun à tous les enseignants, auquel viendraient s'ajouter des primes individuelles à la performance accordés par le chef d'établissement qui deviendrait un véritable manager au sein de l'établissement.

L'inefficacité des politiques de réduction du nombre d'élèves par classe

Les politiques de réduction de la taille des classes menées à partir de la fin des années 1960 par les pouvoirs publics se sont avérées inefficaces et n'ont pas permis de freiner l'affaiblissement du système éducatif français. De 1966 à 1996, la taille des classe a diminué en moyenne de 20% et aujourd'hui le gouvernement renoue, encore une fois, avec cette approche par la création de 60.000 nouveaux postes d'enseignants avant la fin du quinquennat.

L'inefficacité de telles politiques est attestée par l'analyse des résultats des études PISA qui témoigne l'absence de relation significative entre le nombre d'élèves par classe et les performances du système éducatif telles qu'elles sont calculées dans le classement PISA [2].

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Les pays asiatiques, qui sont les mieux classés, sont loin d'avoir les classes les moins remplies. Dans le 1er cycle du secondaire, les classes coréennes sont en moyenne composées de 34 élèves alors que les classes françaises comptent 24,7 élèves, pourtant la Corée est 5ème au classement, alors que la France traîne à la 25ème place.

Dans ce contexte, il semble opportun de rappeler un fait trop souvent mis à l'écart : un bon professeur reste un bon professeur quel que soit le nombre d'élèves présents dans la salle de classe.

Il semble que l'enjeu principal de notre système éducatif réside ainsi dans l'évaluation de la qualité de l'enseignement offert par les enseignants. Comme l'écrit Nathalie Elgrably-Lévy dans un article de l'institut économique de Montréal : « c'est cette variable qu'il faudrait évaluer et les comportements qui y sont associés qu'il faudrait récompenser. »

La rémunération des enseignants et professeurs des écoles :
MinimumMaximum
Salaires des certifiés 2.660 2.996
Salaire des agrégés 3.142 3.685

Salaires mensuels nets après 30 années d'exercice, enseignants en classe normale, hors indemnité de résidence, supplément familial, heures supplémentaires et indemnité de professeur principal.

Source : Éducation nationale

Les corps des agrégés, certifiés, professeurs des écoles sont composés de deux grades :

  • une classe normale qui comprend onze échelons
  • une hors-classe qui comprend sept échelons

La rémunération des enseignants augmente lorsqu'ils gravissent des échelons. Ce changement d'échelon dépend de l'ancienneté des enseignants ainsi que de leur note attribuée individuellement. Le passage du grade de classe normale au hors classe est décidé par l'inspecteur d'académie en fonction de la notation, de l'expérience et de l'investissement professionnel des enseignants.

L'actuel système de rémunération

Le système de rémunération actuel des enseignants dépend de leur diplôme (uniquement pour les enseignants du secondaire), de leur ancienneté et de la note individuelle qu'ils reçoivent.

Concernant les enseignants du second degré, cette note individuelle est déterminée à 60% par les membres des corps d'inspection chargés de l'évaluation pédagogique des enseignants « compte tenu d'une appréciation pédagogique portant sur la valeur de l'action éducative et de l'enseignement donné » et à 40% par le chef d'établissement attribuant une note administrative. Cependant, comme le rappelle l'inspection générale de l'Education nationale dans un rapport publié en 2013, le système actuel d'évaluation des enseignants présente d'importantes lacunes :

  • Tout d'abord, les rythmes d'inspections sont très variables d'une académie à l'autre. Un professeur dans un lycée témoignait du fait que les inspections pédagogiques étaient si rares (entre 5 et 10 ans) que certains professeurs étaient amenés à demander eux-mêmes une inspection lorsque celle-ci tardait trop.
  • Les critères d'évaluation sont flous, réducteurs et peu explicites.
  • Il semble impossible d'évaluer la qualité professionnelle de l'enseignant en une seule inspection d'une durée très brève (entre 1h30 et 2h), qui ne rend pas compte des activités « invisibles » des enseignants (rencontres avec les parents, discussions avec les élèves hors de la salle de classe).
  • La date de l'évaluation est connue à l'avance par les enseignants qui peuvent préparer leur classe à cet événement, quitte à créer une atmosphère qui ne correspond pas à la réalité.
  • Le résultat de l'évaluation n'est connu que plusieurs mois après que celle-ci ait eu lieu.

Au vu des défaillances évidentes du système actuel d'évaluation des enseignants et au détriment de la performance de notre système éducatif, c'est aujourd'hui l'ancienneté qui joue un rôle prépondérant dans la progression salariale des enseignants affectant négativement la motivation des enseignants et la qualité des cours dispensés. Un constat confirmé par la Cour des comptes qui indique dans son rapport 2013 Gérer les enseignants autrement qu'en 40 ans de carrière, un enseignant avec la meilleure progression possible n'aura gagné que 16,4 % de plus (soit 203. 307 euros sur toute la durée de sa carrière) qu'un enseignant avec la plus basse progression possible (1.440.625 euros accumulés contre 1.237.318 euros).

Pour l'introduction d'un nouveau système de rémunération

Proposition n°1 : Mettre fin au système de rémunération à l'ancienneté pour les futurs professeurs au profit d'un salaire de base annuel commun à tous les enseignants certifiés (les agrégés étant réservés pour l'enseignement supérieur) auquel viendraient s'ajouter des primes individuelles [3]. L'introduction d'un salaire de base annuel pourrait s'accompagner d'une hausse des obligations horaires des enseignants : les comparaisons internationales montrent que les certifiés sont déjà largement en-dessous des obligations horaires de leurs collègues européens du Nord avec 639 heures par an contre 758 en Allemagne, 720 en Belgique, 750 aux Pays-Bas et 707 en moyenne pour les pays de l'OCDE. [4]

Proposition n°2 : Les primes pourraient être versées par le chef d'établissement (qui disposerait d'une enveloppe globale inextensible permettant de limiter les évaluations complaisantes) après l'évaluation par ce dernier des enseignants de son établissement. L'évaluation par le chef d'établissement pourrait s'appuyer sur plusieurs critères parmi lesquels :

  • Les échos des parents d'élèves, voire plus directement sur le jugement des élèves eux-mêmes sur l'enseignement qu'ils reçoivent comme cela se pratique dans certaines universités sous la forme de questionnaires anonymes.
  • L'assiduité des enseignants.
  • L'organisation d'activités extra-scolaires.
  • Par ailleurs, des évaluations nationales de chaque élève dans chaque matière pourraient être organisées en début et en fin d'année scolaire afin d'observer la progression de l'élève au cours de l'année scolaire. Les résultats de ces évaluations pourraient être recueillis par le chef d'établissement et pris en compte dans l'évaluation de l'enseignant.

Dans ce cadre, le rôle des inspecteurs d'académie pourrait s'apparenter à celui de médiateur en cas de conflit entre un enseignant et le chef d'établissement.

Le montant total des primes individuelles pourrait représenter entre 0 et 30% du salaire annuel.

L'exemple des Denver public schools :

Un tel système de rémunération a déjà été mis en place dans les écoles publiques de Denver. Les résultats sont très positifs, les professeurs étant réellement incités à réaliser de bonnes performances.

Dans ces établissements, la rémunération des enseignants est composée de deux parts :

  • Une part fixe commune à tous les enseignants s'élevant à 39.000 dollars
  • Une part variable composée de primes attribuées si les enseignants atteignent les objectifs ci-dessous.

Source : Denver Pro Comp

En moyenne, les primes annuelles se sont élevées à 5.359 dollars pour l'année 2012. Au maximum, les primes peuvent atteindre 40% du salaire de base.

Conclusion

Alors que les mauvais résultats de l'Allemagne dans le classement PISA 2000 (21ème) avaient poussé les autorités publiques à mener une série de réformes de leur modèle éducatif, dont les effets furent rapidement perceptibles, un tel choc n'a pas eu lieu en France. Il est pourtant urgent de repenser le système de rémunération à l'ancienneté des enseignants si la France ne veut pas s'enfoncer dans les profondeurs du classement PISA. Établir un salaire de base commun à tous les enseignants et mettre en place un système de primes incitatif permettraient de réduire la masse salariale tout en exigeant des professeurs la meilleure performance.

[1] Voir notre analyse sur les rémunérations dans la fonction publique

[2] Voir pdf en annexe, à droite

[3] Cela existe déjà pour les enseignants affectés dans les écoles et établissements scolaires relevant du programme Éclair (une part modulable peut être versée en fin d'année scolaire, au regard de la participation et de l'engagement des intéressés sur des missions, activités ou responsabilités spécifiques (propositions de l'IEN ou du chef d'établissement) dans la limite d'un plafond de 2 400 euros)

[4] Voir notre analyse sur le temps de travail des enseignants