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Masse salariale de l'État : les efforts depuis 2008 sont caducs

Nous avons déjà traité dans une note récente le cadrage général de la masse salariale publique. Désormais avec les dernières données disponibles et la publication du rapport provisoire du tome 1 du rapporteur général du Sénat relatif au PLF 2024, des précisions importantes sont apportées s’agissant de la masse salariale de l’Etat. Et les perspectives de hausses à court terme sont quasi-certaines. D’une part, les « efforts » consentis par l’Etat pour modérer l’évolution de sa masse salariale depuis 2008 sont aujourd’hui effacés, mais en outre des augmentations se profilent dès 2025 car le solde de CAS Pensions serait négatif à compter de 2026. Et avec la dernière augmentation de 5 milliards d’euros (en euros constants et hors opérateurs et hors CAS pensions) prévue, tous les « efforts » réalisés par les différentes réformes de l’Etat et la modération salariale depuis trois quinquennats sont désormais compensés. 

Masse salariale de l’Etat, « les efforts » depuis 2008 sont effacés

Dans le cadre du PLF 2024 la masse salariale de l’Etat s’élève y compris contributions au CAS pensions à 153,6 milliards d’euros, soit +7,5 milliards d’euros par rapport à son niveau dans la LFI 2023, dont +5 milliards d’euros de crédits en direction des rémunérations et +2,5 milliards d’euros de cotisations au CAS (compte d’affectation spécial) Pensions. Hors CAS, la masse salariale passe ainsi de 100,3 milliards en 2023 à 105,3 milliards en 2024.

Principaux facteurs d'évolution de la masse salariale

En Milliards d'euros

Masse salariale LFI 2023 + CAS

146,0

CAS LFI 2023

45,7

Masse salariale LFI 2023

100,3

Impact des schémas d'empois

0,4

Mesures catégorielles

3,7

GVTA positif

1,4

GVT négatif

-0,9

GVT solde

0,5

Variation du point de FP

0,6

Autres

-0,2

Masse salariale PLF 2023

105,3

CAS LFI 2024

48,2

Masse salariale LFI 2024 + CAS

153,5

Source : PLF 2024

Mais en augmentant de 5 milliards d’euros la masse salariale de l’Etat (hors opérateurs[1] et hors CAS pensions), le présent gouvernement efface en euros constants les « efforts » réalisés par les différentes réformes de l’Etat et la modération salariale intervenues pendant quasiment trois quinquennats. Très précisément depuis 2008.

En effet, en euros constants 2024, les dépenses de masse salariale de l’Etat hors CAS Pensions s’élevaient à 104 milliards d’euros en 2008, tandis que ces mêmes dépenses en PLF 2024 devraient s’élever à 105,3 milliards. Cela clôturerait ainsi la phase de « modération » de la masse salariale intervenue durant les trois derniers quinquennats, soit de 2007 à 2022 avec un point bas atteint en 2014 avec 91,5 milliards d’euros en euros constants 2024. 

Encore faut-il également avoir à l’esprit que cette bonne tenue jusque-là de la masse salariale de l’Etat n’a été obtenue qu’en utilisant 4 leviers simultanément ou alternativement :

  • La modération salariale via le gel du point de fonction publique ;
  • La réforme de l’Etat (RGPP, la MAP ou CAP 2022) ;
  • Des Transferts en direction des collectivités locales (dans le cadre de l’acte II de la décentralisation) ;
  • Des Transferts en direction des opérateurs de l’Etat (dans le cadre de la réforme de l’autonomie des universités) ;

Si l’on corrige comme l’effectue la Cour des comptes la masse salariale de l’Etat (en euros courants) en gardant constant le périmètre de l’Etat de 2006, il est possible de vérifier l’étendue des transferts réalisés actualisés en 2024 soit vers les opérateurs, soit vers les collectivités territoriales :

En euros courants, la masse salariale transférée vers d’autres niveaux d’administration entre 2007 et 2024 s’élève à près de 10 milliards d’euros. Un écart qui est désormais à peu près constant depuis 2017. 

Une augmentation incontournable de la masse salariale entre 2025 et 2026 due à « l’effet CAS » 

Il nous est par ailleurs possible d’affirmer que la masse salariale de l’Etat va continuer d’augmenter y compris en euros constant à compter des exercices 2025 ou 2026. En effet les excédents accumulés par le compte d’affectation spéciale Pensions diminuent très rapidement, au point de risquer de faire plonger le solde du CAS en territoire négatif à horizon 2026. Une situation qui ne s’était jamais présentée depuis la mise en place de la LOLF en 2006. 

Puisque le solde d’un CAS ne peut être négatif, les pouvoirs publics devront nécessairement relever le montant de la cotisation employeur tant des personnels civils que des personnels militaires de l’Etat afin de renforcer sa trésorerie. En effet comme l’évoque le Sénat, « Face à la quasi-stagnation des recettes qui passeraient de 65,1 milliards d’euros en 2024 à 66,0 milliards d’euros en 2026 (+0,9 milliard d’euros), les dépenses augmenteraient de 3 milliards d’euros pour atteindre 70,6 milliards d’euros en 2026. » Le solde cumulé représentant la trésorerie du CAS deviendrait négatif à compter de 2026 et afficherait -2,6 milliards d’euros, tandis que le solde annuel du CAS serait lui-même négatif depuis la 5ème année consécutive[2]… Le phénomène s’aggravant encore chaque année pour atteindre -2,5 milliards en 2024 et jusqu’à -4,6 milliards d’euros en 2026. Il est donc raisonnable d’estimer qu’une revalorisation substantielle des contributions employeurs au CAS pensions des personnels civils et militaires, dont les soldes des programmes sont eux-mêmes négatifs (rétrospectivement et prévisionnellement), devrait intervenir en 2025 et au plus tard en PLF 2026. Rappelons par ailleurs que les taux de cotisation employeur pour les personnels civils et militaires n’ont pas été revalorisés depuis 2014 et 2013, soit respectivement 74,28% et 126,07%[3]. Cela devrait aboutir à une hausse de la masse salariale minimale (y compris CAS) de l’Etat de l’ordre de 3 milliards d’euros minimum. 


[1] Le point est important car les opérateurs de l’Etat affichaient en 2023 (derniers chiffres disponibles) 34,2 milliards d’euros, en hausse de 6,87% par rapport à 2022. 

[2] Consulter le « bleu budgétaire » relatif au compte d’affectation spécial Pensions, annexé au PLF 2024. p.12. 

[3] « Jaune » Pensions, annexé au PLF 2024, p.248.