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L'euro, la dette et la France

Sortir de l'euro n'est pas la question

Le thème de la sortie de l'euro pour certains pays, France comprise, voire de sa disparition pure et simple, commence à être médiatisé et faire l'objet de débats où l'euro fait (trop) souvent figure, avec accents populistes, de bouc émissaire des problèmes que rencontrent les membres de l'UE, comme la crise des dettes publiques. C'est un fait entendu, l'euro est en difficulté et la marche de l'Europe vers l'Union Monétaire a probablement été trop rapide compte tenu des différences subsistant entre la situation financière des pays qui y ont adhéré. Mais n'oublions pas que l'introduction de l'euro s'accompagnait du respect des critères de Maastricht (déficit annuel non supérieur à 3% du PIB, et dette totale non supérieure à 60% de ce PIB). Or de nombreux pays, dont la France, n'ont pas respecté ces critères, même indépendamment de la crise (le déficit dit structurel). Si ce déficit structurel était resté dans les limites permises, nous n'en serions pas là actuellement. Et pour sortir de cette crise, il faudra en revenir au respect des fameux critères budgétaires.

Aucun observateur sérieux ne met en doute les bienfaits que nous apporte la stabilité monétaire, même si cette stabilité n'est pas le remède à la crise. Surtout, c'est une erreur d'affirmer que, au lieu d'être un remède, l'euro aurait une part de responsabilité dans les désordres que nous rencontrons. L'euro n'est aucunement responsable de la dérive des finances américaines, de la crise des subprimes et des bulles qui éclatent les unes après les autres. Quant à incriminer la trop forte valeur de la devise et à en faire la cause des délocalisations, ce qui mine avant tout la compétitivité européenne n'est autre que la scandaleuse sous-évaluation du yuan chinois par rapport au dollar et donc à l'euro. Ce qui n'est pas une raison valable pour renoncer à une monnaie ! Dans un cadre mondial, en quoi d'ailleurs l'absence de l'euro aurait-elle changé quoi que ce soit aux délocalisations dans les pays de l'Est (qui auraient conservé leur monnaie très faible) ou du Maghreb par exemple ? – sauf à remettre en question la libéralisation des échanges mondiaux, comme l'a préconisé Maurice Allais, mais c'est un autre problème.

La décision qui vient d'être prise de concert, à l'initiative de l'Allemagne et de la France, de créer un fonds servant de mécanisme de sauvetage des États incapables de faire face à leurs dettes, est clairement un pari. Comme tout pari il peut échouer, notamment parce qu'il constitue un changement majeur des règles européennes en prévoyant ce mécanisme, jusqu'à présent interdit par le Traité européen, en contrepartie d'une contrainte budgétaire imposée aux pays membres. Mais c'est un pari pour éviter le pire, qui serait l'éclatement de l'union monétaire.

Pas plus en effet que l'euro n'est responsable de la crise, sa disparition n'en serait la solution. Car, non seulement la sortie de l'euro s'accompagnerait de catastrophes économiques, avec en particulier une chute considérable du PIB des pays européens, mais surtout le problème de la dette publique n'en serait pas réglé pour autant, mais au contraire aggravé.

Les Français ne paraissent plus actuellement mettre au premier rang de leurs préoccupations la réduction des déficits. Et pourtant la dette reste bien le problème numéro un qui risque d'emporter beaucoup de revendications sur son passage. Les économistes semblent s'accorder sur le fait que, euro ou pas, peu de pays européens pourront faire face à leurs obligations à l'égard de leurs prêteurs. Au-delà d'une dette cumulée de 90% du PIB, les économistes nous disent que la situation n'est pas tenable et que la montée des taux d'intérêt contraint les Etats à la banqueroute. Or la France est d'ores et déjà près de cette limite, et même l'Allemagne n'en est pas très loin avec un ratio de 75%.

Dans ces conditions, beaucoup voient dans la restructuration de la dette la solution la plus probable et la plus raisonnable. Qui dit restructuration dit perte pour les prêteurs d'une partie de leurs créances. Cela n'a rien de réjouissant pour personne, et en particulier pour les Français, car la dette souveraine est détenue pour environ la moitié en interne, par les banques et surtout par les compagnies d'assurances françaises. L'assurance-vie étant le placement préféré des Français, les rentiers risquent d'être concernés par les sacrifices… Mais bien entendu, cette même perte s'appliquerait aussi aux prêteurs étrangers. Les grands prêteurs potentiels que sont les Chinois l'ont bien compris, qui montrent beaucoup plus d'empressement à acquérir des actifs immobiliers que des créances sur les États.

Il est très loin d'être acquis que le plan de sauvetage des pays en danger réussira et qu'il évitera une restructuration douloureuse de la dette souveraine pour ces pays, voire pour tous les pays de la zone euro et au-delà. Mais ce qui est certain, c'est qu'en tout état de cause la sortie de l'euro ne résoudrait aucun problème et se traduirait notamment par une augmentation de la dette publique, désormais libellée dans une monnaie dévaluée et restructurée dans des conditions inconnues. Si restructuration il doit y avoir, on peut légitimement espérer qu'elle intervienne dans des conditions meilleures si l'union monétaire subsiste que dans le cas contraire. Au total, la question primordiale n'est pas de savoir si l'euro survivra ou non, mais comment se placer avec les moins mauvaises chances, et les sacrifices les moins douloureux, dans le cadre de la négociation internationale. La sortie de l'euro signifierait nécessairement l'affaiblissement des pays qui composent l'UE – à supposer que l'UE elle-même subsiste.

Et tout cela nous ramène au souci essentiel de l'assainissement des finances publiques, qui est la seule chance d'échapper à la douloureuse restructuration de la dette dont les Français seraient les premiers à faire les frais. Même les dévaluations, dans lesquelles les tenants d'une sortie de l'euro mettent leurs espoirs, ne fonctionnent que si elles sont suivies par un tel assainissement. Autrement dit, plus que jamais s'impose de s'atteler à la réduction de la dépense publique.

Afin de réduire les dépenses publiques, voici quelques règles de bonne gestion que propose la Fondation iFRAP :

Actions à court terme :

- Gel des salaires des fonctionnaires (y compris européens)
- Gel de tous les salaires payés sur fonds publics
- Gel des embauches dans les trois fonctions publiques
- Coupes dans les subventions publiques

Actions à moyen terme :

- Pas plus de 15% d'emplois publics par pays
- Ouverture à la concurrence de l'Assurance maladie obligatoire
- Passage sous statut de droit privé pour tous les emplois publics dans les fonctions non régaliennes de l'Etat
- Réforme des retraites avec un système unique et égal pour tous
- Désengagement de l'Etat des entreprises telles que La Poste, EDF, SNCF, RATP,…
- Instauration d'un maximum de prestations sociales pouvant être perçues par mois et par foyer fiscal