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S'inspirer de l'externalisation du soutien postal des militaires à l'étranger

Qu'est ce que le service de la poste interarmées (SPIA) ? Il assure, jusqu'au 1er semestre 2015, avec La Poste et au profit des unités et des militaires projetés à l'étranger, les prestations d'opérations postales (dépôt, acheminement et distribution du courrier) télégraphiques, télématiques et financières exigées par le service de proximité ainsi que les opérations de trésorerie dans les territoires dépourvus de payeur aux armées, avec l'accord du payeur général aux armées et la desserte postale des missions militaires à l'étranger dans le cadre des accords internationaux et des bâtiments de la marine nationale à la mer.

Le service financier de proximité assuré par le SPIA : Les militaires ont droit, lors de leurs missions de courte durée (MCD) à l'étranger, au paiement en liquide de 1éres fractions de solde mensuelle en euros ou en monnaie locale dont le montant évolue de 300 à 600 euros selon les grades. Elles leur sont versées par les trésoreries militaires de leurs formations de rattachement et ils avaient la possibilité d'en reverser la totalité ou une partie sur leurs livrets d'épargne ouverts à la Banque Postale dans le cadre d'une convention qui devenait obsolète (confer supra) via les bureaux postaux interarmées (BPIA) du SPIA projetés avec les forces armées.

Organisation du SPIA : Le SPIA, armé en 2007 par environ 120 fonctionnaires de La Poste, détachés sous statut militaire au sein du ministère de la Défense (MINDEF) pour une période maximale de 6 ans, comprenait un département central chargé de l'organisation, du fonctionnement, du contrôle du service et de sa coordination interne (gestion des ressources humaines, matérielles et budgétaires) et auquel étaient subordonnés :

  • le centre de tri postal « Paris tri interarmées », qui était un bureau centralisateur et d'échange, en relation avec l'ensemble des organismes postaux militaires, chargé du tri et de l'acheminement des objets de correspondance à destination ou en provenance des militaires (et de leurs familles) et des formations militaires,
  • le bureau central « Paris Armées 01 », qui, outre ses attributions de bureau postal, approvisionnait tous les BPIA en figurines et autres objets postaux, et assurait, avec l'accord de La Poste, le transit du trafic télégraphique et télématique privé,
  • l'unité de soutien administratif qui était chargé de participer notamment à l'exécution du paiement de la solde et des indemnités de son personnel et d'assurer la logistique de ses organismes,
  • les BPIA déployés dans les garnisons de métropole et outre-mer [1] par décision conjointe du MINDEF et La Poste.

Les agences postales militaires des armées (environ 1.000 personnels militaires et civils) qui ne font pas partie organiquement du SPIA et sont installées sur des sites éloignés de tout bureau de poste, étaient rattachées, sur le plan technique, aux BPIA. Contrairement à la Marine nationale et l'armée de l'Air, l'armée de Terre en a ouvert très peu car ses unités sont souvent implantées au sein des zones urbaines bien desservies par La Poste.

Le projet d'externalisation

La décision d'externalisation de la poste interarmées (PIA), prise en 2008, s'imposait au MINDEF en raison de la réglementation européenne sur l'ouverture concurrentielle des prestations postales et bancaires (notamment les livrets d'épargne non fiscalisés) au secteur privé. En outre l'arrêt du recrutement des fonctionnaires de La Poste posait à terme la question de l'armement en personnel du SPIA. Ce projet a été conduit par le service du commissariat aux armées (SCA) selon la procédure du dialogue compétitif à partir d'un cahier des charges défini par l'État-major des armées (EMA) qui concernaient notamment le soutien des militaires et leurs familles (Volumétrie : environ 30.000 personnes).

Trois catégories de prestations étaient attendues de la part de l'opérateur :

  • soutien postal entre la France et l'étranger (théâtres d'opérations, les bases permanentes et bâtiments de la marine en mer) : besoins officiels et privés (lettres et colis d'une masse inférieure ou égale à 30 kg),
  • soutien financier des militaires déployés à l'étranger, leur permettant de réaliser les opérations financières (retraits et dépôts de numéraire, envoi et réception de fonds vers le territoire national et l'étranger),
  • services bancaires de base au profit des légionnaires (environ 7.000 militaires) : ouverture de compte bancaire, de livret d'épargne défiscalisé et délivrance d'une carte de retrait à partir d'un point d'accueil unique, création d'un service de retrait type DAB à l'intérieur des quartiers militaires de la Légion étrangère.

Sur les 4 candidats qui ont postulé à cet appel d'offre : le groupement "La Poste/SODEXO AMECAA SAS", la société "SAGA France", la société "DHL GLOBAL MAIL" et la société "UPS" qui n'a pas participé au dialogue compétitif, c'est le premier groupement qui a été contractualisé pour assurer des prestations de services postaux uniquement au profit des militaires (et de leurs familles) et des forces armées françaises déployées hors du territoire national.

Dans le cadre de ce marché de 4 ans évalué à 50 millions d'euros, le nouveau service postal à L'international pour La Défense (SPID) [2] propose les prestations suivantes :

  1. La Poste = concentration de tous les envois à destination des militaires déployés à l'étranger sur une plate-forme de regroupement et le transport international de ces envois à l'export (France vers étranger) et à l'import (étranger vers La France) ;
  2. SODEXO [3] = distribution des envois aux militaires déployés à l'étranger, prise en charge de leurs envois et mise en place [4] d'agences postales offrant aux militaires des services postaux tels que : conseils pour réaliser les envois de courriers et colis, vente de produits postaux et de solutions d'affranchissement, gestion des flux courriers et colis entrants et sortants (distribution, prise en charge, gestion des instances).

Ainsi, ce groupement retenu est chargé du soutien postal hors des frontières nationales (forces de présence, théâtres d'opérations extérieures, bâtiments de la Marine nationale à la mer) et effectue des prestations de services postaux pour les lettres et les colis inférieurs à 20 kg sur toute la chaîne de valeur (réception dans un point du réseau, tri, acheminement, dédouanement, distribution au vaguemestre). Compte tenu que les services bancaires sont contraints aux lois internationales de lutte contre le trafic de financement, la Banque postale qui n'a pas une obligation de service public, a choisi de ne pas poser sa candidature en ce qui concerne les transferts d'argent.

Conclusion sur l'externalisation du SPID

La dissolution du SPIA étant programmée pour le 1er semestre 2015, et compte tenu du coût de cette externalisation, il sera nécessaire d'évaluer les économies réalisées (salaires et pensions, budgets de fonctionnement et d'investissement) pendant et à l'issue de la période du contrat. Cet exemple met en évidence que de tels processus d'externalisation de soutien courant des forces peuvent être appliquées à des domaines qui ne relèvent pas du cœur de métier des militaires (habillement, alimentation, services généraux des bases,…) mais aussi l'instruction élémentaire de conduite offerte aux militaires dont l'externalisation peut être un gisement d'économie de dépenses.

L'instruction élémentaire de la conduite de véhicules : Cette instruction qui se base sur la formation donnée dans le secteur civil, concerne environ 15.000 stagiaires par an. Elle a une durée équivalente à celle prodiguée dans le secteur civil et est assurée par des centres et des cellules d'instruction élémentaire de conduite agréés (CIEC) :

  • de l'armée de terre au profit des autres armées et services interarmées : 5 centres situés dans les camps militaires de Mourmelon-le-Grand (51), Sissonne (02), Montlhéry (91), La Valbonne (01), Castelsarrasin (82) ;
  • de la gendarmerie nationale : 2 centres situés à Chateaulin pour les véhicules (29) et Fontainebleau pour les motos (77) ;
  • du service militaire adapté (SMA) du ministère de l'outre-mer (MIOM) : 1 cellule dans chaque formation implantée dans les DOM-COM ;
  • des unités d'instruction et d'intervention de la sécurité civile du ministère de l'intérieur (MININT) : 1 cellule dans chacune des 2 formations ;
  • de la brigade de sapeurs pompiers de Paris (BSPP) : 1 cellule en son sein.

Outre leurs missions de formation élémentaire et complémentaire de conducteurs aux brevets militaires de conduite VL, PL, SPL, TC et moto, les CIEC du MINDEF assurent la formation aux techniques d'instruction et d'enseignement de la conduite des futurs moniteurs civils et militaires, ainsi que leur formation professionnelle et continue sur la base BEPECASER (Brevet pour l'exercice de la profession d'enseignant de la conduite automobile et de la sécurité routière) qui est un diplôme d'État français nécessaire pour pouvoir exercer la profession d'enseignant de la conduite automobile. Enfin, dans le cadre de la formation de reconversion professionnelle des militaires (confer l'article du 28 août 2014 sur le site internet de l'iFRAP), existent des sections de formation aux métiers du transport qui sont parfois co-localisées avec certains CIEC du MINDEF.

Les brevets militaires de conduite sont délivrés à partir d'une réglementation qui repose essentiellement sur le code de la route ainsi que des textes interministériels et ministériels. La commission d'examen pour la délivrance de l'attestation de conduite comprend des membres des ministères : commandement, moniteur de conduite titulaire du certificat de la filière IEC ou du brevet pour l'exercice du BEPECASER. Le candidat ayant satisfait aux épreuves de l'examen de conduite se voit délivrer l'attestation de conduite par le chef du centre ou de la cellule IEC ou par l'autorité assimilée dont relève le candidat et il peut prétendre à un permis validable dans le civil auprès des préfectures.

Les effectifs œuvrant dans ces organismes représentent un volume de plus 600 personnels civils et militaires dont environ 75% de moniteurs d'auto-écoles. Le parc des voitures (à double commande) de la gamme commerciale est très important : plus de 250 véhicules légers, environ 150 véhicules poids lourds, près de 60 véhicules super lourds, et 40 autocars, auxquels s'ajoutent plusieurs dizaines de motos. Leur maintien en condition et le ravitaillement en carburant sont parfois assurés par voie d'externalisation, mais bien souvent effectués en régie. Ces centres sont équipés de bâtiments d'instruction avec plusieurs salles disposant de moyens informatiques et audio-visuels, éventuellement de locaux d'hébergement et de restauration de plus de 100 places, de pistes de conduite et de plateaux de maniabilité de plusieurs km de tracé dont la réalisation a nécessité d'importants budgets d'investissement comme pour le CIEC de Castelsarrasin (plus de 11 millions d'euros dépensés entre 2011 et 2013) et celui de Châteaulin.

En conséquence, une réduction des dépenses d'investissement et de fonctionnement, et surtout de salaires et de pensions, pourrait passer par la création d'un CIEC interministériel (notamment, MINDEF, MININT, MIOM) sur un terrain militaire dans le cadre d'un partenariat public-privé [5]. Ainsi, le groupement de partenaires privés retenu qui reprendrait à son compte cette mission d'instruction élémentaire de conduite, ainsi que le parc de véhicules existant, pourrait assurer les prestations suivantes :

  • réaliser et maintenir les différentes installations de soutien et techniques de ce CIEC externalisé, ainsi que les équipements nécessaires à l'instruction, notamment les véhicules [6],
  • offrir aux fonctionnaires civils et militaires, mais aussi à leurs familles et à des tiers [7], des prestations d'instruction élémentaire de conduite, une partie de l'instruction complémentaire des agents [8] devant être réalisée en régie compte tenu de sa spécificité ;
  • offrir aux militaires en fin de contrat des prestations de formation de reconversion professionnelle aux métiers du transport,
  • assurer l'exploitation du site en prenant en charge la maîtrise d'œuvre des services généraux du CIEC : alimentation, carburant, transport, hébergement, livraison et maintien en condition des véhicules, entretien des locaux, de la literie et du linge…

[1] Ainsi en 2007 quand a été prise la décision du MINDEF d'externaliser cette prestation, les BPIA hors du territoire métropolitain étaient les suivants : Allemagne : 4, Proche Orient : 1 , Asie centrale : 2 , Afrique : 5, Balkans : 2, Polynésie : 1.

[2] Le SPID relève du contrôle de l'EMA (Centre de conduite de la logistique interarmées des opérations - CICLO).

[3] Dont les personnels sont formés par La Poste.

[4] Notamment dans le cadre des marchés existants de soutien des bases projetées en OPEX (restauration, entretien des effets d'habillement et de literie, ainsi que des locaux).

[5] Du même type que celui du centre national des sports de la Défense (CNSD) de Fontainebleau qui a été présenté dans un article sur le site internet de l'iFRAP du 25 septembre 2014.

[6] À titre d'exemple, le MINDEF a passé en 2007 un marché de location de plus de 20.000 véhicules (dont plus de 50% de voitures particulières et le reste en véhicules utilitaires légers) avec option d'achat et d'un montant de 360 millions d'euros sur 6 ans avec GE Fleet Services lui permettant de réduire le coût d'exploitation global de sa flotte d'environ 25%, et de diminuer la facture de carburant de 3millions d'euros/an et les émissions annuelles de CO2 de 20%.

[7] En vue de diminuer les coûts de prestations offertes aux fonctionnaires et supportés par les ministères.

[8] Notamment le rôle du chef de bord (tenue, discipline et devoirs du conducteur, documentation de bord (description, utilisation), acquisition de savoir-faire (au sein des convois militaires, opérations liées au chargement et au déchargement (guidage, attelage, dételage, arrimage), manœuvres de force (relevage et grutage des véhicules) lorsque la catégorie au titre de laquelle le brevet militaire est délivré le nécessite.