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Les réorganisations réalisées dans le privé seraient bénéfiques à l'AP-HP

Les groupes de cliniques apportent des solutions dont la mutualisation des ressources et des moyens est la plus démonstrative. Cette mutualisation se décline sur trois niveaux. Tout d'abord, la réalisation d'un projet médical commun entre plusieurs cliniques sur un même bassin de population organise une offre de soins coordonnée et graduée et favorise une prise en charge globale et pluridisciplinaire des patients. Ensuite, au sein de chaque établissement, Vitalia mutualise très largement les personnels, les plateaux techniques et les capacités hôtelières. Cela permet de mieux organiser et réguler les plannings des blocs opératoires et des plateaux techniques ainsi que des zones d'accueil et d'hébergement.

Christian le Dorze est le président du groupe Vitalia, le deuxième groupe privé d'hospitalisation en France. Médecin cancérologue, il débute sa carrière comme chef de service à temps partiel au Centre anticancéreux de Dijon à partir de 1979. Parallèlement, le docteur le Dorze est membre fondateur de la société française de cancérologie privée (SFCP) et membre de la Commission nationale des cancers. De 1993 à février 2006, il exerce plusieurs responsabilités au sein de la Générale de santé. En avril 2006, il fonde et préside le groupe Vitalia, deuxième groupe privé français opérateur de soins. Christian le Dorze a initié et finalisé de nombreux partenariats privé-privé et public-privé, et mis en place plusieurs collaborations avec des structures de soins publiques et privées (CHU, AP-HP, hôpitaux généraux et établissements privés). Il défend ainsi l'idée d'une participation accrue du secteur privé aux missions de service public. Entretien paru dans le dossier de la Fondation iFRAP sur l'Assistance publique.

Fondation iFRAP : Certains hôpitaux publics semblent avoir du mal à faire cohabiter les administratifs (les managers, en fait) et les professions médicales. Comment abordez-vous ce sujet à Vitalia ?

C. L. D. : Peut-être différemment parce que je suis moi-même médecin et depuis 17 ans manager ! Il est en effet positif de démontrer que des médecins peuvent occuper des postes de managers et je suis convaincu que tout manager de clinique doit avoir aujourd'hui une forte culture médicale. De même, il est indispensable de développer une culture de l'intérêt général et une culture économique chez les professionnels de santé. Ces deux éléments favorisent cette cohabitation. Le contrat entre le médecin de statut libéral et la clinique est également décisif. Dans chacune de nos cliniques, l'ensemble des prestations (personnels, plateaux techniques, équipements…) mises à la disposition des médecins et non rémunéré par l'Assurance-maladie fait l'objet d'une redevance médicale facturée au coût réel. Le management des cliniques se concentre sur l'organisation des soins et des services, et les médecins sont maîtres de leur exercice médical et de la relation avec leurs patients.

Fondation iFRAP : Vous fréquentez l'univers des établissements de soins depuis longtemps. D'après vous, quels sont les problèmes qui perturbent le fonctionnement de l'Assistance publique ?

C. L. D. : Je constate comme tout le monde les difficultés que rencontre cette institution. Mais soigner est une activité très complexe et il est donc difficile de répondre brièvement à cette question. Je vais vous étonner, mais je pense qu'à l'AP-HP comme dans les cliniques privées, contrairement à ce que certains veulent laisser croire, les problématiques de prise en charge et d'organisation des soins, leur environnement, le profil des acteurs et enfin les contraintes humaines et économiques sont sensiblement les mêmes. Bien sûr, il y a la taille de cet organisme qui regroupe une quarantaine de sites et près de 100.000 personnes, ses missions qui font penser à certains qu'il s'agit d'un organisme "à part". Pourtant, je suis persuadé que certaines réorganisations et plans d'action réalisés dans le secteur privé seraient bénéfiques non seulement à l'institution AP-HP, mais aussi à ses patients, à ses collaborateurs et aux médecins qui y exercent. Par exemple, il me semble que la mutualisation des ressources (médicales, humaines, bonnes pratiques…) et des moyens (techniques, technologiques, logistiques…) n'a pas été poussée assez loin. Tant il est vrai que les sites sont nombreux et dispersés, que l'organisation est trop cloisonnée, que les moyens existants sont parfois mal affectés et que les "chapelles" sont encore sans doute trop nombreuses.

L'autre problème pour l'AP-HP est la multiplicité, voire la confusion de ses missions. Il est en effet souvent difficile de faire cohabiter des activités de pointe, parfois de niveau mondial, avec des soins courants et de proximité, pourtant les plus nombreux. En outre, l'AP-HP se trouve concernée par des sujets sociaux assez éloignés de la stricte mission de soins et qui requièrent l'intervention de structures et de compétences dédiées. Je perçois d'ailleurs ces contradictions lorsque j'entends les usagers employer cette formule assez courante : "J'aime l'hôpital public, mais je me fais soigner dans une clinique privée." Et je ne parle pas de la position de certains élus locaux…

Fondation iFRAP : Pensez-vous qu'après les soubresauts de ces dernières années, l'AP-HP arrivera à se réorganiser, voire se réformer ?

C. L. D. : Je le souhaite. L'AP-HP est une institution essentielle pour l'avenir de la médecine en France, notamment dans les domaines de la formation et de la recherche. Mais pour réussir, la nouvelle direction devra avoir le soutien inconditionnel des politiques nationaux et des élus locaux, ainsi que l'adhésion du corps médical et des organisations syndicales dans la réalisation de sa mission. Cela ne me semble malheureusement pas encore le cas aujourd'hui.