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Rapport de la Cour des comptes : il faut geler les salaires publics

Dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques rendu public la semaine dernière, la Cour des comptes redit l'urgence qu'il y a à trouver 100 milliards d'euros d'économies d'ici trois ans. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, explique que la France a franchi un nouveau stade en termes de détérioration de ses finances. Pour la Cour, il y a désormais « urgence à prendre des mesures immédiates sauf à hypothéquer notre indépendance et notre souveraineté ». Des « mesures immédiates, plus importantes, plus lourdes » que celles annoncées jusqu'ici. Dans ces mesures, la Cour propose notamment de s'inspirer de nos voisins qui gèlent les salaires de leurs agents publics.

« Dans plusieurs pays européens, le gouvernement a décidé un gel des rémunérations de la fonction publique (Portugal, Luxembourg, Italie) ou une baisse (Espagne, Irlande, Hongrie, Grèce, Roumanie), éventuellement limitée aux hauts fonctionnaires (Italie, Royaume-Uni), pour réduire les déficits. En France, les salaires avaient été gelés en 1982. Ces exemples invitent à réfléchir à des mesures telles que le gel de la masse des primes, qui n'interdirait pas les redéploiements, ou de la valeur du point de la fonction publique, pour une durée limitée. » On voit que la Cour prend le sujet avec des pincettes mais le débat est là.

La Cour rappelle que, ces dernières années, les salaires des fonctionnaires ont été largement revalorisés : « La rémunération des fonctionnaires présents deux années de suite (« rémunération des présents-présents ») augmente, en moyenne, comme la somme des trois termes précédents. Sa croissance a été en moyenne de 3,6 % par an de 1999 à 2009, ce qui représente un gain annuel de pouvoir d'achat de 1,9 %. » Rappelons que le salaire net moyen des agents publics en 2006 et 2007 a progressé de 3,3 % en euros courants, soit + 1,8 % en euros constants. 1,8 % de hausse des salaires publics en 2007 quand la hausse des salaires du secteur privé était de 1,5 % sur la même période. Malheureusement, les chiffres des salaires du privé pour 2008 et 2009 ne sont pas disponibles mais il y a fort à parier que les salaires du public ont continué à augmenter bien plus vite que dans le privé, d'autant plus en période de crise.

Ces chiffres sur la table, la hausse du point d'indice de 0,5 prévue pour juillet dans le secteur public paraît encore plus irréaliste. D'autant plus que la Cour souligne aussi que « la revalorisation du point de la fonction publique est le paramètre dont l'impact est le plus fort et le plus rapide. Chaque augmentation de 1 % de la valeur du point accroît de 0,8 Md€ la masse salariale de l'Etat, mais aussi de 1,0 Md€ celle des collectivités locales et des hôpitaux. Le traitement de base de leurs agents est en effet aussi indexé sur la valeur du point. Le coût total d'une hausse de 1 % est donc de 1,8 Md€ pour les administrations publiques. »

Il est aussi bon de souligner que, si des revalorisations du point étaient nécessaires jusqu'en 2008 pour maintenir le pouvoir d'achat des fonctionnaires « depuis les accords de février 2008, souligne la Cour, une « garantie individuelle du pouvoir d'achat » est versée à tous les agents dont le traitement de base a moins progressé que l'inflation au cours des quatre dernières années (7,2 % des agents en 2008). »

« La question pourrait aussi se poser, par exemple, d'un gel temporaire d'une partie significative des rémunérations dans la fonction publique », quand la Cour des comptes se permet de poser une question aussi taboue en France que celle du gel des salaires des fonctionnaires, il ne faut pas hésiter à applaudir à deux mains : les formes y sont et le fond est là. La Cour l'avait déjà rappelé en 2009 : les dépenses de personnel de l'Etat, des collectivités locales et des hôpitaux culminent aujourd'hui, entre salaires et pensions, à 300 milliards d'euros par an. C'est clair désormais : le gel de nos salaires publics est inéluctable.

Le déficit public (État, collectivités locales, comptes sociaux) a atteint un record l'an dernier, à 7,5 % du produit intérieur brut (PIB), et devrait être encore plus élevé cette année, à 8 % du PIB. La dette publique a suivi le même chemin puisqu'elle s'élève désormais à 78,1 % du PIB, un record.