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Hollande : de la règle du 1 sur 2 à celle du 5 sur 7 ?

François Hollande a annoncé plusieurs propositions concernant la fonction publique. D'une part : « le nombre total de fonctionnaires n'augmentera pas, mais il sera mis fin à la règle aveugle du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. ». D'autre part : il y aura création de 1.000 postes supplémentaires chaque année dans la Justice, la Police et la gendarmerie, mais aussi 60.000 postes supplémentaires « dans l'éducation, pas seulement de professeurs, mais de surveillants, d'infirmières, d'assistantes sociales… ».

La Fondation iFRAP s'est penchée sur l'équation suivante : comment ferait le candidat François Hollande pour créer 65.000 postes en cinq ans tout en supprimant la règle du un/deux et en conservant, sur l'ensemble de la législature, le même nombre d'agents de l'État soit 2.125.770 (Postes - Équivalents temps plein).

La réponse est claire : François Hollande ne continuera pas le un sur deux car il sera contraint de mettre en place dans les ministères supportant l'effort de non création de postes une règle beaucoup plus dure : il ne remplacera pas 5 fonctionnaires sur 7 partant en retraite si l'effort est harmonieusement réparti sinon ce sera plus dur.

Explication :

Les personnels des ministères « priorisés » verront leurs effectifs « augmenter », en sus de ce qu'ils étaient en 2012, de 60.000 (Éducation) et 2.500 chacun (Justice et Intérieur). Cela devra nécessiter obligatoirement un effort de la part des autres ministères pour ajuster à la baisse le renouvellement de leurs effectifs partant à la retraite (principe de neutralité globale).

Entre 2012 et 2017, selon nos estimations, près de 253.110 agents de l'État partiront en retraite. Si l'on considère que les ministères de l'Éducation, la Police, la Gendarmerie et la Justice verront tous leurs départs remplacés (130.000 pour l'Éducation, 9.449 pour la Justice, 20.738 pour la Police/Gendarmerie), le non renouvellement équilibrant les créations de postes dans l'Éducation nationale, la Justice et la Police ne pourra plus jouer que sur 91.928 départs en retraite dans les autres administrations. Dans les 7 missions principales de l'État (voir tableau), cela impliquerait de ne renouveler que 26.928 personnels sur 91.928.

Une autre hypothèse qui serait de frapper plus particulièrement les ministères fortement employeurs (Défense, Écologie (qui contient l'équipement), Finances) peut être étudiée : cela impliquerait que ces ministères ne remplacent pas les 4 départs sur 5 départs en retraite, voire encore plus si par exemple le ministère de la Défense est plus particulièrement touché dans le cadre de la loi de programmation militaire. Pour ce dernier il s'agirait alors de subir des pertes sèches bien au-delà de ses propres départs à la retraite, ce qui pourrait avoir des conséquences difficiles notamment dans les villes de garnisons comme l'a lui-même éprouvé en son temps le gouvernement actuel.

Nous constatons alors sans surprise que l'effort réparti égalitairement entre les ministères non prioritaires est considérable. En effet, sur la période (2013-2017) l'effort moyen par ministère est de 5 non renouvellements sur 7 départs en retraite.

Pour les missions :

  • Affaires étrangères : 1.516 postes seraient supprimés en 5 ans
  • Agriculture : 2.529 postes seraient supprimés en 5 ans
  • Culture et communication : 1.147 postes seraient supprimés en 5 ans
  • Défense : 33.747 postes seraient supprimés en 5 ans
  • Écologie et développement durable : 8.935 postes seraient supprimés en 5 ans
  • Économie et finances : 14.235 postes seraient supprimés en 5 ans
  • Travail, emploi, santé : 2.163 postes seraient supprimés en 5 ans
  • Services du Premier ministre : 729 postes seraient supprimés en 5 ans

La contrainte serait donc beaucoup plus forte que celle du non remplacement de « un sur deux » puisque nous arrivons dans notre simulation à un chiffre de non remplacement de 5 postes de fonctionnaires de l'État sur 7 partant en retraite. En effet, cela représente pour l'ensemble des ministères concernés un effort supplémentaire nécessitant la réduction de 8,42% en moyenne des effectifs de ces administrations durant la prochaine mandature. A l'inverse, durant cette période, les effectifs de l'Éducation nationale devraient croître de 5,45%, contre 1,44% pour l'Intérieur et 3,15% pour le ministère de la Justice.

Les ministères concernés devraient ainsi non seulement poursuivre mais intensifier les processus RGPP actuellement à l'œuvre. La contrainte globale serait encore plus forte dans la mesure où l'arrêt de la baisse du nombre de fonctionnaires demandera plus d'effort global si la France veut conserver la « norme zéro valeur » pour les missions du budget général hors pensions et service de la dette conformément à sa trajectoire d'assainissement des finances publiques déposée auprès de la Commission européenne.

Il est clair que cette promesse de campagne, si l'on suppose une égale répartition de la charge entre les ministères en fonction de leur potentiel d'évolution démographique, sera très importante pour nombre d'entre eux, obligeant à des réorganisations beaucoup plus violentes que le simple suivi de la règle du un sur deux. La proposition formulée par le candidat socialiste apparaît donc « difficilement réalisable », et devrait en l'état actuel de nos informations impliquer un effort drastique sur l'ensemble des autres ministères, historiquement sans précédent. Il n'est pas sûr que le candidat socialiste mesure exactement les conséquences de cette promesse. En sanctuarisant l'Éducation, qui est le ministère au sein duquel les départs en retraite sont les plus nombreux, le résultat est une saignée sans précédent des effectifs des autres ministères alors même que nous avons montré qu'il suffirait de modifier le statut des professeurs du second degré en augmentant leur nombre d'heures de cours par semaine pour résoudre l'équation des personnels dans l'Éducation nationale.

Comment François Hollande devrait faire avec les engagements communautaires de la France

François Hollande doit articuler son programme avec les engagements communautaires de la France. Si pour la première fois la loi de finances pour 2012 a enregistré une baisse des dépenses de personnel par rapport à 2011 de 160 millions d'euros, obéissant à l'impératif de la norme « zéro valeur » du budget général qui intègre les dépenses de personnel (hors charges des pensions et de la dette évoluant suivant une norme plus lâche de zéro en volume), le candidat ne peut déroger à cette obligation qui a été couchée noir sur blanc dans le cadre du programme de stabilité français 2012 transmis à la Commission européenne et plus largement au sein de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques 2011-2014 qui dessine la trajectoire actuelle de retour de la France à l'équilibre.