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Un quart de la population immigrée en France a plus de 65 ans, 10 points au dessus du reste de l'Europe

... et un accès au minium vieillesse facilité en France ?

Le 6 novembre prochain débutera l’examen, au Sénat, du projet de loi sur l’immigration. Pour éclaircir le débat, la Fondation IFRAP s'est penchée sur les données de l’OCDE relatives à l’âge de la population étrangère et sur les conditions d’accès de cette population aux prestations de type « minimum vieillesse » dans le reste de l’Europe.

Il en ressort que la France se caractérise par une population étrangère plus âgée que la moyenne européenne et que cette part augmente depuis 2010 et qu’elle augmente plus vite que le reste de la population nationale. En parallèle, il apparait que les bénéficiaires d’un minimum vieillesse, nés à l’étranger représentent 35% des personnes n’ayant jamais cotisé (bénéficiaires SASPA) et 40% des sommes ASPA versées par le régime général. 

Une population étrangère de + de 65 ans : 25% en France contre 15% en Europe

Dans une note précédente, on constatait, en France, une immigration très familiale et des résidents étrangers plus éloignés de l’emploi… mais la France se caractérise également par une population non native plus âgée, à la fois par rapport à la moyenne européenne en proportion mais également par rapport à la population nationale. Ainsi, selon les indicateurs de l’intégration des immigrés 2023 (juin 2023, OCDE) :

  • En 2020, 25% de la population née à l’étranger avaient plus de 65 ans, en France, contre une moyenne à 15% en Europe. 
  • À titre de comparaison, ce taux est de 17% en Allemagne, de 9% au Portugal, de 12% aux Pays-Bas, de 10% au Danemark, de 7% en Italie et de 11% au Royaume-Uni. 
  • La tendance est la même pour la part de population non native de plus de 75 ans : 10,4% en France contre une moyenne européenne à 6,3%.

Mais également :

  • En 2020, 25% de la population née à l’étranger avaient plus de 65 ans, en France, contre 19,4% pour la population nationale. 
  • Pour les plus de 75 ans, le ratio est plus proche avec 10,4% de la population non native et 8,6% de la population nationale. 
  • En moyenne en Europe, cette proportion est inversée puisque si 15% de la population non native à plus de 65 ans, ce taux monte à 21,1% pour la population européenne. Même chose pour les plus de 75 ans : 6,3% pour les non-natifs contre 9,8% pour les Européens. Finalement, seuls 8 pays affichent un ratio inversé : la Hongrie, la France, la Slovaquie, la Croatie, la Pologne, la Lituanie, l’Estonie et la Lettonie. 

Source : OCDE, Les indicateurs de l’intégration des immigrés 2023, juin 2023 

On observe également que cette part de la population étrangère de plus de 65 ans continue d’augmenter en France alors qu’elle diminue en Europe : entre 2010 et 2020, +5,3% pour les plus de 65 ans en France et +2,5% pour les plus de 75 ans contre, respectivement, -0,9% et -0,3% en moyenne dans l’Union européenne ou encore une tendance à -9,6% et -3,6%, respectivement, en Allemagne… pays où aucun minimum vieillesse n’était en place jusqu’en 2021 (et qui reste conditionné à une durée de cotisation d’au moins 33 ans). 

Accès au minimum vieillesse pour les non natifs : des règles extrêmement complexes, beaucoup d’exceptions et aucun suivi des statistiques

On sait qu’en 2016, 35% des 70 000 bénéficiaires du SASPA (service de l'allocation spécifique aux personnes âgées, à destination des personnes n’ayant jamais cotisé) étaient des étrangers non communautaires. Les bénéficiaires du SASPA représentent environ 13% des 553 000 bénéficiaires de l’ASPA (allocation de Solidarité aux personnes âgées) et de l’ASV (allocation supplémentaire du minimum vieillesse) qui, eux, ont partiellement cotisé. 5 ans plus tard, en 2021, le nombre de bénéficiaires de l’ASPA et de l’ASV était de 664 300 personnes (rapport 2023) mais, malgré une enquête de la Drees qui couvrait 99,9% des bénéficiaires de l’ASV ou de l’ASPA pour la France entière au 31 décembre 2020, les données sur les bénéficiaires nés à l’étranger ne semblent pas remises à jour ou publiées (encadré 1, p212 du rapport 2022). 

La Cnav précise cependant verser 1,1 milliard d’euros d’une allocation du minimum vieillesse à des retraités du régime général nés à l’étranger (en excluant les pensionnés nés dans un territoire français - colonies, protectorats- avant l’indépendance de ces derniers, environ 500 000 personnes). Sur cette somme, 0,9 milliard relève de l’ASPA et cela représente 40% des « masses d’ASPA versées par le régime général »).

Il conviendrait pourtant de suivre cette proportion sur le long terme, d’une part car les sommes en jeu sont importantes, 4 milliards, et croissent considérablement (+15% en 2019, +12% en 2020). D’autre part, il faut suivre ces données pour mesurer l’impact du choix du gouvernement d’augmenter la condition de résidence avant d’avoir accès à l’ensemble des prestations sociales de 6 à 9 mois de résidence en France et par an, à partir de 2024. Cette condition de résidence doit se cumuler avec l’une des situations ci-dessous :

  • Être Algérien ou Andorran ou Béninois ou Cap-verdien ou Congolais (République du Congo) ou Gabonais ou Israélien ou ou Malgache ou Malien ou Marocain ou Monégasque ou Sénégalais ou Togolais ou Turque ou Tunisien « sous certaines conditions » (voir site service-public.fr, onglet « Quelle est la condition de résidence pour obtenir l’ASPA),
  • Justifier de 10 ans de présence sur le territoire avec un permis de séjour les autorisant à travailler (règle mise en place depuis 2011). 
  • Être réfugié,
  • Être apatride,
  • Bénéficier de la protection subsidiaire (« attribuée à l'étranger qui ne remplit pas les conditions d'obtention du statut de réfugié »),
  • Avoir combattu pour la France.

Pour les ressortissants d’un État membre de l’Espace économique européen, Suisse ou membre de l’Union européenne, la résidence stable à justifier est de 3 mois. 

Enfin, une exception au niveau de l’âge existe également et l’ASPA est ouvert aux plus de 62 ans et moins de 65 ans qui justifient d’un handicap de plus de 50% et reconnu comme définitivement inapte au travail. Le site mes-allocs.fr précise aussi que dans le cas d’étrangers « qui ne peuvent justifier de la régularité de leur séjour [, ils] peuvent fournir un relevé de carrière professionnelle pour les périodes manquantes. Le relevé de carrière doit indiquer au moins un trimestre ayant donné lieu à cotisation ou un trimestre acquis en contrepartie d’un revenu de remplacement (période de chômage, de maternité, d’invalidité, etc.) pour être retenu. » 

On notera qu’en métropole, il n’y a pas de récupération sur succession de l’ASPA si le patrimoine (actif net de la succession) du bénéficiaire décédé est inférieur à 100 000 euros (150 000 euros dans les DOM).

Qu’en est-il chez nos voisins européens ?

On l’a vu, une prestation équivalente à un minimum vieillesse n’a pas été créée en Allemagne avant 2020 et reste conditionnée à 33 ans de cotisations. 

En Lituanie, le minimum vieillesse (ou « retraite sociale ») est accessible à ceux qui ne touchent pas une pension, nationale ou étrangère, et qui ont un permis de résidence… Or, pour obtenir ce dernier, il est obligatoire de justifier d’une source de revenus ou d’une indépendance financière. De facto, « le tourisme social des plus âgés n’est pas possible » dans le pays (voir IMISCOE Research Series, Migration and Social Protection in Europe and Beyond, 2020).

Une restriction similaire s’applique au Portugal où l’accès au « supplément pour dépendance » (complemento de dependencia) et le « supplément de solidarité pour les plus âgés » (complemento solidario para idosos) n’est accessible qu’en justifiant d’un permis de résidence… conditionnée à la preuve d'un contrat de travail. 

Autre exemple, à Chypre, le délai de résidence à justifier avant de pouvoir avoir accès à une « pension sociale » est de 20 ans après l’âge de 40 ans ou de 35 ans après l’âge de 18 et ce, sur le territoire chypre ou en Suisse ou dans l’Union européenne.

Un point sur les retraites versées aux non-natifs 

En 2022, la CNAV précisait verser une retraite à 3 millions de retraités nés à l’étranger, soit 20% de l’ensemble des retraités du régime général mais cette proportion descend à 17% et environ 2,5 millions de retraités en excluant les pensionnés nés dans un territoire français (colonies, protectorats) avant l’indépendance de ces derniers. Ces derniers touchent 19,8 milliards de prestations, soit 15% de l’ensemble des prestations versées par le régime. 

En 2017, la Cour des comptes appelait à un meilleur suivi de ces données notamment à cause de l’emballement des prestations versées à des résidents à l’étranger entre 2006 et 2015 (attention, on parle bien ici des pensionnés percevant une retraite à l’étranger, qu’ils soient nés en France ou à l’étranger) : +35% sur le montant total versé, soit 6,5 milliards d’euros tous régimes confondus (régime général, MSA, RSI, AGIRC ARRCO) dont la moitié était versée dans l’espace européen (50,3%). Néanmoins et « à eux seuls, cinq pays représentent 70 % des versements de prestations de retraite à l’étranger : l’Algérie (26 %), le Portugal (17 %), l’Espagne (15 %), le Maroc (7 %) et l’Italie (5 %). Les dix premiers pays par ordre d’importance constituent 85 % du total ». La Cour pointait du doigt l’importance de vérifier la régularité des prestations versées et la faiblesse des contrôles notamment sur place.

Notons qu’aucune de ces données ne nous renseigne sur la part des retraités nés à l’étranger qui perçoivent l’une des 4 millions de pensions publiques (FPH, FPT et FPE civils). A l’heure actuelle, il semble que cette donnée ne soit pas publiée. On peut s'interroger sur cette opacité.