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Le CIMAP à surveiller de près

Exit la RGPP, voici la MAP, la Modernisation de l'Action Publique orchestrée par le CIMAP (pour Comité interministériel pour la modernisation de l'action publique). Quand on a eu la chance, comme nous l'avons eue, de suivre pendant des années la mise ne place de la LOLF (loi organique des lois de finances) qui devait permettre le retour à l'équilibre des comptes publics grâce à des indicateurs de performance, tous révélés plus inutiles les uns que les autres ; quand on a pu être aux premières loges des Stratégies Ministérielles de Réformes (SMR) lancées par Éric Woerth en 2005 ; quand on a suivi comme l'a fait la Fondation iFRAP les audits de modernisation de l'État de Jean-François Copé en 2006 et leur mascotte lolfie ; quand on a vu les résultats avec la dérive jamais stoppée de nos comptes publics, on attend de la modernisation de l'action publique qu'elle soit exemplaire, transparente et qu'elle soit menée sur le seul sujet qui vaille : comment réduire le coût de nos services publics tout en améliorant la qualité.

Évidemment, on l'aura compris, ce n'est pas en supprimant 100 « commissions consultatives » comités Théodule (33 millions d'euros de coût annuel pour ceux qui l'on dénombre au niveau de l'État, autour de 150 millions d'euros si on agrège les niveaux local et social) que l'on va financer les plus de 7 milliards de dépenses supplémentaires encore annoncées ces derniers jours en augmentation du RSA et des dépenses de CMU-C. Sans parler des campagnes de lutte contre le non recours à ces mêmes prestations que le gouvernement a annoncées. A la clé, si cette campagne se révélait payante, un alourdissement considérable du coût de ces prestations (4 milliards pour le RSA, 4,7 milliards pour les prestations familiales, 828 millions d'euros pour l'APA [1]).

Les différents gouvernements ont déjà fait le coup sur le sujet, le gouvernement Fillon avait déjà annoncé une rationalisation des comités en question ayant pour but de supprimer 225 comités en 2009, 51 en 2010, 48 autres en 2011, soit une baisse totale de 324 en 3 ans. Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault nous annonce la suppression de 100 comités Théodule. En 2010 l'État en comptait 799, en 2013 [2], il y en aura toujours 668… Au lieu d'en supprimer 324 comme annoncé, seulement 131 ont été supprimés en 3 ans. Les derniers exemples fleuris ne manquent pas : Comité stratégique du calcul intensif, Commission consultative des polices municipales, Observatoire national du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers, Commission des téléphériques (ce qu'avait d'ailleurs proposé la Fondation iFRAP) etc.

C'est dire la difficulté que l'on rencontre en France pour supprimer des entités sans enjeux et sans personnels permanents… Certes, le gouvernement affiche sa détermination pour inclure les opérateurs et les agences de l'État dans la réforme de l'État proposant de fusionner certaines structures -sans dire lesquelles- au sein des 1.244 entités distinctes (qui représentent selon notre chiffrage environ 100 milliards de périmètre annuel de dépenses publiques – les 556 opérateurs représentant pour leur part la moitié.

Le gouvernement annonce aussi des audits : 40 politiques publiques (dont les aides aux entreprises, au logement et à la politique familiale) vont être évaluées en 2013 et toutes les autres progressivement d'ici à 2017. Cela nous rappelle les 56 sujets d'audit lancés en 2006 par Bercy sous le nom d'audits de modernisation de l'État. Les audits étaient annoncés en ces termes "tous les 2 mois, au moins un service, une procédure ou une fonction significative, en vue d'améliorer la qualité et l'efficacité du point de vue des usagers, des fonctionnaires ou des contribuables". Aujourd'hui, les mots ne changent pas tellement, l'idée est d'évaluer : « la qualité de service et de proposer des indicateurs « vertueux » c'est-à-dire générateurs de progrès pour l'administration et compréhensibles pour les usagers ». En forçant à peine le trait, les audits n'auront même pas à changer de nom.

Rappelons que pour les audits de modernisation de l'État comme pour la défunte RGPP, les rapports les plus intéressants n'avaient pas été publiés, les économies avaient été plus que difficiles à identifier, les objectifs d'économies avaient d'ailleurs parfois été oubliés en route (comme pour le "un sur deux" par exemple). Si le gouvernement veut faire mieux avec la MAP, il faudra qu'il accepte plus de transparence dans le processus et la mise en ligne des rapports comme des objectifs d'économies à atteindre par politique publique.

Par ailleurs, contrairement à ce qui se profile avec les 40 audits présentés, il sera nécessaire que le gouvernement se pose à un moment où à un autre la question du coût des redondances entre l'État, le local et le social en lien avec la masse salariale des personnels. Un sujet qui est quasiment occulté pour l'instant et dont est révélatrice la présentation du budget 2013 : toute référence aux dépenses de personnels a été supprimée pour la première fois au sein des documents de présentation et les dépenses de traitements fondues dans les dépenses de fonctionnement…

- Un bon point tout de même : le Parlement (sous la RGPP on avait un peu oublié que c'était son rôle pourtant réaffirmé à l'article 24 de la Constitution) serait, selon la note du CIMAP « étroitement associé aux travaux ». On ne peut que le souhaiter même si les précédents audits ont montré que les administrations et leurs inspections étaient particulièrement jalouses de maintenir le sujet de la modernisation de l'action publique en dehors du champ d'intervention du Parlement. D'ailleurs, si le conseil parle de la mise en place d'études d'impact préalables et ex-post, il n'évoque ni leur publication ni la mise en place par le Parlement lui-même d'études croisées contradictoires.

- Second bon point : l'instauration d'un baromètre « indépendant » de la qualité des services publics. Piloté par le secrétariat général pour la modernisation de l'action publique, ce baromètre pourrait être enrichi de la notion de coût pour devenir un baromètre « de la qualité et du coût des services publics », ce serait tout à fait dans l'esprit du CIMAP afin qu'il soit « un gage de transparence de l'information ».

En définitive, comme l'évoque le site du CIMAP, il est essentiel que les citoyens s'approprient « leur réforme ». Celle-ci est pour le moment promue par l'incitation à la participation au travers de l'initiative « Ensemble Simplifions ». Il serait naturel pour qu'il existe une véritable adhésion populaire à la démarche, que le partage se fasse plus avant et qu'il soit possible de suivre les effets des propositions annoncées. Seule une ouverture massive des données de modernisation sera capable de provoquer le choc de confiance permettant une réforme comprise par le public, et qui puisse se présenter comme un bien commun, essentiel pour parvenir à l'équilibre de nos finances publiques.

Dans une période où les prélèvements obligatoires n'ont jamais été aussi élevés, il importe que chaque citoyen puisse vérifier où son argent est investi, à quelle fin, et que la réforme avance, avec des économies tangibles au rendez-vous.

La Modernisation de l'action publique est l'affaire de tous, elle ne doit à aucun prix apparaître seulement comme une réforme de « technos », au risque de dévier de son objectif et de succomber sous le poids des compromis internes à l'administration.

[1] Soit près de 10 milliards d'euros sans compter le non recours à la CMU-C dont le coût pourrait être compris entre 1 et 2 milliards supplémentaires. Se reporter à, Philippe Warin, Le non-recours au RSA : des éléments de comparaison, working paper, décembre 2011, p.3.

[2] Il faut entendre au sens des annexes du PLF 2013, les chiffres livrés le sont malheureusement avec 2 ans de retard. En 2013, nous parlons en fait des comités 2011. Cela n'a pas d'importance car la communication gouvernementale se base précisément sur ces chiffres.