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Vente de biens immobiliers HLM… un problème toujours non résolu !

A l'heure où le Gouvernement communique sur une réforme substantielle du prêt à taux zéro (PTZ), désormais dénommé « PTZ Plus » chargé de faciliter l'accession à la propriété immobilière pour les « primo-accédants », l'objectif annoncé par les pouvoirs publics est d'atteindre cette fois-ci 380 000 ménages bénéficiaires annuellement [1]. L'enjeu n'est pas mince car l'écart des ménages propriétaires entre la France et le reste de l'Europe reste stable depuis quelques années (57,5% en 2007 contre 65% pour la moyenne européenne), soit un manque de 2,035 millions de propriétaires [2]. Afin de contribuer à cet effort tout en diversifiant ses ressources d'investissement, le secteur de l'habitat social doit contribuer au renforcement de l'accès à la propriété. Or, alors que l'objectif officiel était de vendre 40 000 logements sociaux par an à des particuliers, on en est loin avec un rythme actuel de seulement 4000/an. C'était pourtant dès 2007, un engagement du candidat de l'UMP lors de la campagne présidentielle [3]. Il s'est traduit par les accords du 18 décembre 2007 et du 20 février 2008 [4] passés entre l'Etat et l'Union Sociale pour l'Habitat et la Fédération des sociétés d'Economie Mixte, avec pour objectif de parvenir à la vente de 40 000 logements HLM par an à leurs propres locataires [5]. Or il est intéressant de vérifier les conséquences pratiques de ces engagements en matière d'accession à la propriété des locataires HLM. Que constate-t-on ?

D'une part, que l'objectif de 40.000 logements/an ne correspond pas à un chiffre en l'air mais du chiffre disponible en 2007 correspondant grosso modo au stock des logements HLM restant à vendre au 31 décembre de cette même année (37.530). Un coup d'œil sur les stocks de logements invendus permet ainsi de mieux apprécier le phénomène :

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En 11 ans, de 1998 à 2009, les ventes annuelles aux personnes physiques présentent un profil contrasté suivant qu'il s'agisse d'ESH (entreprises sociales pour l'habitat, de type SA d'HLM) ou d'Offices publics. Les premiers n'accroissent leur volume de vente que de 7,4% mais ce chiffre était même en recul pour 2008 avec -2,7% par rapport à 1998. Les seconds eux s'accroissent de 13,3% mais décroissent entre 2008 et 2009 de 22,7% ! En somme, sur longue période les volumes de ventes sont assez stables oscillant autour des 4000-4500 unités/an soit 10 fois moins que l'objectif initial.

Là où le bât blesse en revanche c'est que, précisément, les bailleurs sociaux ne devraient pas se satisfaire de cet état de fait. Une étude récente du CREDOC [6] montre en effet que la proportion de ménages pauvres propriétaires de leur logement a baissé de 47% à 37% entre 1988 et 2006. Or, le gisement des habitations HLM destinées à la vente ne trouvant pas preneur ne fait que croître entre 1998 et 2007, avec une augmentation de 9870 logements, soit +35,7%. Tout se passe donc comme si les organismes HLM étaient conscients du besoin de logements à vendre en augmentant régulièrement leur offre, sans pour autant trouver preneur, l'offre dépassant la demande.

En réalité il semble que l'attitude des bailleurs sociaux soit tout autre [7] et qu'une certaine inertie, voire un refus de vendre, empêche d'atteindre les objectifs assignés. Ainsi la MIILOS (mission interministérielle d'inspection du logement social) dans son rapport 2009 évoque l'attitude « passive » de certains organismes [8] : «  certains organismes n'ont pas défini de politique de vente précise (…) affichent des objectifs très généraux (…) soit n'ont pas débattu du sujet, leur stratégie étant la vente au prix du service des domaines. »… d'autres au contraire «  cumulent les irrégularités » : publicité insuffisante, détermination de prix discriminatoire, manque de modélisation des charges de copropriété pour les nouveaux acquéreurs [9].

Si bien que, deux ans après les accords Etat-bailleurs, le constat est sévère : « Tous les organismes n'ont pas intégré la politique de vente dans leur stratégie patrimoniale : un certain nombre y sont encore opposés. Si une évolution se fait sentir dans l'acceptation du principe, peu de bailleurs se sont fixé des objectifs quantifiés et ont élaboré des procédures et critères précis. »

Si on y ajoute l'abandon dans les statistiques publiées du suivi du montant des stocks de logements restant à vendre, et la comptabilisation dans les ventes des logements entre organismes sociaux dans des opérations de recomposition patrimoniale, l'impuissance de l'État à imposer ses objectifs semble complète… or les voies et moyens pour parvenir à atteindre l'objectif de 40.000 logements sociaux vendus/an sont connues :
- rendre conditionnelles les subventions d'État allouées à ces organismes,
- encourager le recours par les organismes à des prestataires immobiliers privés pour la publicité des lots mis en vente,
- favoriser fiscalement la vente des logements les plus anciens…

Sur le troisième volet de ce triptyque, il semble qu'à la faveur du toilettage des niches fiscales, le Gouvernement ait pris une option courageuse : avec la suppression de l'exonération fiscale de trois ans de CRL (contribution sur les revenus locatifs) touchant les offices HLM [10], l'État accroît la pression fiscale sur le parc locatif de plus de 15 ans… une façon comme une autre de pousser à la vente rapide de ces logements si les organismes veulent alléger leurs charges et rajeunir leurs stocks.

[1] Ce que l'on ne parvient pas cependant à mesurer c'est la part de nouveaux propriétaires qui sans cette mesure ne seraient pas parvenus à accéder à la propriété. Une population partiellement intéressée par la réforme que l'on peut désigner comme trop riche pour le parc social, mais trop pauvre pour accéder à la propriété privée.

[2] Voir, INSEE, Tableaux de l'Economie Française (TEF) 2010, p.87. Accessible sur internet à l'adresse suivante : http://www.insee.fr/fr/ffc/tef/tef2…

[3] Voir en particulier le comparatif des propositions des candidats à l'adresse suivante : http://www.universimmo.com/actu/uni… . On relèvera par ailleurs que dans le cadre de la loi DALO du 5 mars 2007, le gouvernement s'est engagé à construire en 2009, 125 000 logements sociaux supplémentaires.

[4] Suite au discours du Président de la République de Vandoeuvre-lès-Nancy du 11 décembre 2007 sur la politique du logement. Le 18 décembre 2007 est signé l'accord entre l'Etat et l'USH (Union sociale pour l'Habitat) relatif aux parcours résidentiels des locataires et au développement de l'offre de logements sociaux. Le 20 février 2008 est signé avec la Fédération des SEM (sociétés d'économie mixte) l'accord pour le développement de l'offre de logements locatifs sociaux et le développement de l'accession sociale à la propriété.

[5] Voir en particulier le rapport du député Olivier Carré, «  L'accession sociale à la propriété dans le parc HLM », 11 février 2009, en particulier les p.17 et suiv.

[6] CREDOC, Accessibilité du logement des classes moyennes et les besoins de mobilité résidentielle, juillet 2010. Accessible à l'adresse suivante : http://www.perl.fr/IMG/pdf/etude-cr… .

[7] Et l'on peut s'étonner, alors même que les accords de 2007 et 2008 ont fixé l'objectif de 40.000 logements sociaux vendus/an, que les statistiques concernant le stock d'invendus ne soient plus rendsu publics depuis 2008.

[8] Voir, document MIILOS rapport 2009, rendu public le 2 septembre 2010, consultable à l'adresse suivante : http://www.logement.gouv.fr/IMG/pdf… .

[9] Il faut que les organismes HLM s'engagent systématiquement sur un échéancier prévisible et respecté des charges attendues de copropriété, afin de ne pas pénaliser les acquéreurs d'appartements au bénéfice des détenteurs de maisons individuelles HLM.

[10] Ce qui devrait à terme rapporter dès 2011 environ 360 millions d'€ au Trésor.