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Formation, pourquoi les Britanniques sont si satisfaits ?

6 mois après sa mise en place, le baromètre de l’Observatoire Cegos dresse un bilan mitigé de la réforme de la formation professionnelle auprès des stagiaires et des DRH d’entreprises notamment en comparant le degré de satisfaction des Français à celui de nos voisins européens. En ressort, une « exception britannique » où, malgré une absence d’obligation pour les entreprises, on trouve un taux de satisfaction des stagiaires et des DRH supérieur à la moyenne. Une occasion de s’intéresser plus en détail au modèle de formation professionnelle au Royaume-Uni et ses enseignements pour réformer notre système français.  

Baromètre de l’Observatoire Cegos : L’exception britannique

Au vu des résultats du baromètre, il semble que les Britanniques aient réussi à mettre en place un modèle de formation professionnelle qui réponde, à la fois, aux attentes des salariés et des entreprises en termes de suivi et d’employabilité :

  • Les salariés sont 82% à estimer que leur entreprise met en place tous les moyens pour bien définir leurs besoins, et leur permettre d’exprimer leur attentes en matière de formation ;
  • Ils sont aussi satisfaits à 80% des informations reçues sur les programmes de formation auxquels ils peuvent participer ;
  • Du côté des DHR britanniques, la politique de formation professionnelle est définie comme une priorité. Pour 57% d’entre eux, il s’agit d’attirer et de fidéliser les talents et pour 40% d’entre eux, il s’agit aussi d’anticiper les évolutions des emplois (contre seulement 32% en France) ;
  • Les stagiaires britanniques sont également mieux sollicités sur la qualité des prestations a posteriori : 42% d’entre eux sont sollicités après, contre 39% en France (à noter que sur ce point-là, la France a perdu 4 points en seulement 4 ans).

Pas d’obligation de financement, ni de législation stricte

Ce qui distingue principalement les systèmes français et britannique, c’est l’absence d’une obligation de financement pour les entreprises (contrairement à la France où les entreprises versent annuellement une contribution obligatoire de 0,55 à 1% de la mase salariale), la flexibilité de la législation et l’absence de négociation paritaire. Concernant ce point, les syndicats (trades unions) participent quand même à la formation professionnelle, notamment à travers un rôle d’assistance, d’aide et de financement de la formation de leurs adhérents à travers l’Union Learning Fund.

Ainsi les dépenses de formation des entreprises sont volontaires et dictées par les besoins des salariés comme de l’entreprise. Seule exception, les dépenses de formation des entreprises sont fortement encouragées par des déductions fiscales et/ou des remboursements partiels (du coût de la formation et/ou du salaire versé au stagiaire pendant son temps de formation) pour les salariés les moins qualifiés : ce programme (Train to gain) coûte environ 1 milliard de livres sterling par an à l’État et a, pour l’instant, profité à près de 500.000 salariés depuis sa création en 2006. Également depuis 2002,  différents programmes de New Deal for Skills ont été mis en place pour aider les demandeurs d’emploi (les 18-24ans, puis les plus de 25 ans, les parents d’une famille monoparentale, les 50 ans et plus) à développer les compétences dont ils ont besoin pour trouver et conserver un emploi.

Financement de la formation professionnelle des adultes (18 ans et plus) au Royaume-Uni et en France

 

Royaume-Uni (estimation 2010-2011)

France (2012)

Financements publics

dont financement au titre de la formation des agents publics

dont programme de soutien

plus les déductions fiscales accordées

26 milliards £

7,7 milliards £

1,2 milliard £

3,7 milliards £

16,6 milliards €

5,9 milliards €

Secteur privé

16,2 milliards £

13,7 milliards €

Secteur associatif

3,15 milliards £

-

Financements individuels dont les travailleurs indépendants

9 milliards £

1,9 milliard €

Total

Environ 55 milliards £

Soit 3,9% du PIB

Environ 32 milliards €

Soit 1,6% du PIB

Pour le reste des actifs, c’est aux employés eux-mêmes de faire une demande de formation : en 2013, 16,8 millions d’employés ont ainsi suivi une formation (d’une durée moyenne de 6,7 jours), cela représentent 60% des entreprises britanniques qui participent volontairement à la politique de formation professionnelle. Les formations peuvent avoir lieu :

  • dans les 3.711 organismes de formation reconnus par le gouvernement et dont une partie des coûts est prise en charge : les subventions (de plus de 3 milliards de livres en 2013) sont directement versées aux organismes et visent à financer en priorité les formations « fondamentales » (amélioration des compétences en langues – notamment l’anglais –, en lecture et mathématique, etc) ;
  • dans les près de 12.000 organismes non reconnus.

Concernant le contenu des formations, c'est l’équivalent des branches professionnelles qui se chargent de définir les besoins des entreprises et du marché afin d’assurer une plus grande employabilité des actifs et des demandeurs d’emplois… mais quand la France compte 371 conventions collectives nationales pour 48 organismes collecteurs (OPCA), le Royaume-Uni compte 25 Sectors skills council.

Pour rappel : la France compte plus de 62.600 organismes de formation reconnus, c’est-à-dire dont le coût de formation est remboursable par les organismes collecteurs qui mutualisent la contribution obligatoire des entreprises (13,4 milliards d’euros en 2012).

Finalement, concernant la formation des demandeurs d’emploi. Nous soulignions, il y a quelques semaines, qu’en France la politique de lutte contre le chômage et celle de la formation professionnelle étaient distinctes l’une de l’autre contrairement au modèle allemand. Le système britannique lie également les deux : depuis le début des années 2000, les Jobs Center Plus (équivalent de Pôle Emploi) organisent la formation professionnelle des demandeurs d’emploi de longue durée jusqu’à leur retour dans l’emploi et leur sortie du système d’allocations (universel credit).

Conclusion 

Ainsi, que retenir du modèle anglais, en plus de savoir que ses utilisateurs (entreprises et salariés) sont plus satisfaits que chez nous ?

  • Premièrement que l’absence d’une obligation à former pour les employeurs n’empêche pas le Royaume-Uni de dépenser plus que la France en matière de formation : 55 milliards de livres soit 3,9% du PIB. Une dépense supérieure, certes, mais surtout beaucoup mieux orientée qu’en France (1,26 % du PIB pour des dispositifs comparables) puisque dirigée par les besoins du marché, des salariés et des entreprises. Avec cette organisation sans mutualisation, le Royaume-Uni parvient aussi à former plus de salariés : 47% des salariés britanniques ont accès à une formation par an contre 36% en France ;
  • Deuxièmement que si les pouvoirs publics assurent le pilotage de la formation professionnelle des demandeurs d’emploi, celle des actifs est laissée à la fois aux « branches » pour calibrer les formations aux besoins du marché (Sectors skills council et National Skills academies), mais surtout, aux individus eux-mêmes.

Il s’agit alors d’un système qui repose sur « une responsabilité individuelle de chaque actif à assurer sa propre employabilité » comme disent les Allemands et un modèle dont la France bénéficierait de s’inspirer (voir notre étude complète : Les boites noires de la Formation professionnelle).

Les propositions de la Fondation iFRAP pour réformer la formation professionnelle :

En France, le système de formation professionnelle ne se comprend plus que par la contrainte et par une obligation de financement pour l’employeur (de 1 à 2,1% pour les entreprises de moins de 10 salariés aux hôpitaux publics). Conséquence, les employeurs privés et publics versent chaque année quelque 24 milliards d’euros pour la formation des adultes. L’exception notable restant l’État employeur qui n’est pas soumis à une contribution obligatoire et dont la formation des agents est directement prise en charge par le contribuable au niveau très élevé de 4,8% de la masse salariale (soit 2,5 milliards d’euros par an).

Au nom de la transparence et de la simplification, notre système de formation professionnelle a besoin d’une refondation complète. Nous proposons donc de :

  1. Supprimer les Opca, la contribution obligatoire et de laisser les branches professionnelles gérer la formation professionnelle des salariés du privé. Régionaliser le CNFPT pour la formation des agents  territoriaux et Pôle emploi pour la formation des demandeurs d’emploi.
  2. Automatiser les évaluations par les employés ayant bénéficié d'une formation avec une  remontée des évaluations au niveau des régions qui doivent devenir la collectivité pilote de la formation professionnelle. 
  3. Fusionner les écoles de fonctionnaires en un organisme collecteur chargé de mutualiser la nouvelle contribution obligatoire versée par les administrations publiques d'État employeuses.
  4. Mettre en place un chèque syndical que chaque salarié pourra remettre à l'instance de  représentation de son choix pour corréler le budget d’un syndicat au nombre de salariés ou de patrons qu’ils représentent.