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Réforme des retraites : la question des primes des fonctionnaires

Pas de cotisation, pas de retraite

Les problèmes techniques liés à l’évolution du régime de retraites des fonctionnaires vers un régime universel par points sont surmontables. Mais pour rétablir l’équité, il faudra aussi corriger les injustices actuelles entre régimes publics et privés. La faible prise en compte de leurs primes est ressentie par les fonctionnaires comme leur principal désavantage. Mais ils vont devoir faire un choix : soit accepter une baisse de leurs primes, soit accepter que leurs primes ne soient toujours par prises en compte pour leur retraite.  

En France, le salaire d’une personne en place pouvant difficilement être baissé[1], ne peut pas non plus être temporairement augmenté. Les primes visent à contourner ce problème en rémunérant un travail ou des résultats exceptionnels sur une période limitée. Elles représentent en moyenne 20% du salaire des fonctionnaires avec des écarts importants, les hauts fonctionnaires d’État et les emplois de catégories C et D des collectivités locales ayant le plus de primes. Les enseignants ont peu de primes en général.  

Dans la fonction publique, les primes deviennent souvent systématiques et permanentes, parfois même en cas de changement de poste comme pour les catégories actives, ce qui constitue une anomalie. (Consulter : http://www.xerfi-precepta-strategiques-tv.com/emission/Jerome-Barthelemy-Jerome-Barthelemy-Les-primes-sont-elles-efficaces-sur-la-motivation-et-les-resultats--6106_3744835.html) Elles ont été obtenues par des groupes, soit pour pouvoir recruter et fidéliser des spécialistes de hauts niveaux, ou rares, ou disposant d’une capacité de nuisance importante, ou dont les spécialistes n’existaient pas quand les grilles de salaires ont été établies. Le système des primes permet, dans la fonction publique, de résoudre un problème précis ou local sans entrainer un bouleversement des grilles, et une augmentation générale des salaires. 

Primes vs. Cotisations

Pendant des décennies, les primes n’ont pas du tout été prises en compte pour les retraites des fonctionnaires. Une règle cohérente avec le mode de calcul de leurs retraites sur le salaire des tout derniers mois : il aurait été choquant que le retraité bénéficie pendant des décennies de la prise en compte d’une prime reçue uniquement en fin de carrière.

Selon les règles actuelles[2], pour un budget de dépense de 1.000 euros par l’État (l’hôpital ou la collectivité locale), le salarié reçoit 1.000 euros (non soumis à cotisation retraite mais soumis aux autres cotisations sociales). En appliquant les règles du privé, pour un même budget de 1.000 euros, l’employeur aurait versé 160 euros de cotisation retraite, et le salarié 110 euros. Pour le salarié, le net aurait donc été de 730 euros. Le choix du fonctionnaire est donc entre un revenu immédiat de 1.000 euros, ou de seulement 730 euros compensé par une retraite plus élevée : un dilemme clair et une préférence variable selon les personnes.  

Intégration des primes

Comme il est naturellement impossible, vu l’état des finances publiques, que l’État verse à la fois la prime de 1.000 euros, et la cotisation de 160 euros[3], la prise en compte des primes dans les retraites reste un problème épineux. Les syndicats semblent croire que les fonctionnaires souhaitent la prise en compte de leurs primes pour leurs retraites. Ce serait aussi souhaitable dans le cadre de l’unification des régimes publics et privés, à moins d’offrir aussi aux salariés du privé la possibilité de ne pas cotiser aux régimes de retraites sur leurs primes. 

Concrètement, au moment du passage à un régime privé/public unique par points, il n’existe que trois solutions :

  • Les primes des fonctionnaires restent exonérées de cotisation retraite et ne sont donc pas prises en compte pour les retraites ;
  • Les primes des fonctionnaires sont immédiatement soumises à cotisations comme celles du privé, ce qui entraine une baisse significative du montant perçu par les salariés ;
  • Sur une période de trente ans, les primes sont progressivement soumises à cotisation retraites, prolongeant la tendance actuelle (réforme de 2015 : PPCR), en échange d’une modération de l’évolution du salaire de base. Dans ce cas, le régime de retraite par capitalisation des fonctionnaires serait progressivement financé par une cotisation de 2% sur leur salaire total, comme c’est prévu pour le secteur privé dans la proposition de réforme de l’iFRAP.

Note : au moment de la création du régime commun privé/public, les primes « passées » des fonctionnaires n’ayant pas été soumises à cotisation ne pourront pas être prises en compte pour leur retraite.


[1] Dans le secteur privé, ce n’est possible qu’en augmentant son salaire moins que l’inflation ; dans la fonction publique c’est impossible depuis la mise en place de la garantie de pouvoir d’achat.

[2] En négligeant la retraite obligatoire par capitalisation des fonctionnaires (RAFP)  introduite en 2008  qui modifie un peu ces chiffres, mais pas le fond du sujet.

[3] Ces chiffres utilisent les taux arrondis de cotisation du privé et sont donc indicatifs, les taux de cotisation retraite de la Fonction publique d’Etat sont beaucoup plus élevés.