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Pénibilité: même le public n'en veut pas

L’annonce a fait l’effet d’une bombe : le 29 juin 2016, Pierre Gattaz numéro un du Medef, annonçait que « les entreprises n’appliqueraient pas les nouvelles obligations du compte pénibilité à partir du 1er juillet ». Il s’agissait en l’occurrence de la seconde vague de mise en place de critères liés à la pénibilité (6 nouveaux critères : postures pénibles, manutentions manuelles de charges, agents chimiques, vibrations mécaniques, températures extrêmes et bruit), après la première vague déployée au 1er janvier 2016 (quatre premiers critères : travail de nuit, travail répétitif, travail en équipes successives alternantes, activités exercées en milieu hyperbare). A cette occasion, la ministre de la Santé Marisol Touraine avait eu une réplique malheureuse : « la démocratie ne s’arrête pas aux portes du patronat ». Car comme l’a souligné très justement l’UPA (Union professionnelle artisanale), elle s’arrête néanmoins aux portes de l’Administration. Un récent rapport de l’IGAS (non publié mais diffusé discrètement) souligne « que la transposition du compte personnel de prévention et de pénibilité (C3P) aux agents publics, bien que souhaitable, est pour l’heure prématurée, au vu notamment de la mise en œuvre incomplète de leurs obligations par les employeurs publics (nous surlignons), et des difficultés actuelles de mise en place de celui-ci dans le secteur privé. » 

Au-delà du C3P, le grand dessein du CPA (compte personnel d’activité) :

Il s’agit de la pierre angulaire sociale du quinquennat de François Hollande, la mise en place d’un compte personnel d’activité (CPA) actuellement en cours d’élaboration par le gouvernement pour une mise en place théoriquement prévue au 1er janvier 2017 (dans le cadre de la loi El-Khomri).  Le CPA devrait viser à « sécuriser » les parcours professionnels en permettant aux salariés du secteur privé en CDI ou en CDD ainsi qu’aux demandeurs d’emploi de conserver (portabilité) le bénéfice de certains droits sociaux :

  • Leurs droits à la formation : en y intégrant le CPF (compte personnel de formation), entré en vigueur le 1er janvier 2015, en remplacement du DIF (droit individuel à la formation) ;
  • Le compte pénibilité (C3P), qui doit permettre aux salariés ayant travaillé dans des conditions difficiles (postes, durées d’exposition, seuils), de bénéficier d’une facilité d’accès à la formation (vers des emplois moins pénibles) ou d’une retraite anticipée à taux plein ;
  • Le compte épargne temps (CET) qui permet d’accumuler des droits à congés payés ou une hausse de salaire… jusqu’au 14 mars 2016, puisque le gouvernement a décidé depuis de l’exclure du CPA ;
  • Le compte d’engagement citoyen (CEC) créé par l’article 21 de la loi El-Khomri, retoqué par le Sénat puis réintroduit en seconde lecture à l’Assemblée nationale, devrait permettre de recenser les heures de bénévolat de son titulaire, qui après une certaine durée d’exercice, ouvrirait droit à des heures de formation dans la limite de 60 heures.

L’interrogation par ailleurs demeure sur la fongibilité partielle du dispositif (des points accumulés par le C3P pourront-ils être cumulés avec le CPF afin de majorer les droits à formation ? Et avec celles du CEC…).

Mais avant de s’avancer vers le CPA, le constat fait sur le déploiement partiel du C3P est déjà édifiant en termes de difficultés techniques : François Asselin, président de la CGPME mettait en évidence « Aujourd’hui, beaucoup de branches n’arrivent pas à construire un référentiel ou bien ont mis au point un référentiel tellement compliqué que les chefs d’entreprise ne pourront pas l’appliquer au quotidien ». De fait, 26.000 entreprises ont rempli les fiches d’exposition pour 500.000 salariés en 2016 au titre de l’année 2015, alors que le dispositif (étude d’impact), devait concerner 1 million de salariés en 2015 sur la base des quatre premiers facteurs d’exposition, et 3 millions à compter de 2016 (avec l’ensemble des dix critères). Pour la plupart des acteurs patronaux sur le dossier, le déploiement du dispositif est prématuré, comme l’évoque le président du Medef lors de la conférence de presse mensuelle du 5 juillet 2016 « la pénibilité, c’est un monstre technocratique imaginé dans un bureau du ministère sans prise en compte de la réalité ! » ; « l’Etat nous a annoncé la mise en œuvre d’une mission qui devait se pencher sur le cas de la pénibilité et il n’attend même pas ses conclusions avant d’exiger des entreprises qu’elles l’appliquent ! », quant au financement du CEC en sus du C3P, elle ne pourra avoir lieu que par un alourdissement des charges sociales des entreprises… d’où l’idée de limiter le CPA a un CPF (compte personnel de formation) étendu… une idée d’évidement des composantes du CPA que refuse d’appliquer le gouvernement… et pourtant, dans l’administration…

« Faites ce que je dis ne faites pas ce que je fais », de la pénibilité dans l’administration

C’est en toute discrétion (le rapport n’a pas été publié officiellement), que l’IGA et l’IGAS ont rendu leur rapport conjoint en mars 2016 relatif à la prévention et à la prise en compte de la pénibilité au travail au sein de la fonction publique[1]. Et le moins que l’on puisse dire est qu’il ne mâche pas ses mots et met en avant le principe du « deux poids, deux mesures » entre les secteurs du public et du privé :

  • La mission « souligne l’absence de contrôle de la mise en œuvre des obligations[2] pesant sur les employeurs publics par les administrations centrales compétentes (DGAFP, DGCL, DGOS). En clair, cela veut dire que la cartographie des métiers, fonctions et situations susceptibles d’être exposés à des risques professionnels « est loin d’être complètement produite ». Le nombre de fonctionnaires entrant dans le champ de la pénibilité n’est donc pas connu alors même qu’il apparaît que ce sont avant tout les fonctions publiques territoriale et hospitalière qui sont les plus concernées. Pourtant, le secteur public comme le secteur privé font l’objet de dispositions communes, relatives au départ à la retraite anticipé (au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident de travail entraînant une incapacité permanente partielle) par la loi n°2010-1330 du 9 novembre 2010, ainsi que relatives à la prévention et à la prise en compte de la pénibilité au travail (loi n°2014-40 du 20 janvier 2014), s’agissant « du personnel des personnes publiques employé dans les conditions de droit privé » (…) « peuvent acquérir des droits au titre d’un compte personnel de prévention de la pénibilité. » (article. L4162-1 du code du travail).

Ainsi, strictement entendu, la mission reconnaît que (p.22) « La sanction du manquement à l’obligation de prévention ou du défaut de traçabilité de la pénibilité prévue par le code du travail ne vise pas la fonction publique. Toutefois, l’obligation juridique et la responsabilité pénale et administrative correspondante restent cependant effectives : en cas d’accident de service ou de maladie professionnelle causés par ces manquements, c’est la responsabilité pénale de l’employeur qui est engagée (…), ainsi que la responsabilité administrative de la collectivité. » Dans ces conditions, les employeurs publics doivent établir un DUER (document unique d’évaluation des risques professionnels), mais aussi un RASSCT (rapport annuel faisant le bilan de la situation générale de la santé, de la sécurité et des conditions de travail), ainsi qu’une obligation de traçabilité et d’exposition des risques professionnels générant de la pénibilité (article L.4161-1 du code du travail). Par ailleurs l’article L.4161-1-1 dispose spécifiquement pour l’administration que « pour les travailleurs qui ne sont pas susceptibles d’acquérir des droits » au titre du C3P, tout en étant exposés à des facteurs de risque, « l’employeur établit une fiche individuelle de suivi indiquant les facteurs de risques professionnels auxquels ils sont exposés au-delà des seuils. »

La mission donne des chiffres éclairants à cet égard. S’agissant du DUER permettant de cartographier les risques, le taux de réalisation du document varie à l’Education nationale entre 38% pour les écoles, 45% pour les lycées, 87% pour les établissements relevant de la recherche et de l’enseignement supérieur, 71% à la Justice jusqu’à 95,7% pour le ministère de l’Environnement (MEDDAD). En revanche les taux d’actualisation sont beaucoup plus faibles : 57% dans les collèges, 45%  dans les lycées, 52% dans l’Enseignement supérieur, 25% au ministère de la Justice. Dans la fonction publique territoriale, les régions ont produit un DUER dans 50% des cas en 2011, 44% dans les départements, les communes oscillant entre 8% pour les moins de 1.000 habitants à 51% pour les plus de 100.000 mais seulement 27% d’entre elles entre 50.000 et 100.000. 58% pour les communautés urbaines. Quant aux fiches individuelles de prévention les collectivités de moins de 1.000 habitants en produisent pour 2% d’entre elles, proportion qui croît à 26% en 2011 pour les communes de plus de 100.000, l’ensemble des EPCI et des communes s’établissant à 4%.

Dans l’hospitalière, la DGOS communique dans une enquête sur les conditions de travail en 2013 sur le chiffre de 84% des agents actualisés dans l’année, tout en reconnaissant que de nombreux établissements n’ont pas établis/ou remis à jour leurs DUER. Pourtant les personnels concernés par la pénibilité seraient nombreux dans les trois versants de la fonction publique (voir rapport p.42) :

La fonction publique hospitalière serait la plus exposée à la pénibilité avec 52,2% de ses personnels, suivie par la FPT avec 36,6%, proche finalement du secteur privé (taux d’exposition de 35,8%). La FPE serait en définitive très peu concernée, avec seulement 18,2% de ses effectifs.

  • Les raisons de l’absence de contrôle effectif de la pénibilité sont :
    •  extrêmement proches de celles mises en avant par le secteur privé : les administrations mettent en avant « l’instabilité et la complexité des textes législatifs et réglementaires relatifs à la pénibilité », l’attentisme du secteur public s’appuyant sur la perplexité du secteur privé devant la complexité de l’applicabilité des textes ;
    • au secteur public : ainsi la DGAFP « de son propre aveu, rencontr[e] des difficultés à assurer la mise en œuvre des obligations légales et réglementaires en matière de santé et de sécurité au travail (…) et n’a concrètement pas les moyens de vérifier la conformité des actions des employeurs publics au droit ». C’est clairement évoquer le problème de l’absence d’inspection du travail compétente pour le secteur public en France[3]. Une compétence qui pour l’instant relève des inspecteurs santé et sécurité au travail (ISST) dans la FPE[4]. S’agissant de la FPT « la DGCL ne dispose d’aucun pouvoir de contrôle ni d’injonction dans le domaine de l’hygiène et de la sécurité au travail, pour inciter les différentes collectivités à remplir leurs obligations légales », les centres de gestion (CGD) ne pouvant « que constater les manquements ». Les effectifs de médecins de médecine préventive dans les territoires représentant 1.060 agents (35,5% de titulaires en 2006) ; 48 CGD (sur 96) disposant de conseillers de prévention, 44 d’ergonomes, 24 de psychologues et 21 d’assistants sociaux. La FPH par contre n’avance pas de chiffres. « La DGOS ne réalise aucun contrôle de la mise en œuvre effective des obligations des employeurs publics partant du principe que les établissements jouissant d’une autonomie de gestion et d’organisation, mettent en œuvre celle-ci. » Par ailleurs, il n’y a pas de bilan ni d’inventaire des fiches d’exposition individuelle aux risques.

Il en résulte une cartographie extrêmement partielle, centrée sur les métiers et non sur les postes de travail ou les situations individuelles, alors même que l’enjeu du C3P est précisément de constituer un compte personnel et non collectif.

La pénibilité est déjà prise en compte par les primes et les catégories actives 

La mission relève que si la cartographie des risques est défectueuse sur le plan individuel, pour les personnels en revanche, tout un mille-feuille de dispositifs réglementaires et indemnitaires existe, afin de compenser la pénibilité sur le plan collectif, au bénéfice de certains corps ou emplois :

 

Etat

Collectivités territoriales

Hôpitaux

Dispositifs indemnitaires

-NBI (nouvelle bonification indiciaires)

-indemnité pour travaux dangereux

-indemnité de sujétions spéciales

-impact sur le RIFSEEP[5]

-indemnité des sapeurs pompiers professionnels

-indemnité spéciale de fonction

-indemnité horaire (de nuit)

-indemnité horaire (dimanche)

-indemnité pour travaux dangereux

-NBI

-prime d’insalubrité

-prime de contagiosité

-prime des assistants de soins en gérontologie

Dispositifs de départs anticipés à la retraite

Loi du 9 novembre 2010 (incapacités permanentes) et décret 2012-847 du 2 juillet 2012 (carrières longues)

Loi du 9 novembre 2010 (incapacités permanentes) et décret 2012-847 du 2 juillet 2012 (carrières longues)

Loi du 9 novembre 2010 (incapacités permanentes) et décret 2012-847 du 2 juillet 2012 (carrières longues)

Dispositifs d’aménagement du temps de travail

oui

oui

oui

Politiques d’accompagnement des ressources humaines et dispositifs de prévention

GPMC (gestion prévisionnelle des métiers et des compétences)/dispositifs de formation

GPMC (gestion prévisionnelle des métiers et des compétences)/dispositifs de formation (CNFPT + fonds national de prévention)

GPMC (gestion prévisionnelle des métiers et des compétences)/dispositifs de formation (FHF/FNP) ARS et FIR (fonds d’intervention régional)

Traitement de l’inaptitude

Effectif (reconversion avec reclassement ou non, afin de maintenir l’agent dans l’emploi)

Uniquement pour les collectivités les plus importantes (maintien dans l’emploi via reconversion avec reclassement)

CLACT (ARS +FIR), il s’agit des contrats locaux d’amélioration des conditions de travail).

Par ailleurs, la fonction publique a eu recours massivement au classement de certains emplois au sein des catégories dites « actives ». Ce qui permet de répondre à la pénibilité sous l’angle de la « réparation » en fin de carrière et non sur la prévention des risques au cours de la vie professionnelle. Les modalités de classement sont les suivantes[6] :

  • FPE : classement par décret en Conseil d’Etat
  • FPT/FPH : classement par arrêté interministériel après avis du Conseil supérieur du versant de la fonction publique concerné.

Les personnels concernés sont très diversement répartis et classés :

Fonctions publiques

Nombre de fonctionnaires concernés (estimations)

Pourcentage par rapport au total des effectifs/FP

FPE

164 781

6,9%

FPT

90 000-180 000 (DGCL) vs 85 000-135 000 (CNRACL)

4,7%-9,4%

4,5%-7,1%

FPH

506 723[7] (PLF 2014) vs 420 000-430 000 (CNRACL)

43,9%-37,3%

Dans les faits, le classement des personnels en catégorie active dans la FPH (entre 37,3% et 43,9%) recouvre largement l’ensemble des personnels évalués comme exposés à de la pénibilité (52,2%). Le dispositif est moins pertinent s’agissant de la FPT (entre 4,5% et 9,4% classés en catégorie active contre 36,6% exposés à la pénibilité) et la FPE (6,9% contre 18,2%).

Par ailleurs, la mission relève la désuétude du classement en catégorie active en relevant que la dernière modification des tableaux relève d’un arrêté du 3 mai 1979. Par ailleurs, « des personnels de catégorie active peuvent être reclassés au cours de leur carrière sur des emplois sédentaires sans perdre l’appartenance à la catégorie active ». Enfin, ce que montre le tableau rapproché de celui de la pénibilité, c’est que certains agents exposés à la pénibilité ne sont pas en catégorie active tandis que des classements en catégorie active ne sont pas affectés à des emplois « pénibles ».

  • Les personnels non médicaux ont été classés en catégorie active, mais ne sont pas pourtant réputés pénibles ; Les sages femmes de premier grade (prévention) sont réputées catégorie active, mais pas les sages femmes de second grade (coordination) considérées comme sédentaires ;
  • Inversement des infirmiers peuvent être exposés aux mêmes risques et relever pour les uns de catégories actives et les autres non. De même les agents polyvalents dans les petites communes, ou les adjoints de sécurité dans la police nationale, les infirmières ayant opté pour l’accession à la catégorie A ne sont plus classées en catégorie active ; de  même que les ambulanciers intervenant dans les SMUR, contrairement aux aides-soignants, etc.

Conclusion 

L’esprit jacobin aime les jardins à la Française… et la mission d’inspection de rabattre le rêve sur la réalité : « la transposition du C3P aux trois fonctions publiques, si elle est souhaitable, nécessite de lever plusieurs conditions et préalables », dont une remise à niveau quant aux dispositions législatives et réglementaires, un meilleur suivi lié à la prévention, un achèvement des cartographies de la pénibilité des métiers, emplois et postes sur la base des seuils du code du travail. Le risque est par ailleurs réel, notamment s’agissant des 10 cas de pénibilité, d’en constituer de supplémentaires (travail prolongé devant ordinateur), qui ouvriraient alors à de nouvelles catégories de pénibilité dans le secteur privé (par symétrie des alignements public/privé).

Mais les enjeux sont encore plus importants et révèlent nombre de coûts cachés : on découvre la nécessité de « renforcer les équipes avec une plus grande professionnalisation », avec la nécessité de passer une convention de partenariat entre la DGAFP et l’ANACT (agence nationale d’amélioration des conditions de travail[8]), avec pour ce faire la nécessité de créer pour la fonction publique d’Etat un fonds analogue à celui du FNP (fonds national de prévention) pour la fonction publique territoriale et hospitalière. Donc la mise en place du C3P dans la fonction publique aura nécessairement un coût, un coût qui ne serait pas mince, dans la mesure où « le nombre des médecins de prévention devra être impérativement remis à niveau pour permettre l’évaluation des risques professionnels », avec le recrutement de personnels supplémentaires afin de disposer « des équipes nécessaires à la gestion administrative du C3P », mais aussi le déploiement d’un module de gestion complémentaire aux modules existants de façon à pouvoir gérer individuellement les droits des agents.

Mieux, dans le cadre de la négociation PPCR et du RIFSEEP, il sera nécessaire de remettre à plat les catégories actives, c’est-à-dire celles qui jouissent des taux de remplacement les plus favorables et des départs anticipés les plus courts. Ainsi que l’évoque le beau jargon des corps d’inspection « Cette approche (…) présente également l’avantage de permettre la réflexion relative à l’évolution du périmètre de la catégorie active ».

Nonobstant ces difficultés, l’intégration du C3P et du CPA permettrait ainsi « de dépasser la notion de statut et de favoriser les passerelles entre secteur public et secteur privé »… voire, car la portabilité pourrait au contraire favoriser les comportements à risques, la pénibilité et l’avantage du bénéfice de sa compensation pouvant déboucher sur une logique de maintien dans l’emploi (réputé pénible) afin de rester dans une logique de droits acquis. En creux, il est simple de comprendre que l’Etat est en retard sur la question du suivi de ses fonctionnaires du point de vue du droit social commun. La mise en place du C3P, voire du CPA, déjà difficilement supportable dans le privé, serait le coup de grâce révélateur du manque de « professionnalisation » des fonctions RH dans le public et de l’absence ou quasi-absence de contrôle des conditions de travail des agents (hors CHSCT et ISS), car il n’existe pas d’équivalent de l’inspection du travail pour les fonctionnaires, ni pour les contractuels de droit public (exemple italien). Est-ce bien ce à quoi le gouvernement désire aboutir ? Et son impact budgétaire ne pourrait être gagé que par la suppression (remplacement) d’un certain nombre de primes existantes et des catégories réputées actives (par opposition aux sédentaires…) bref, rajouter un agenda social difficile à un possible dérapage de la masse salariale publique (en cas de non gage). D’où l’attentisme du rapport, qui cherche d’abord à savoir comment la réforme sera implémentée dans le secteur privé et de relever des griefs identiques à ceux des acteurs privés : dénombrement et suivi de l’exposition à la pénibilité, difficulté d’individualisation des parcours et d’élaboration de la fiche de pénibilité, effet délétère sur la prévention eu égard aux compensations jugées acquises… bref, il est urgent d’attendre… y compris pour le secteur privé.


[1] Il s’agit du rapport FOURNIER, BADONNEL, BOREL (104 p.), http://www.unsa-fp.org/IMG/pdf/rapport_penibilite_2016.pdf

[2] Et cette absence de suivi est même particulièrement grave s’agissant d’obligations prévues dans le code du travail et pesant sur les employeurs publics, ainsi par exemple de l’établissement du DUER (document unique d’évaluation des risques) prévu par le décret n°2001-1016 du 5 novembre 2001 (article R.230-1 du code du travail), outil permettant d’engager la démarche de prévention dans la structure et de la pérenniser, voire 1985 pour certaines dispositifs relatives à la FPT.

[3] Voir notre note du 4 février 2014 http://www.ifrap.org/emploi-et-politiques-sociales/inspection-du-travail-oui-la-specialisation

[4] Voir le rapport de l’IGA sur la médecine de prévention dans les trois fonctions publiques 2014 http://www.interieur.gouv.fr/content/download/75719/556078/file/14072-14033-01%20-%20M%C3%A9decine%20Pr%C3%A9vention%20(rapport).pdf. Il faut noter par ailleurs qu’il n’y aurait que 448 médecins du travail dans la FPE dont les ¾ seraient localisés dans quatre ministères : enseignement supérieur et recherche (116), Economie et finances (90), Intérieur et Outre-mer (64), Education nationale (63). Il n’y a clairement pas actuellement de cartographie de la médecine de prévention dans la FPE.

[5] Régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel

[6] Voir le rapport DELATTRE relatif à la retraite des agents des catégories actives, juillet 2014, http://www.senat.fr/rap/r13-704/r13-7041.pdf

[7] Hors médecins.

[8] Décret n°2015-968 du 31 juillet 2015 relatif aux missions et fonctionnement de l’ANACT