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Le sénateur Carle limite la suppression de postes dans l'enseignement privé

Entretien avec le Sénateur Jean-Claude Carle

Fondation iFRAP – Monsieur le Sénateur, vous avez fait adopter un amendement au projet de budget 2011 visant à alléger de 250 les suppressions de postes d'enseignants dans les écoles privées. Cela vous a d'ailleurs été fort reproché par le magazine Marianne. Pourquoi avez-vous soutenu cet amendement ?

Sénateur Jean-Claude Carle - D'emblée je me pose la question de la place à donner aux excès des commentaires idéologiques de Marianne, d'autant qu'ils sont en partie erronés. J'ai déposé cet amendement car, sinon, entre 70 et 100 établissements privés auraient dû fermer et le libre choix des parents pour l'établissement dans lequel ils souhaitent mettre leurs enfants aurait été remis en question. Je suis personnellement très attaché à cette liberté constitutionnelle d'autant plus que l'enseignement privé sous contrat fait partie intégrante de l'éducation nationale.

J'ai également soutenu cet amendement car cette année on demande selon moi des efforts plus importants au privé qu'au public.

Jean-Claude Carle

Elu sénateur de la Haute-Savoie depuis 1995, Jean-Claude Carle a été rapporteur sur le budget de l'enseignement scolaire dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011. Il s'est fait remarquer notamment en 2009 par son combat en faveur de l'enseignement privé, en faisant adopter une proposition de loi tendant à garantir la parité de financement entre les écoles primaires publiques et privées sous contrat d'association lorsqu'elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence.

Si l'enseignement privé doit, comme l'enseignement public, participer à l'effort engagé à juste titre par le gouvernement pour réduire les effectifs de la fonction publique, cet effort doit être proportionnel au poids respectif de chacun. Ça n'était pas cette année le cas dans les arbitrages budgétaires initiaux.

En 2011, le public doit réduire ses effectifs de 13.767 postes et le privé devait en perdre 1.633, un effort supplémentaire de 17% demandé à ce dernier par rapport à 2010. De plus, sur les 13.767 postes d'enseignants du public, 5.600 sont des régularisations comptables, donc virtuelles, de surnombre dans l'enseignement primaire dues à de mauvaises prévisions de départs en retraite. Donc il faut comparer ce qui est comparable : 8.167 postes réels dans le public et 1.633 dans le privé. J'ajouterai que le privé n'a que des postes "devant élèves" et ne dispose ni de surnombre, ni de titulaires sur zones de remplacement.

D'où mon amendement demandant simplement que le juste équilibre soit appliqué et c'est pourquoi j'ai fait voter que 250 postes soient réintégrés dans le privé. Mais je m'inscris en faux contre ceux qui disent que j'ai pris 250 postes au secteur public pour les ajouter au secteur privé. Bien au contraire, les 4 millions d'Euros que cela représente ont été prélevés sur les crédits de l'administration centrale, ligne dotée de plus de 2 Milliards d'Euros !!! J'ai rétabli l'équité pour le privé par rapport au public ! J'aurais déposé un amendement de même nature si la situation avait été inversée !

Fondation iFRAP – Pensez-vous que de plus en plus nombreux sont les parents qui désirent scolariser leurs enfants dans des écoles privées ?

Sénateur Jean-Claude Carle - Pourquoi de plus en plus de parents veulent-ils mettre leurs enfants dans des écoles privées ? C'est la seule question que devraient se poser les thuriféraires du "laïcisme". Je crois tout simplement que les parents y trouvent un meilleur accueil, de meilleurs résultats et une meilleure implication des familles.

En plus de cela, contrairement aux idées reçues, 12% des élèves du privé sont boursiers. Le privé souhaiterait ouvrir des classes dans les quartiers difficiles mais ces ouvertures leur sont parfois refusées pour des raisons idéologiques. Cela me semble dommage car la question n'est plus aujourd'hui d'opposer public et privé mais de renforcer les complémentarités pour rendre plus performant notre système éducatif.

Peut-être pouvons-nous aussi nous poser la question de savoir pourquoi tant de parents mettent leurs enfants dans des officines pour leur soutien scolaire ? Nous sommes entrés dans une sélection par l'argent à cause d'un système éducatif qui ne réussit qu'à ceux qui savent : les enfants d'enseignants, ou à ceux qui ont : les plus riches… Selon les statistiques, un fils d'ouvrier a 17 fois moins de chances d'intégrer une grande école qu'un fils d'enseignant.

C'est le grand défi de notre école de rétablir l'égalité des chances aujourd'hui remise en cause.

J'en veux pour preuve, les résultats de l'enquête PISA où la France, pays de l'OCDE qui dépense le plus d'argent par élève, ne parvient pas à lutter, loin s'en faut vu son classement très, très moyen, avec des pays aussi différents que Singapour, la Corée du Sud, la Finlande, voire l'Allemagne. Ce que confirme également le rapport de la Cour des comptes. De quoi souligner les effets néfastes du pédagogisme qui, pour avoir érigé la lutte contre les inégalités dans l'accès au savoir en dogme, les a accrues !

Ça n'est pas en opposant le public au privé que l'on améliorera la situation mais au contraire en conjuguant leurs efforts !