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Salon de l’agriculture : arrêtons les débats inutiles et libérons le marché une bonne fois pour toute

L’ouverture du salon de l’agriculture, dans chaque année, est l’occasion de nouvelles passes d’armes entre agricultures traditionnelle, biologique, intensive, de conservation, de haute qualité environnementale, agroforesterie, régénératrice, raisonnée... Mais sans arbitre clair, ces débats ne permettent pas d'améliorer les conditions de travail des agriculteurs français. Plutôt que de s'y perdre une nouvelle fois, la Fondation iFRAP propose d'adopter 4 mesures d’ouverture du marché des exploitations agricoles qui ont, déjà, prouvé leur effectivité dans les autres pays européens : 

  1. Supprimer le contrôle du prix des terres agricoles
  2. Supprimer le contrôle des achats de terres agricoles (SAFER)
  3. Supprimer le contrôle des installations des exploitants agricoles
  4. Rendre les baux cessibles et monnayables, et/ou rééquilibrer les relations locataires/propriétaires

Un manque d’arbitre

En passant du fait de labourer ses terres, de l’utilisation des engrais et/ou de produits phytosanitaires, des dates des semailles et des récoltes, du type d’assolement, des besoins d’irrigation, ou encore des machines agricoles, tous ses choix, relatifs aux méthodes de culture, agitent le monde agricole et donnent lieu à des débats intenses, sains, mais interminables. Les intervenants sont généralement de bonne foi, mais d’opinions opposées, souvent catégoriques voire, parfois, intolérantes.

Un exemple typique : labour ou non labour ?

La vidéo publiée par un jeune agriculteur enthousiaste en train de labourer les champs (retourner/ameublir la terre) de la ferme familiale apparemment efficace, lui a attiré les commentaires suivants :

  • Salut, quel intérêt de labourer pour les céréales ?
  • Effectivement, à part consommer du carburant et détruire la vie du sol, je ne vois aucun intérêt au labour.
  • Attend j'ai du mal à suivre, il reste des épis de maïs sur le sol, quel est le risque ? Et c'est quoi une base propre ? Du béton c'est une base propre, tu ne feras pas mieux.

Dans tous les autres secteurs de l’économie, ce type de débats existe mais se résolvent rapidement : les meilleures solutions chassent les autres, les producteurs les moins performants doivent, soit changer de méthode, soit être remplacés par les plus performants. C‘est automatique grâce à l’arbitrage du marché, pas après des décennies d’argumentations où les intervenants restent sur leurs positions comme c’est le cas en agriculture.

Cette situation est d’autant plus étrange qu’en agriculture, toutes ces nouvelles méthodes, sont largement mises gratuitement à la disposition de leurs collègues et concurrents par leurs promoteurs eux-mêmes, sur Internet ou dans des conférences, formations, conseils, colloques, publications, organismes professionnels. Dans les autres secteurs de l’économie, les particuliers et les entreprises protègent leurs innovations par des brevets, ou par une politique de secret, dans le but avoué d’étendre leur part de marché aux dépens de leurs concurrents. La démarche du monde agricole est sympathique, mais indique que les porteurs d’innovations n’ont pas la possibilité d’en tirer parti sur une grande échelle, comme c’est le cas dans l’industrie, le commerce et les services. Effectivement, en France, les agriculteurs ont peu de possibilités de démontrer toute l’étendue de leurs capacités, même s’ils ont découvert des méthodes (techniques ou autres) supérieures aux autres. Cela pour deux types de raisons : 1) le blocage administratif des entrants, 2) le blocage par les personnes en place.    

Le blocage administratif des entrants

La volonté politique de conserver le maximum d’exploitations agricoles même non rentables a conduit les responsables à mettre en place des barrières au développement des exploitants les plus performants : contrôle des installations, contrôle des structures, contrôle des agrandissements, contrôle des achats de terres agricoles. Des mécanismes dévastateurs pour la production agricole française et pour les agriculteurs qui se débattent dans des exploitations trop petites par rapport à leurs concurrents étrangers. Des mécanismes que les intéressés essaient de contourner soit en faisant jouer leurs relations, soit en regroupant des fermes, par exemple familiales, en théorie indépendantes. Des combines qui créent une atmosphère malsaine dans ce milieu local où tout le monde se connaît.     

Le blocage par les personnes en place

Même quand ils se heurtent à de grosses difficultés, la plupart des agriculteurs en place ont plusieurs raisons de vouloir persévérer dans leur activité. Les arguments sont : "C'est une affaire de famille", "Mon bail constitue un capital important transmissible à mes enfants mais pas monnayable", "La vente de mes terres, à un prix très faible en France, ne me permet de vivre en retraite"... En plus de leur passion pour ce travail, s’étant souvent installés dans la propriété familiale, ils se sentent responsables de continuer la tradition à tout prix. Et même s’ils sont locataires, leur bail représente un privilège qu’il est inconcevable d’abandonner, gratuitement, puisqu’il est interdit de le vendre.

Un autre préjugé, « qu’ils ne savent faire que cela », est très contestable, de nombreux employeurs recherchant des collaborateurs aussi engagés et responsables que les anciens agriculteurs. Au total, de nombreux exploitants acceptent des conditions de travail considérées comme intolérables pour des salariés. En réalité, de nombreux agriculteurs sont sauvés par les subventions de la Politique Agricole Commune, et tolèrent des conditions de vie très difficiles avec un temps de travail moyen autour de 55 heures par semaine, souvent pour moins de 2 semaines de congés par an (seulement 50% des agriculteurs prennent plus de 5 jours de congés par an) et pour un salaire brut mensuel autour de 1 700 euros. Conséquence, pour vivre et malgré un temps de travail élevé, 90% des 450 000 exploitants perçoivent une aide ou une subvention et sans ces dernières, 50% des exploitations présenteraient un résultat courant avant impôts négatif. En plus de cela, la famille des agriculteurs se retrouve, souvent, à devoir fournir un titre gratuit et le foyer vit, de plus en plus, sur le salaire du conjoint (les couples composés de 2 agriculteurs étant de plus en plus rares). 

Comment s'étonner alors qu’un exploitant agricole choisisse de quitter son travail de 60 heures sur sa ferme et un revenu de 800 euros par mois pour une place de chauffeur-livreur de gros matériels de construction à 35 heures par semaine payée au-dessus du SMIC.

Les mesures à prendre d'urgence

Les territoires français étant très variés, les techniques agricoles doivent aussi rester diverses. Mais pour favoriser la découverte et l’adoption par les agriculteurs des meilleures méthodes, il faut libérer l’action des agriculteurs les plus dynamiques. Quatre mesures d’ouverture du marché des exploitations agricoles doivent être prises. Elles sont, d'ailleurs, toutes déjà effectives dans les autres pays européens :

  • Supprimer le contrôle du prix des terres agricoles
  • Supprimer le contrôle des achats de terres agricoles  (SAFER)
  • Supprimer le contrôle des installations des exploitants agricoles
  • Rendre les baux cessibles et monnayables, et/ou rééquilibrer les relations locataires/propriétaires

Le retard pris en France dans l’évolution des structures nécessite, en plus, deux mesures franco-françaises temporaires :

  • Créer une retraite améliorée pour les exploitants de plus de 62 ans cédant vraiment leur ferme (pas fictivement à leur conjoint souvent presque aussi âgé)
  • Remplacer le soutien PAC par le soutien standard RSA pour la majorité des très petites exploitations agricoles non rentables (chiffre d’affaires-PBS inférieur à 8.000 euros par an)