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Électricité, carburant, logement : et si, pour aider les classes moyennes, on arrêtait avec les taxes ?

C’est toujours la même histoire qui se répète. On annonce des économies. On crie haut et fort que les dépenses sans compter, c’est fini, que la France va se ranger et dépenser moins. Exit le « quoi qu’il en coûte » ! Et, en définitive, que se passe-t-il ? On augmente encore et toujours les impôts et les taxes. La France s’est de nouveau imposée en 2022 comme la championne des impôts en Europe, avec un taux de prélèvements obligatoires supérieur de 6,1 points à la moyenne de ses voisins, contre 4,8 points un an plus tôt.

Cette tribune a été publiée dans les pages du Figaro, mercredi 31 janvier 2024.

Et, si l’on en croit les dernières évaluations de la Commission européenne, ça va continuer de monter. Le total des prélèvements obligatoires en France devrait atteindre 46,7 % du PIB en 2024 après 46,6 % en 2023. Et encore plus en 2025 avec 46,8 %. Devant la Belgique (46,1 %) et le Danemark (43,2 % du PIB) qui pourtant sont réputés pour taxer lourdement.

Impératif écologique

La crise actuelle des « gilets verts », nos agriculteurs qui n’en peuvent plus du poids des normes et des hausses fiscales sectorielles (dont le GNR, le gazole non routier), a montré que le gouvernement n’avait rien appris de la crise des « gilets jaunes ». Il était pourtant facile d’anticiper que la suppression programmée de la niche GNR ne passerait pas. Heureusement, le gouvernement a réagi, cette fois-ci, plus vite et en a annoncé l’abandon immédiat.

En 2018, il s’agissait de la hausse sectorielle de la taxe TICPE sur les carburants au nom de l’impératif écologique. Cette hausse s’était conjuguée avec la hausse des prix du pétrole en un cocktail explosif. Avait suivi le blocage des ronds-points puis l’envahissement hebdomadaire des Champs Élysées pendant pratiquement une année et une ambiance de quasi-guerre civile. Tout cela car les technos de Bercy n’avaient pas passé le message que la hausse de la TICPE supplantait largement la baisse de la taxe d’habitation… Les hausses se voyaient tous les jours à la pompe, la baisse une fois par an…

On a refait le film avec le gazole non routier qui bénéficie d’allègements fiscaux sur la TICPE au profit des exploitants agricoles. Une niche dont la réduction partielle de 600 millions d’euros cette année était dérisoire par rapport aux milliards de déficit de nos finances publiques. Mais, comme personne n’est capable de faire baisser les dépenses de fonctionnement de nos administrations, de supprimer les doublons entre État et collectivités locales et de décentraliser, il fallait bien, au nom de l’environnement, montrer que l’on fait quelque chose et cela est tombé sur les agriculteurs…

De manière inique, cette chasse aux recettes fiscales supplémentaires est maquillée en « économies sur les dépenses fiscales » pour ne pas dire augmentations d’impôts et taxes. Or, faut-il encore le rappeler ? Quand on rabote une niche, on augmente le poids des prélèvements obligatoires ! C’est mécanique.

Faute de baisser les dépenses et pour tenir l’objectif de déficit public de - 4,4 % du PIB en 2024, le gouvernement semble avoir décidé (tout en communiquant sur les baisses d’impôts) de faire feu de tout bois sur le plan fiscal : hausse des tarifs de l’électricité de près de 10 % (à cause de la modulation à la hausse des baisses fiscales consenties sur le prix de l’électricité durant la crise énergétique 2022-2023) pour 6 milliards d’euros cette année (en attendant une nouvelle hausse en février 2025 !), revalorisation des bases locatives de la taxe foncière à hauteur de 3,9 % (soit + 1,3 milliard d’euros), etc. Quand on fait l’addition, les hausses affichées tutoient les 8 milliards d’euros et dépassent largement les baisses annoncées.

Une baisse ridicule

En face, la fameuse promesse présidentielle d’une mesure fiscale de 2 milliards d’euros en faveur des classes moyennes ne fait pas le poids. Suivant que la baisse fiscale pour les ménages ne concerne que les actifs ou tous les contribuables, les pouvoirs publics se réservent la possibilité d’en passer par une baisse de l’IR ou par une nouvelle baisse des cotisations sociales des salariés. Mais cela reste au stade flou. Bref, on connaît bien les projets de hausses de prélèvements et mal les projets de baisses !

Au niveau macroéconomique, si l’on ne regarde en valeur que l’évolution des prélèvements strictement fiscaux (hors cotisations sociales), ces derniers sont attendus pour 2024 à hauteur de 882,7 milliards d’euros (pour un total de prélèvements obligatoires de 1 370,4 milliards). Soit une augmentation de 41,1 milliards d’euros entre 2023 et 2024. De leur côté, les recettes de cotisations sociales augmenteraient de 18,1 milliards d’euros. La baisse de 2 milliards d’euros envisagée pour les « classes moyennes » semble ainsi bien ridicule.

Saurons-nous baisser vraiment les dépenses de 16 milliards d’euros par an comme l’annonce Bruno Le Maire en 2024 puis de 12 milliards/an dont 6 milliards sur la dépense sociale jusqu’en 2027 ? On voit poindre l’hypocrisie de ceux qui, parmi nos parlementaires (rapport Guedj, rapport Mattei…) proposent toujours de taxer plus via l’IFI ou d’augmenter la fiscalité sur l’assurance-vie, d’augmenter la taxation des transmissions d’entreprises, de créer un impôt mondial sur le patrimoine, voire de supprimer des allégements de charges entre 2,5 et 3,5 smic au prétexte que ce serait un effet d’aubaine.

Cette fuite en avant fiscale est particulièrement choquante lorsqu’elle frappe les très petites, petites, moyennes et grandes entreprises et les investisseurs qui ont choisi de développer en France, sur le long terme, des entreprises, de créer des emplois et de la richesse. Qu’on tape sur les agriculteurs, sur les ménages, sur l’industrie ou sur les services, l’effet est le même : dissuader de créer de la richesse en France. Avec seulement 69,6 % de valeur ajoutée marchande dans la richesse nationale, la France se classe très mal face à nos voisins européens et est sans surprise à la première place pour la valeur ajoutée non marchande dans le PIB. Quand nos dirigeants et nos administrations comprendront-ils que la solution n’est pas de continuer dans la « taxomania » à la française ? Mais dans le dépenser moins pour taxer moins ?