Actualité

Estimation de la fraude aux cotisations sociales : 10 milliards d’euros en 2022

Le Haut Conseil au financement de la protection sociale (HCFiPS) vient de rendre un avis en sa qualité d’Observatoire du travail dissimulé. Dans cette note, il effectue la synthèse entre les données sur le manque à gagner issu du contrôle sur place (les CCA, contrôles comptables d’assiette), soit jusqu’à 2,3 milliards d’euros et un chiffrage de l’écart en cotisation relevant du travail dissimulé (jusqu’à 7,8 milliards d’euros). Le rapport 2023 s’attache à décrire le millésime 2022 en la matière, et celle-ci est en hausse significative par rapport à 2021. Point d’attention toutefois, l’Observatoire du travail dissimulé ne chiffre pas le manque à gagner « fiscal », ni les fraudes aux « prestations sociales » induites par l’existence de ces activités occultes. Le rapport ne se concentre que sur la fraude URSSAF aux cotisations sociales (à laquelle s’ajoute les données des régimes de retraite complémentaires AGIRC-ARRCO).

Cotisations sociales perdues pour cause de travail dissimulé : 7,8 milliards d’euros

Le travail du HCFiPS en la matière permet désormais de disposer d’une certaine profondeur chronologique en la matière. Il apparaît en particulier que sur le champ RG (régime général) + Unedic (assurance chômage) que les cotisations éludées via le travail dissimulé atteindraient une fourchette comprise entre 4,9 milliards et 6,2 milliards d’euros, et même jusqu’à 7,8 milliards

d’euros, en y ajoutant l’impact du travail dissimulé sur les cotisations Agirc-Arrco. Sur le 1er périmètre (RG+Unedic), la fraude aux cotisations augmenterait de 21,4% en 2022 sur l’estimation minimale et de 16,8% pour l’estimation maximale. Ce travail de décomposition n’est cependant pas publié sur le champ intégrant l’Agirc-Arrco (faute de décomposition effectuée pour 2021 en ce sens). Cette augmentation significative proviendrait d’un contrôle accru des URSSAF après leur reprise d’activité de contrôle normale après leur mise en pause durant la crise Covid. 

 

RG + Unedic

RG + Unedic + retraite complémentaire

Montant des cotisations éludées

2021

2022

2022

 

Minimum

Maximum

Minimum

Maximum

Minimum

Maximum

Travail dissimulé

4,3

5,5

4,9

6,2

6,2

7,8

Hors travail dissimulé (contrôle comptable d'assiette)

1,3

1,6

1,4

1,8

1,8

2,3

dont redressements

1,8

2,1

1,9

2,1

2,4

2,7

dont restitutions

-0,5

-0,3

-0,44

-0,35

-0,55

-0,4

Total

5,6

7,1

6,4

8,0

8,0

10,1

Source : HCFiPS et URSSAF, retraitement Fondation iFRAP janvier 2024.

Toutefois ces estimations pourraient être encore majorées dans la mesure où elles ne consolident pas encore les retours effectués par la CCMSA pour le travail dissimulé en milieu agricole : « la CCMSA distingue le manque à gagner issu du travail totalement dissimulé de l’entreprise (…) et le manque à gagner lié au travail dissimulé partiel », éléments que le l’URSSAF ne retrace pas distinctement dans les résultats de la LCTI. Au total, le travail dissimulé dans le milieu agricole correspondrait à une perte de 2,9% des cotisations et contributions totales, soit à 345,7 millions d’euros. 

Cotisations sociales fraudées à partir du contrôle sur place : jusqu’à 2,3 milliards d’euros en 2022

En droit de la sécurité sociale, le contrôle sur place effectué par les URSSAF et autres organismes payeurs (lorsqu’ils ne sont pas compétent comme en de retraites complémentaires), s’appelle le contrôle comptable d’assiette. Le produit de ces contrôles est donné net des restitutions effectuées. Celui-ci peut être estimé entre 1,4 et 1,8 milliard d’euros sur le champ RG+Unedic en 2022, et même entre 1,8 milliard et 2,3 milliards d’euros un champ plus large comprenant les régimes de retraite complémentaire (Agirc-Arrco[1]). Hors régimes de retraite complémentaires, l’évolution des maxima est stable (+0,2%) tandis que les minima augmentent significativement de 14,3% entre 2021 et 2022.

Cette estimation comprend la fraude détectée par le contrôle sur place auprès des indépendants, et qui représente d’après le HCFiP environ entre 1,1% et 2,2% des cotisations/contributions du secteur en 2022 contre 0,7% à 1,4% en 2019 (précédente campagne), soit un manque à gagner de 145 à 290 millions d’euros.

Un niveau de fraude aux cotisations/contributions sociales de 10,1 milliards d’euros

Il en résulte qu’en 2022 le taux de fraude aux cotisations/contributions sociales est compris entre 8 et 10,1 milliards d’euros. 

 

2021 min/max

2022 min/max

Variation min/max

Evolution % min/max

Régime général (RG)

5,1

6,4

4,9

6,2

-0,2

-0,2

-3,9%

-3,1%

UNEDIC

0,5

0,7

1,7

2,1

1,2

1,4

240,0%

200,0%

AGIRC-ARRCO

1,7

2,1

1,4

1,8

-0,3

-0,3

-17,6%

-14,3%

TOTAL

7,3

9,2

8,0

10,1

0,7

0,9

9,6%

9,8%

Source : HCFiPS et URSSAF, retraitement Fondation iFRAP janvier 2024.

Le régime général verrait cependant le montant de sa fraude aux « recettes » sociales baisser de 3,9% pour l’estimation minimale et de 3,1% pour l’estimation maximale. Les fraudes à l’Agirc-Arrco seraient également en repli, mais plus significativement de -17,6% pour l’estimation minimale et de -14,3% pour l’estimation maximale. En revanche la fraude à l’Unedic augmenterait très significativement pour atteindre +240% (min) et +200% (max). Une explosion que le rapport ne commente pas précisément (fin du chômage partiel ? adaptation aux nouvelles règles plus strictes de l’assurance-chômage ? Multiplication des contrôles ?). 

Focus sur les entrepreneurs via plateformes

La note du HCFiPS insiste particulièrement sur les micro-entrepreneurs utilisateurs de plateformes. La somme des cotisations éludées atteindrait 173,9 millions d’euros correspondant à un taux global de cotisations éludées de 42%. Les plus forts taux de fraude apparaissent dans la livraison (70%) pour un montant de 66,2 millions d’euros, chez les VTC (à hauteur de 62%) pour un montant de 70,7 millions d’euros. 


[1] La même remarque s’applique que précédemment, l’inclusion du champ Agirc-Arrco n’étant pas effectué en 2021 en présentation décomposée, il n’est pas possible de l’inclure dans l’évolution depuis 2012.