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Grèves SNCF : l’avenir du ferroviaire en France en danger

Les grèves des salariés de la SNCF qui perturbent la vie des Français depuis deux mois ne sont pas dues à des questions de salaire ou de chômage, elles ne sont même pas dues à la question du statut des cheminots qui devrait être préservé, mais à la mise en place d’une convention collective commune pour tous les employés du transport ferroviaire. Cette convention viendrait mettre un terme à la règle du RH0077 qui doit expirer le 1er juillet 2016 et qui gère acutellement le temps de travail de tous les cheminots (sous statut ou contractuels). La RH0077 fixe ainsi, le temps de travail annuel à 1.568 heures (contre, rappelons-le, un service public établi à 1 607 heures). 

Toute la question de la négociation (et des manifestations et des grèves) est donc : vers quoi doit tendre la convention collective commune ? Les syndicats demandent un alignement sur la RH0077, la SNCF espère un alignement sur le privé. En effet, si rien n'est changé, le coût du travail des cheminots de la SNCF sera de 20% supérieur à celui d'un cheminot d'une entreprise privée. A l'approche de l'ouverture à la concurrence, en 2020, il apparait évident que, sans cette convention commune, la SNCF disparaîtra au profit de ses concurrents, mais qu'avec une convention commune identique à celle de la SNCF, c’est le transport ferroviaire lui-même qui disparaîtra en France. Les cheminots, soutenus par leurs syndicats, s’accrochent visiblement à cette seconde solution. La politique du pire est une tentation fréquente pour s’imaginer sauver la face. Il existe pourtant deux plans de sortie de cette crise, appliqués dans d’autres pays européens (ex. Allemagne, Royaume-Uni) mais ils réclament du courage de la part, soit des syndicats, soit du gouvernement, ou des deux.  

Le plan A : 

Le plan rêvé serait que les salariés de la SNCF réalisent que leurs conditions d’emploi (temps et conditions de travail, âge de retraite, salaires et carrières à l’ancienneté…) ne correspondent pas à une gestion satisfaisante de leur entreprise, financée chaque année par les Français à hauteur de 10 milliards d’euros. Ces cheminots réaliseraient que leurs privilèges sont injustes vis-à-vis de leurs concitoyens qui développent une hostilité de plus en plus forte vis-à-vis d’eux. Ils seraient aussi conscients que cette situation conduira leur entreprise, la SNCF, à sa perte, une fois l’ouverture à la concurrence réalisée, ou même avant. L’avion, le covoiturage et les autocars sont à l’œuvre pour y parvenir. La dignité voudrait aussi que les employés de cette entreprise réalisent qu’une SNCF non compétitive constitue un boulet pour l’économie de notre pays. Si eux-mêmes sont protégés par leur statut contre la baisse de leurs revenus et le chômage, les problèmes des autres Français puis de leurs enfants devraient les toucher.     

Le plan B : 

Ce second plan, le plus simple, est de mettre les salariés de la SNCF face à leurs responsabilités en ouvrant pleinement le secteur ferroviaire à la concurrence. Ces entreprises ferroviaires négocieraient une convention collective commune comme cela a été fait pour fret ferroviaire. Sans problème apparent puisque des salariés de la SNCF rejoignent volontiers les nouveaux entrants. Plusieurs entreprises françaises (dont des entreprises publiques comme TRASNDEV et la RATP-DEV) et étrangères entreraient sur ce marché comme elles le réclament depuis longtemps. Et comme elles le font dans de nombreux pays étrangers en Europe et dans le monde. Comme dans le Fret ferroviaire, la SNCF perdrait rapidement des parts de marché jusqu’au moment où les salariés de la SNCF prendraient conscience concrètement des risques de marginalisation de leur organisme et seraient prêts à négocier réellement.         

Pour conclure...

Rappelons que ce n'est pas la première fois que la question du temps de travail des cheminots, dans le cadre d'une ouverture à la concurence, se pose. Le fret ferroviaire a déjà signé un accord en 2008. 

 SNCF roulant (en cours de négociation)Décret Fret roulants (réformé en 2008)
Durée annuelle de travail1 568h1 607h
Repos périodique126104
Amplitude de la journée de travail11h13h

 

Aujourd'hui, c'est aux autres secteurs du transport ferroviaire (lignes internationales, lignes nationales, TER) de faire leurs preuves en négociant une convention collective équilibrée. Les coûts SNCF sont d’au moins 20% supérieurs à ceux de ses concurrents, et les enquêtes menées à la suite des accidents récents (Brétigny, TGV Est) ont montré en plus qu’ils sont loin d’être une garantie de qualité. France Telecom a réussi à se sortir du piège où se trouve la SNCF ; Air France continue à se débattre ; La Poste cherche comment se réformer. Dans ces trois cas, les salariés ont accepté d’abandonner progressivement des statuts irréalistes. Pourquoi pas ceux de la SNCF ?

Si c’est à cause de leur pouvoir de nuisance, ce serait inquiétant pour notre pays. D'autant que le temps de travail théorique est, comme souvent, optimisé puisqu'en 2010, la Cour des comptesLa SNCF : réformes sociales et rigidités de gestion, Cour des comptes (2010)​ soulignait que, dans les faits, les durées de travail effectives étaient inférieures au décret RH0077 : "En 2008, les conducteurs de ligne travaillent effectivement 6h14 par jour, soit 1h35 de moins que la durée de travail théorique ; les conducteurs de manœuvre travaillent 7h25, soit entre 20 et 35 minutes de moins ; les agents d’accompagnement de la branche Voyageurs France Europe (VFE) travaillent 6h13, ceux de l’activité TER, 6h08, soit environ 1h35 de moins. Au total, la durée journalière de travail effectif moyenne des conducteurs est de 6h22 (durée à distinguer du temps de conduite, sensiblement inférieur). S’agissant du cas particulier du RER B, ligne cogérée avec la RATP, le temps de travail effectif des agents descend même à 5h50 par jour.". 

L’exemple de La Poste :

Philippe Wahl, président de La Poste, dans Le Figaro du 24 février 2016 : «  Si on commence à vouloir mettre des statuts de La Poste chez Chronopost, il disparaît » Par cette déclaration publique, Philippe Wahl a parfaitement résumé le problème de la SNCF et a montré le chemin aux salariés de la SNCF.