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Niveaux de vie : la France pas vraiment à la fête

Le FMI vient de faire paraître les niveaux de vie comparés des pays du monde entier. Il s’agit des prévisions pour 2015, établies à partir du PIB par habitant selon deux mesures : le PIB brut en dollars courants, et le même PIB par habitant assurant la parité de pouvoir d’achat entre pays (PPA). On a pu en tirer la conclusion que, en ne tenant compte que des pays de plus de 50 millions d’habitants, la France était classée quatrième au regard du premier critère et troisième au regard du troisième (derrière États-Unis et Allemagne, et Royaume-Uni selon le premier critère), ce qui somme toute est plutôt encourageant. Remarquons quand même qu’il n’y a que sept pays développés dont la population dépasse 50 millions d’habitants…

Nous présentons ici successivement trois tableaux concernant les PIB d’une sélection de pays développés et particulièrement de pays européens, en utilisant les données du FMI, puis de la Banque Mondiale et enfin d’Eurostat. Ces données sont différentes suivant les sources, et particulièrement la conversion en dollars à laquelle se livre la Banque Mondiale n’est pas la même que celle opérée par le FMI. Eurostat de son côté prend un point de vue européen, ce qui aboutit à un résultat inverse en ce qui concerne le PIB en PPA. Néanmoins, la conclusion générale qui se fait jour est l’insuffisance assez caractéristique du PIB français.

Premier tableau. Prévisions 2015 FMI de PIB par habitant brut et en PPA

Commentaires

  1. Les pays sont classés dans l’ordre de leur PIB par habitant (ligne foncée), et la ligne plus claire située au-dessous indique le classement en parité de pouvoir d’achat (PPA). Les Etats-Unis constituent le pays de référence (PIB et PPA sont égaux, ce qui est à peu près le cas aussi du Canada). On remarque une différence systématique entre les pays de la zone euro et le Japon d’une part, et les autres pays d’autre part. Cela tient à l’évaluation comparée de la monnaie, euro et yen étant sous-évalués par rapport au dollar, ce qui se traduit par un PPA toujours plus élevé que le PIB (Luxembourg excepté). A l’inverse, le franc suisse est surévalué, ce qui se traduit par un PPA très nettement plus faible que son PIB nominal, ce qui est encore le cas à un moindre degré des pays nordiques, et du Royaume-Uni qui se trouve pénalisé en PPA par la valeur de sa livre.
  2. La position de la France, qui n’a derrière elle que le Japon, l’Espagne et l’Italie, n’est pas vraiment enviable. Il y a deux raisons à cela, un PIB trop bas mais aussi une démographie en expansion importante par comparaison avec les autres pays et en particulier l’Allemagne (mais pas le Royaume-Uni). La France ne sait pas donner du travail à ses enfants, et surtout aux plus jeunes et aux moins qualifiés, la démographie jouant comme un facteur aggravant.
  3. Les pays plus petits et moins peuplés ont un avantage évident qui se remarque dans ce tableau, et les quatre pays européens de plus de 50 millions d’habitants (Allemagne, Royaume-Uni, France, Italie, l’Espagne ayant une population de 35 millions) ne se signalant pas par de bons résultats comparativement aux autres.
  4. Mise à part la Norvège dont l’économie profite essentiellement de ses ressources pétrolières, les meilleurs résultats sont obtenus par des pays dont la fiscalité est favorable. Le Luxembourg et la Suisse sont à juste titre critiqués par des pratiques déviantes, mais qui sont en voie de normalisation. Mais dans aucun des autres pays les prélèvements fiscaux et parafiscaux ne pèsent sur les entreprises et le capital comme c’est le cas en France. L’Irlande et les Pays-Bas attirent les entreprises étrangères par leur fiscalité sur les sociétés ou les groupes, la Belgique par la fiscalité favorable du capital (mais un impôt sur le revenu extrêmement lourd), et les prélèvements des pays nordiques sont orientés lourdement vers les personnes physiques (IR ou TVA surtout). Il y a là matière à réformes en France, où l’on suit un chemin inverse par la lourdeur de l’IS, des impôts sur la production et des cotisations patronales, et au contraire la légèreté de l’IR (45% seulement des ménages vont le payer) et la tendance à la destructuration de la CSG.

Deuxième tableau, variation entre 2008 et 2014 du PIB par habitant, données de la Banque Mondiale.

Dans le second tableau qui suit, nous comparons l’évolution entre 2008 et 2014, donc avant et après la crise. Cette comparaison est cette fois fondée sur les données de la Banque Mondiale, qui différent assez grandement de celles du FMI, surtout en raison d’une méthode de conversion en dollars particulière. Ne perdons pas de vue en effet qu’il s’agit ici d’une comparaison sur base dollar. La comparaison se fait ici uniquement sur le PIB par habitant (donc PPA exclu).

Les grands gagnants sur la période sont les Etats-Unis, le Canada et l’Australie. L’Europe est généralement perdante à des degrés divers, sauf la Suède, l’Allemagne et de très peu le Royaume-Uni. Quant à la France, comme elle partait déjà de bas en 2008, sa performance, qui n’est que moyenne sur les six années postérieures, la relègue vraiment en bas du tableau et l’éloigne de l’Allemagne et du Royaume-Uni.

Troisième tableau, PIB par habitant, brut et en PPA, données Eurostat pour 2013.

Le dernier tableau utilise enfin les données d’Eurostat et les PIB tels qu’ils proviennent des pays concernés, et donc en euros pour ceux de la zone euro. Nous faisons figurer le PIB par habitant brut et en SPA (ou PPA) pour l’année 2013, dernière année disponible

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On notera que la comparaison du PIB en PPA se fait cette fois, non en dollar, mais à l’intérieur de l’Europe, ce qui explique que les pays européens développés, dont le coût de la vie est nettement supérieur à ceux des pays récemment rentrés dans l’UE, soient pénalisés en données PPA. On remarque que cet indicateur nivelle assez bien les niveaux de vie, dont la plupart se situant entre 33.000 et 36.000 euros. Font exception l’Italie et l’Espagne tout en bas du classement des pays que nous avons retenus (entre 25.000 et 26.000 euros), cependant que la France, antépénultième, ne dépasse pas 29.400 euros, juste en-dessous du Royaume-Uni.

Conclusion

Les trois tableaux aboutissent à peu près aux mêmes résultats. La France est à la traîne en ce qui concerne sont PIB, qui est la mesure de son niveau de vie global qui ne tient pas compte  bien entendu des transferts internes à la population. Ce constat est surtout valable si la comparaison se fait sans prise en compte de la taille et de la population des pays. Mais, Espagne et Italie mises à part, les deux grands pays du Nord, Allemagne et Royaume-Uni, connaissent depuis 2008 une augmentation de leur PIB par habitant et en données PPA, à l’inverse de la France, le Royaume-Uni se signalant par un redressement spectaculaire. Certes, une partie de cette insuffisance française est attribuable à la démographie, alors que l’Allemagne connaît une évolution inverse. Mais le Royaume-Uni voit sa population progresser comme la France, et quant à l’Allemagne, il ne faut pas oublier les efforts considérables qu’elle a réalisés à la suite de la réunification pour assurer aux habitants de l’ex-Allemagne de l’Est un niveau de vie à peu près comparable bien qu’encore inférieur. La France a besoin de donner du travail à ses enfants…