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Baisse de la cotisation retraite des fonctionnaires : le comble

Les salariés des trois fonctions publiques contribuent déjà très peu au financement de leurs retraites. La proposition du ministre de la Fonction publique, Marylise Lebranchu, de réduire encore le taux de cotisation des fonctionnaires est donc choquante. Cela reviendrait à augmenter les privilèges dont ces salariés bénéficient déjà par rapport à ceux du secteur privé, et à aggraver le déficit de l'État. Le contraire des besoins de la France et des attentes des Français.

Contribution des salariés à leurs régimes de retraite

Année 2012Taux cotisation salariéTaux cotisation employeurTaux cotisation total% des cotisations salariés / total
Secteur privé 10,55 % 15 % 25,55 % 41 %
Fonctions publiques Collectivités locales et Hôpitaux 8,49 % 28,85 % 37,85 % 22 %
Fonction publique d'État (civils) 8,49 % 68,59 % 74,28 % 11 %

Note de lecture : les salariés du privé financent presque la moitié de leurs retraites (41 %) ; les fonctionnaires des collectivités locales et des hôpitaux environ un cinquième (22%) ; les fonctionnaires civils d'État environ un dixième (11 %).

Recul sur un modeste plan de rattrapage en cours

Pour supprimer au moins une des inégalités les plus voyantes, la réforme Woerth de 2010 avait prévu d'aligner progressivement le taux de cotisation des fonctionnaires qui était de 7,85% sur celui des salariés du privé : très progressivement puisque la parité devait être atteinte en 2020. En 2013 déjà, le gouvernement avait accepté de ralentir ce rattrapage. Mais baisser le taux de cotisation des fonctionnaires constituerait un véritable retour en arrière sur une dans rares mesures d'équité prise en 2010.

Un système dommageable pour les fonctionnaires en activité et les retraités

Pour l'État, le taux de cotisation employeur a augmenté très rapidement passant de 49,90% en 2006, à 68,59% en 2012 et à 74,28% en 2014. Dès à présent, la charge des retraites des fonctionnaires d'État pèse lourdement sur le budget : pour chaque fonctionnaire payé par exemple 2.500 euros par mois, l'État verse 1.857 euros au service des retraites de ses fonctionnaires. Cette charge prive l'État de toute marge de manœuvre et contribue à rendre indispensable le gel du point des salaires des fonctionnaires actifs et la baisse de leurs effectifs. Les 450 millions d'euros d'allègement de cotisations salariés décidés par madame Lebranchu seront inévitablement prélevés sur les fonctionnaires en activité.

Dans les deux autres fonctions publiques (hôpitaux et collectivités locales) ce problème va devenir explosif à son tour avec le départ en retraite de très nombreux agents. Le taux de cotisation de 29% va rapidement passer à plus de 50%, asphyxiant ces organismes déjà en très grande difficulté financière [1].

Dans la période actuelle où tout devrait être mis en œuvre pour le redressement de notre pays, les privilèges distribués régulièrement à la fonction publique (baisse du taux des cotisations retraite, report d'un jour de la rentrée scolaire, week-end de deux jours et demi pour les enseignants du primaire, recrutement massif de nouveaux salariés contractuels et emplois aidés …), constituent des signaux irritants pour les autres Français au travail ou au chômage. À terme, c'est rendre un très mauvais service aux fonctionnaires envers lesquels une forte hostilité se développe.

Sondage BVA du 17 avril 2014

« La réduction du nombre de fonctionnaires (sauf dans l'Éducation nationale, la Sécurité et la Justice) apparaît comme la mesure la plus appréciée et de loin (73% dont 79% pour les sympathisants de droite et 65% pour ceux de gauche). Le gel du salaire des fonctionnaires est apprécié par 57% des interrogés (respectivement 67% et 50%). »

Préparer la réforme des retraites

En déconnectant encore plus le montant des retraites versées aux fonctionnaires (et aux salariés des autres régimes spéciaux) du montant des cotisations des actifs, le gouvernement renforce le sentiment qu'il existe une sorte de trésor à partir duquel ces pensions sont versées. Une très mauvaise façon de préparer les esprits à l'inévitable prochaine réforme des régimes de retraite [2]. Ce sont les impôts des Français qui financent chaque année les retraites des fonctionnaires. Face au ras-le-bol fiscal actuel, il serait imprudent de la part des fonctionnaires d'accentuer les divergences avec le régime général.

[1] Pour les hôpitaux publics, une hausse de 21% des cotisations sur des salaires qui représentent 70% des dépenses entraînerait une telle hausse de leurs coûts (10%), déjà supérieurs à ceux de leurs concurrents, que cela les sortirait du marché.

[2] La "réforme" de 2013 aura constitué une des pires non-réformes de ces dernières années.