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Décryptage de la loi pour le contrôle de l’immigration

Depuis 2010, les demandes d’asile ont triplé portant la population immigrée, en France, à 7 millions de personnes, soit 12% de la population française. Le gouvernement qui vient de présenter son projet de loi pour le contrôle de l’immigration. Coût prévu : 15 milliards d’euros qui doivent servir à améliorer l’intégration, notamment pour limiter les fraudes (aux aides sociales ou le travail au noir), à améliorer la gestion de ces flux migratoires (en mettant en place un titre de séjour spécifique aux métiers en tension), à mieux garantir le niveau minimum de connaissance de la langue française et surtout à renforcer l’expulsion des étrangers qui représentent une menace grave à l’ordre public. En 2021, seulement 6% des OQTF (obligations de quitter le territoire français) ont été respectées.

Si le projet de loi est ambitieux, de nombreuses zones d’ombres demeurent. L’exemple danois peut inspirer la discussion parlementaire qui va suivre. Ainsi, au Danemark, si un conjoint présent au titre du regroupement familial a bénéficié d’une aide publique durant les 3 années précédentes, il ne peut pas accéder à un titre de séjour permanent. Également, depuis 2021, le pays externalise la gestion de l’asile à des pays tiers.

Les éléments principaux à retenir sont les suivants :

  • L’attribution des visas devrait être externalisé partiellement au bénéfice de pays hôtes réputés sûr en contrepartie de la remise par le pays d’origine d’un laissez-passer consulaire en blanc signé par le pays d’origine/ou par le pays hôte s’assurant de reprendre le demandeur en cas d’expiration de son visa. Le financement attribué par la France pourrait aller au soutien financier du dispositif mais aussi à la création et à l’utilisation par le pays d’origine, le pays d’instruction et la France de banques d’états civils et biométriques.
  • La mise en place d’un dispositif d’immigration de travail dual semble un succès pour autant que des critères financiers des postes attribués par les entreprises (Singapour) ou que les garanties financières et les métiers convoités (Danemark) sont suffisants pour rester sur le territoire national pour la durée de séjour des titres demandés.
  • Une conditionnalité des aides sociales peut être utilisée comme levier : soit en consignant les cotisations sociales souscrites par le bénéficiaire étrangers pendant le délai de son visa et restitué sous forme de capital in fine (cotisations chômage, vieillesse), soit/et attribués uniquement en cas de renouvellement du visa de travail.
  • Une conditionnalité additionnelle s’agissant des aides publiques (minima sociaux et aides sous conditions de ressources), comme frein à l’acquisition de la nationalité (sur le modèle Danois).

Le gouvernement vient de rendre public son projet de loi pour le contrôle de l’immigration et l’amélioration de l’intégration, qu’il a choisi de déposer devant le Sénat, tandis que l’Assemblée nationale examine celui relatif aux retraites (PLFRSS 2022). Celui-ci part d’un constat, si la « France est fière d’être un pays d’immigration ancienne et riche de ce que cette immigration lui a rapporté » force est de constater que les flux migratoires dont elle constitue la destination s’accélèrent significativement ces dernières années. Les derniers chiffres publiés par l’INSEE révèlent qu’en 2021 (publication du ministère de l’Intérieur du 26 janvier 2023), la population immigrée en France s’élevait à 7 millions d’individus, soit 2,5 millions de Français par acquisition nés hors de France et 4,5 millions d’étrangers nés hors de France, auxquels ont peu ajouter 0,8 million d’étrangers nés en France, soit un total de 12% de la population française (sur 67,6 millions). Par ailleurs, la demande d’asile en France a triplé en 10 ans passant de 36.000 demandes en 2010 à près de 121.268 en 2021 « dont plus du tiers résulte de mouvements secondaires au sein de l’Union européenne ». Parallèlement la lutte contre l’immigration irrégulière s’est renforcée, bien que la crise du Covid ait entraîné un coup d’arrêt aux éloignements forcés : on en dénombrait 18.906 en 2019, ils ne ressortent qu’à hauteur de 11.410 en 2022 (mais il s’agit d’une évaluation provisoire). Parallèlement on enregistre depuis 2017 près de 700 expulsions d’étrangers radicalisés et plus largement entre 2021 et 2022 ce sont près de 3.200 étrangers présentant une menace pour l’ordre public qui ont été expulsés, tandis que les près de 90.000 titres de séjour étaient retirés ou refusés. Cependant, une statistique reste « en berne », celle du taux d’exécution des OQTF (obligations de quitter le territoire français). Les derniers documents disponibles permettent de mettre en évidence que l’exécution des OQTF (obligations de quitter le territoire français) patine : 6% (7.488 exécutées en 2021 pour 124.111 prononcées[1]). Le projet de loi se devait donc de renforcer les dispositifs juridiques existants et leurs moyens dans le cadre de la LOPMI (loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur) du 24 janvier 2023 qui prévoit une hausse de 15 milliards d’euros (cumulés) entre 2023 et 2027 du budget du ministère de l’intérieur.

Des éléments positifs qui devraient améliorer la gestion des flux migratoires

Le texte de 27 articles propose un certain nombre de dispositions intéressantes qui devraient permettre de renforcer l’efficacité de l’intégration des populations immigrées arrivées en France :

  • Tout d’abord il faut le constat que « près d’un quart des étrangers qui suivent [la formation en langue française délivrée dans le cadre du contrat d’intégration républicain[2]] (…) n’atteint pas le niveau A1 [niveau d’utilisateur élémentaire, introductif ou de découverte] à l’issue du parcours d’intégration républicaine » tout en étant toujours éligible à l’obtention d’une carte de séjour pluriannuelle.  Aussi le Gouvernement a-t-il décidé de subordonner l’obtention de ce titre à un niveau minimum de connaissance de la langue française. Le projet de loi ne précise pas cependant ce que doit être ce niveau… alors qu’il pourrait viser le niveau B2 (niveau d’utilisateur indépendant) identique à celui requis pour l’acquisition de la nationalité… Il est curieux que l’exécutif ne veuille pas cranter dans la loi son niveau d’exigence en matière d’intégration linguistique des populations étrangères voulant résider durablement sur le territoire national.
  • Ensuite l’accélération de l’accès au marché du travail des demandeurs d’asiles ressortissant de pays bénéficiant d’un taux de protection internationale supérieur à 50%, nous semble une initiative intéressante. Elle remplace la situation actuelle qui limite l’accès au marché du travail pour les demandeurs d’asiles à ceux dont la demande devant l’OFPRA a plus de 6 mois. Tout raccourcissement des délais d’insertion sur le marché du travail pour ses demandeurs est essentiel pour leur intégration au sein du tissus économique et pour limiter un recours excessif au travail au noir et aux aides sociales. L’étude d’impact chiffre cet effet de bascule sur le marché du travail à près de 14.500 personnes/an (2022).
  • Par ailleurs et toujours suivant l’objectif de lutter contre le travail illégal, le PJL propose de conditionner la création d’une entreprise individuelle à la détention d’un titre de séjour autorisant expressément cette activité professionnelle. Le Conseil d’Etat a souligné que « matériellement » cette condition explicite n’était pas nécessaire puisque « l’exigence de détention d’un titre de séjour pour exerce une activité professionnelle pour un étranger [ressortissant d’un Etat hors UE] est d’ores et déjà fixée par plusieurs articles du CESEDA », mais nécessite sans doute une clarification afin de lutter sur la pratique des entreprises de livraison engageant des étrangers en situation irrégulière en auto-entreprise afin de se soustraire à la vérification de la validité de leurs titres de séjour.
  • Le Gouvernement propose par ailleurs plusieurs dispositifs permettant de renforcer l’efficacité de l’expulsion d’étrangers représentant une menace grave à l’ordre public. Ces dispositions sont essentiellement déclinées en 5 axes :
    • Création d’une obligation pour l’étranger demandant un titre de séjour de s’engager à respecter les principes de la République sous peine de refus de renouvellement ou leur retrait.
    • Faciliter l’expulsions d’étrangers bénéficiant de protections particulières (à raison de leur situation personnelle ou familiale) dit « protégés », en ajoutant aux exceptions prévues par la loi (polygamie, condamnation définitivement à une peine d’emprisonnement ferme égale à 5 ans ou si les faits ont été commis contre son conjoint ou de tout enfant sur lequel il exerce une autorité parentale), à toute condamnation définitive pour des crimes et délits punis de cinq ans ou plus d’emprisonnement ou de délits punis de 10 ans ou plus ou de 5 ans de réitération de crimes ou délits punis de la même peine.
    • Facilite des mesures d’interdiction judiciaire du territoire aux étrangers ayant commis certains crimes et délits dont la liste est étendue : provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne ou un groupe de personnes déterminé (dont des journalistes), des crimes et délits punis de 10 ans d’emprisonnement, des délits commis en état de récidive et punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement.  
    • Une modification des conditions de retraits et de non renouvellement de la carte de résidence en cas de menaces graves à l’ordre public : ce qui devrait rabaisser le niveau des titre de séjour qui redeviendraient temporaires, sans nécessairement parvenir à rendre la personne expulsable si la personne demeure toutefois « protégées » et ne renter pas dans les conditions prévues aux deux points précédents.
    • Une modification du régime des OQTF : avec la création de deux procédures distinctes : pour les étrangers en situation régulière relevant du régime de l’expulsion et pour les étrangers en situation irrégulière qui relèvent d’une procédure de reconduite à la frontière. Cependant une unification des régimes d’éloignement serait souhaitable car à l’heure actuelle la personne en situation régulière jouit de moins de droit que l’irrégulière dans la mesure où la 1ère ne bénéfice pas de recours juridictionnel suspensif contre la décision contrairement à celle en situation irrégulière.
  • Le projet de loi propose également de criminaliser la facilitation de l’entrée et du séjour d’étrangers en bande organisée ou « dans des circonstances qui exposent directement les étrangers à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ». En revanche et c’est une vraie limite au dispositif proposé, le Gouvernement ne peut pas revenir sur l’abrogation du délit de solidarité qui s’exerçait selon les mêmes modalités mais à titre individuel, notamment depuis la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, mais surtout depuis la décision du 6 juillet 2018 relative à une QPC qui a consacré « la fraternité comme un principe à valeur constitutionnelle, en se fondant sur les articles 2 et 72-3 et le Préambule de la Constitution.[3] » Le délit de solidarité n'existe toujours qu’en matière d’aide à l’entrée irrégulière mais plus à celui aide « au séjour irrégulier » ni à « l’aide à la circulation » sur le territoire national qui bénéficie de par la loi de 2018 d’immunités spécifiques, auxquelles s’ajoutent « tout acte n’ayant donné lieu à « aucune contrepartie directe ou indirecte » et accompli « dans le but exclusivement humanitaire ». »
  • En revanche le Gouvernement en profite pour lutter également contre l’habitat indigne, en renforçant les peines encourues par les « marchands de sommeil », c’est-à-dire ceux qui louent des logements « dangereux et insalubres ».
  • Le projet de loi propose de revoir en profondeur l’organisation juridictionnelle relative au droit d’asile. Cette réforme vise à une déconcentration poussée des services instructeurs (réforme administrative) avec création de pôles territoriaux « France Asile » regroupant en un guichet unique les services de préfecture compétents et ceux de l’OFII et de l’OFPRA. Parallèlement, le PJL assure une déconcentration de la juridiction de la CNDA (cour nationale du droit d’asile) : via quatre mesures : création de chambres territoriales, spécialisation possible de certaines chambres, modification du mode de désignation de certaines formations de jugement et montée en puissance du juge unique. Ce dernier devient le destinataire initial des affaires qui pourront ensuite être renvoyée au besoin en formation collégiale. L’idée étant d’accélérer les procédures et les décisions au plus près des demandeurs.
  •  Enfin l’exécutif propose une refonte des procédures applicables devant le juge administratif, avec une refonte des procédures contentieuses et la définition de 4 procédures juridictionnelles spéciales dont 3 à juge unique. Et prévoit par ailleurs le recours à des vidéo-audiences en matière d’audience en dehors du TA ou devant le JLD.

Des dispositions qui ne sont pas exempts de critiques

Si certaines dispositions accélératrices ou simplificatrices sont vivement attendues, qu’il s’agisse des justiciables ou des pouvoirs publics eux-mêmes, reste que la question des moyens est posée. L’étude d’impact ne fait en effet à aucun moment le lien entre les mesures proposées et les moyens qui pourraient lui être consacrés au travers de la LOPMI. C’était d’ailleurs l’une de nos interrogations lors de la discussion de cette loi devant le Parlement[4]. Tout au plus rappelons l’engagement moral du Gouvernement suivant l’amendent Ciotti d’augmentation du budget de la LOPMI de 60 millions d’euros/an afin de parvenir à atteindre les 3.000 places de CRA. C’est un peu court.

Par ailleurs, l’étude d’impact est également pauvre s’agissant des moyens accordés aux diverses juridictions administratives ou civiles qui devront se pencher sur les mesures d’accélérations procédurales proposées. Il s’agit de points importants sur lesquelles les discussions parlementaires devraient porter.

Plusieurs points constituent à ce stade des irritants notoires nés du « en même temps » :

  • S’agissant de la création à titre temporaire d’une carte de séjour « travail dans les métiers en tension » d’une durée de validité de 1 an, celle-ci sera « accessible aux étrangers en situation irrégulière » sans le concours de l’employeur contrairement à la procédure actuelle d’admission exceptionnelle au séjour. Pour cela le bénéficiaire devra justifier de l’exercice pendant 8 mois au cours des 24 dernier mois d’une activité professionnelle salariée (donc avec fiche de paie) dans un métier ou une zone géographique en tension. Ce dispositif appelle plusieurs interrogations :
    • Tout d’abord il est incohérent en ce qu’il suppose la production d’une fiche de paie, obtenue « frauduleusement » par l’utilisation d’un numéro de sécurité sociale usurpé afin de pouvoir être déclaré via la DSN (procédure qui remplace désormais la liasse sociale).
    • La production de la fiche de paie va révéler immédiatement l’identité de l’employeur qui aurait dû s’assurer de la validité du titre de séjour de son employé malgré la production d’un numéro de sécurité sociale (au besoin homonymique).
    • La mise en cohérence de cette disposition avec celle relative à l’édition d’une sanction administrative additionnelle sur le chef des employeurs recrutant un salarié non autorisé à travailler en France n’est pas cohérente. Le projet de loi propose d’édicter en sus des dispositions du code pénal (1 an d’emprisonnement et 15.000 euros d’amende + peine complémentaire d’interdiction d’exercer l’activité professionnelle en cause pendant 5 abs) d’une amende administrative complémentaire de 4.000 euros, qui peut être doublée en cas de récidive dans les deux ans, et extensible « autant de fois que de manquements constatés ».

Tout porte donc à croire que la disposition va conduire mécaniquement à créer un risque d’appel d’air… pour de nouveaux candidats sur des métiers ou dans des zones « en tension ». Cet effet ne pouvant être contrecarré que par l’impossibilité pratique ex post d’employer des personnes en situation irrégulière, au risque de se voir dénoncé alors que ces dernières tenteront de bénéficier d’une carte de séjour temporaire pour métiers en tensions. Le risque est donc de voir les employeurs eux-mêmes basculer dans l’activité occulte… désormais sans fiche de paie, et de voir se renforcer l’économie noire et non plus grise.

  • Symétriquement en haut de spectre, le gouvernement cherche à créer une carte de séjour pluriannuelle « Talent – professions médicales et de pharmacie ». La disposition cherche à palier le besoin croissant en professions médicales et en personnels soignants. Mais cette disposition ne doit pas brader la qualité des soins offerts à la population. Le dispositif proposé cherche en particulier à palier « un taux d’échec élevé aux EVC » (Epreuves anonymes de vérification des connaissances), qui est un concours permettant de juger de la qualification professionnelle des praticiens étrangers désirant exercer en France. La plus grande vigilance est donc à apporter aux garanties apportées par les pouvoirs publics quant à la compétence de ces futurs titulaires de carte de séjour pluriannuelle talent qui devrait se décliner en 13 mois et 4 ans.

Des dispositions manquantes dans le projet de loi

Au-delà des dispositions déjà proposées, le texte ne propose pas de « révolution » copernicienne de l’accueil des étrangers en France :

  • Le PJL encadre le refus de visa d’un étranger ayant fait l’objet d’une OQTF en proposant de refuser le visa à l’étranger lorsque celle-ci date de moins de 5 ans. Or certains pays vont beaucoup plus loin en la matière. On peut citer Singapour où le séjour illégal (overstay) peut entraîner non seulement une expulsion du territoire, « voire une interdiction de fouler à nouveau le sol du pays[5] ».
  • Comme l’explicite très bien la Fondapol dans une étude récente[6], le système Danois en matière d’immigration « le fait d’être sanctionné pour avoir commis une infraction a un impact sur la possibilité de candidater à la nationalité danoise. Ainsi recevoir une amende de 3000 couronnes (…) (environ 400 euros), entraîne une inéligibilité d’une durée de 4 ans et 6 mois. » Celle-ci s’appréciant de manière cumulative à chaque infraction prononcée.
  • Par ailleurs sur Singapour[7] et le Danemark souscrivent à la mise en place de cartes de travail pour métier en tension (2002 au Danemark), l’ensemble du dispositif est basé au contraire de la France sur la qualification et les garanties offertes par les futurs employés. Plus la qualification augmente et plus les facilités sont grandes pour entrer dans le pays pour raisons professionnelles. En 2006 le Danemark ouvre son économie aux travailleurs qualifiés avec u permis de séjour pour des salaires annuels d’environ 60.000 euros (avec obligation de trouver un travail en 6 mois). Ce seuil a été abaissé en 2022 à 50.400 euros. Pour Singapour, cette législation exigeante n’a pas freiné son immigration puisqu’en 2016 47% de la population de la Cité-Etat était née à l’étranger[8], grâce à la mise en place d’un dispositif à deux niveaux. Singapour connaît le visa S-PASS (2.200 $/mois), le Work Permit pour les ouvriers du bâtiment et des chantiers naval, mais les employeurs doivent payer une taxe sur cette main d’œuvre et loger eux-mêmes leurs salariés. Le Work Permit for Domestic Workers pour les employes de maison avec un dépôt de garantie de 5000 $. L’Employment Pass pour les salaires >3.600 $/mois sur base individuelle et avec famille >6.000 $/mois. Le Personnalized Employment Pass (PEP) pour un revenu >18.000 $/mois. Le gouvernement Singapourien définit par ailleurs un « plafond de dépendance » c’est-à-dire un quota basé sur un plafond professionnel à ne pas dépasser, ainsi qu’une taxe sur les travailleurs étrangers (foreign worker levy).
  • La limitation du regroupement familial existe aussi bien au Danemark qu’à Singapour. Dans la Cité-Etat toute femme enceinte doit être en possession d’un visa pour entrer sur le territoire singapourien à partir de la 24ème semaine de grossesse. La double nationalité est interdite et toute demande de naturalisation passe par la déchéance de sa précédente nationalité. Comme on l’a vu plus haut des revenus majorés garantis par l’employeur doivent être accordés pour permettre le regroupement familial. Au Danemark, la règle dite des « 24 ans » (2004) : les membres du couple doivent être âgés d’au moins 24 ans, les liens sociaux unissant le couple au Danemark doivent être plus forts que ceux avec le pays d’origine, le conjoint résidant au Danemark doit prouver qu’il est en mesure de subvenir aux besoins financiers du couple ; le couple doit prouver que son domicile lui permet d’accueillir au maximum deux personnes par pièce ou au moins 20 m²/personne. A compter de 2010 un conjoint présent au Danemark au titre du regroupement familial ne peut obtenir de permis de séjour permanent s’il a bénéficié d’une aide publique durant les 3 années précédentes. En 2018 s’y ajoute un parrainage obligatoire par une personne ayant travaillé 5 ans au Danemark ou réalisé 6 ans d’études.
  • Enfin le Danemark pratique l’externalisation de la gestion de l’asile à des pays tiers. Désormais depuis le 3 juin 2021 et l’adoption de la loi sur l’externalisation du traitement des visas, « tout demandeur d’asile au Danemark sera (…) une fois sa demande enregistrée, envoyé dans un centre d’accueil d’un pays hôte situé en dehors de l’Union européenne. » Il est prévu à cet effet de transférer entièrement la gestion des visas au pays hôte, le Danemark se contentant de financer le dispositif.

Propositions complémentaires et voies d'action

1/ Retour progressif au pouvoir discrétionnaire du Ministre de l’Intérieur en matière de police des étrangers. Cela signifie que les décisions concernant l’entrée et le séjour ne seraient plus ab initio soumises au contrôle du juge. Elles seraient immédiatement applicables. Et en cas de recours, celui-ci ne serait pas suspensif, comme avant 1971 (arrêt Croissant du Conseil d’Etat). 

2/ Faire de l’expulsion un acte de souveraineté non soumis à l’appréciation du pays d’origine : suppression de la procédure des laisser-passer consulaires si l'utilisation de laisser-passer en blanc est refusé par le pays d'origine. Un étranger dont le pays d’origine refuserait l’admission serait provisoirement retenu dans un centre (long séjour). Les relations de coopération avec de tels pays seraient immédiatement affectées. La situation serait la même si l'on utilisait des pays-tiers pour l'instruction des visas et des titres de séjour.

3/ Instituer une carte de travail -visa en liant les deux: En conséquence, le visa et la carte de séjour d’un an (ou plus) serait liée à l’obtention d’un contrat de travail dans des métiers dits sous tension. A la fin du contrat, le droit au séjour expire et l’étranger regagne son pays d’origine. Ses ayants droits éventuels, conjoints et enfants ne disposent d’aucun droit à ce titre. Il en va de même des personnes qui pourraient accéder à cette qualité pendant le séjour. Si des instructions de dossiers étaient externalisés auprès de pays tiers, ce sont les entreprises employeuses qui pourraient sélectionner depuis l'étranger leurs candidats et les proposer à l'admission (visa + carte de séjour). 

4/ Concevoir une attribution progressive des droits sociaux : En matière de droits sociaux, pour ne pas fausser le marché du travail, l’employeur payerait les prélèvements de droit commun (chômage, vieillesse, maladie, etc).  Le salarié bénéficierait de l’assurance maladie-invalidité pendant son séjour en France. Il ne toucherait en revanche ni indemnités de chômage ni pension de retraite. Les cotisations correspondantes employeur et salarié seraient capitalisées sur un compte individuel et remises au salarié à son départ de France en forme de pécule. Su en revanche l’étranger change de statut et bénéficie d’un séjour définitif en France, pour quelque raison que ce soit, son pécule est transféré aux URSSAF et il intègre le droit commun de la protection sociale.

5/ Des conséquences seraient attachées à la non réussite du test linguistique (pouvant aller jusqu'à l'expulsion) ainsi qu'au non respect des obligations et chartes agréées par l'intéressé pour entrer sur le territoire national dans une perspective de travail ou d'intégration. Tout acte délictuel voir contraventionnel pouvant conduire à une réponse graduée allant de la rétrogradation de la valeur des titres de séjours produits jusqu'à l'expulsion. L'ensemble de ces éléments permettraient de ralentir voir de rendre impossible toute naturalisation. 


[1] Si l’on ne retient que celles qui doivent s’effectuer sans délai de départ volontaire soit 70.000 sur les 124.000 prononcée en 2021, là encore les exécution restent toujours terriblement faibles : soit 11%. Source : avis du C.E. sur le PJL.

[2] Et continuant à remplir les conditions de délivrance de sa carte de séjour.

[3] https://www.vie-publique.fr/eclairage/18715-du-delit-de-solidarite-au-principe-de-fraternite-lois-et-controverses

[4] https://www.ifrap.org/budget-et-fiscalite/immigration-illegale-des-futurs-budgets-non-credibles

[5] https://www.eda.admin.ch/dam/eda/fr/documents/publications/AuslandschweizerinnenundAuslandschweizer/dossier-auswandern/leben-und-arbeiten-singapur_FR.pdf

[6] Fondapol, La politique danoise d’immigration, une fermeture consensuelle, janvier 2023, https://www.fondapol.org/etude/la-politique-danoise-dimmigration-une-fermeture-consensuelle/ mais aussi https://www.retsinformation.dk/eli/lta/2022/1205

[7] https://www.guidemesingapore.com/business-guides/immigration/singapore-visa/singapore-immigration-visa-schemes sur la pratique du push back australien et singapourien, voir Revue politique et parlementaire https://www.revuepolitique.fr/des-limites-a-langelisme-en-matiere-dimmigration/

[8] https://gerardmariehenry.com/blog-1/f/singapour-et-limmigration-choisie