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La Cour des comptes sceptique face au "plan de rigueur" français

Dans son dernier rapport sur les perspectives des finances publiques de juin, la Cour des comptes se montre plus que sceptique sur la volonté du gouvernement de s'inscrire dans une démarche crédible de retour à un déficit de 3% du PIB en 2013 au vu des mesures actuellement présentées.

Il faut dire que la tâche est ardue puisqu'il s'agit de réduire le déficit par des recettes supplémentaires et des coupes budgétaires, de quelque 95 milliards d'euros en 3 ans. Rarement la Cour aura porté officiellement un discours aussi lucide sur la dérive de nos comptes publics : « Il est nécessaire de viser une réduction d'au moins 1 point de PIB par an du déficit structurel mais en prenant des mesures de baisse des dépenses et de hausse des prélèvements obligatoires qui correspondent à un véritable « effort structurel. » Tout en se prononçant sur le diagnostic de la réforme qui doit, selon les sages de la rue Cambon, passer avant tout par un effort porté sur la dépense : « L'effort de redressement [de nos comptes publics] devra en conséquence porter prioritairement sur les dépenses publiques » dans la mesure où « les marges fiscales disponibles pour consolider les finances publiques sont (…) faibles. »

Un constat dur sur le bilan 2009-2011 de la RGPP

A l'instar des doutes que nous avions précédemment émis sur l'efficacité de la RGPP (révision générale des politiques publiques), la Cour évoque le manque de résultats de la réforme dû en grande partie à l'infléchissement de sa trajectoire du quantitatif vers le qualitatif : « La RGPP avait pour ambition de remettre en question l'utilité de chaque mission de service public. Elle a cependant été réduite à un exercice de réorganisation des administrations (…) dont l'impact budgétaire est relativement limité. » En effet, dans le meilleure des cas, la Cour évoque des économies potentielles réalisées de l'ordre de 6 milliards d'€ entre 2009 et 2011 dont 3 milliards par le non remplacement d'un départ de fonctionnaire sur deux. En réalité, les économies sont beaucoup plus maigres puisque 50% des 3 milliards théoriquement économisés en dépenses de personnel ont été reversés aux fonctionnaires sous forme de primes. Le gain net n'est au mieux que de 1,5 milliard soit 500 millions/an. Et encore, il s'agit d'une version optimiste puisqu'en définitive, les négociations syndicales pour 2009 ont totalement mangé les économies théoriquement dégagées (voir Loi de finances de règlement pour 2009), les dépenses de personnel (hors cotisations sociales et hors pensions) progressant (malgré le départ de 24 592 ETPT réels contre 27 470 anticipés) de 500 millions d'€ par rapport à la loi de finances initiale de 2009 et de 800 millions d'€ par rapport à celle de 2008.

Une priorité difficile à dégager sur les dépenses

Si l'effort de redressement doit porter essentiellement d'après la Cour sur la réduction des dépenses (10 milliards d'€/an), elle base au contraire son argumentation quasi-uniquement sur les recettes. En effet, s'attaquer aux niches fiscales, c'est mécaniquement accroître l'assiette des impôts alors que l'accent est mis sur leur réduction pour un montant équivalent à 10 milliards/an, alors que les annonces gouvernementales actuelles tablent sur un volume d'environ 8,5 milliards sur deux ans. Par ailleurs, la Cour juge peu crédible l'effet d'élasticité des impôts qui devraient croître avec la croissance pour atteindre une augmentation des rentrées fiscales de 35 milliards d'€/an.

Côté dépenses, les 10 milliards d'€/an parviendront-ils à être trouvés du côté des mesures proposées par le gouvernement ? Rien n'est moins sûr. Actuellement, on semble loin de l'objectif : en effet le projet gouvernemental semble calibré pour atteindre ce volume seulement en 3 ans, à partir de 2013, alors que la Cour estime que cet effort devrait être annuel ! Ainsi on annonce une nouvelle vague de suppression de 100 000 fonctionnaires supplémentaires en 3 ans soit environ 34 000 de moins par an, mais le bénéfice pour les finances publiques si l'on conserve le mode de réversion partielle au personnel, risque de ne faire économiser que 1,5 à 1,8 milliard d'€ au total au lieu des 3 milliards envisagés, soit toujours 500 millions d'€/an. Par ailleurs devrait être dégagé 1 milliard d'économies/an sur les dépenses de fonctionnement et 3,5 milliards sur les dépenses d'interventions la première année (pour seulement 6 milliards à l'horizon 2013) soit 10% sur 3 ans [1] alors que pour bien faire, cet effort là aussi devrait être annuel. Mais même avec ces efforts réalisés il faudra trouver 5 milliards d'euros d'économies supplémentaires chaque année… toutes choses étant égales par ailleurs (à savoir, concurremment au gel en valeur des transferts aux collectivités locales et des traitements des fonctionnaires), et ce, là aussi, chaque année.

Cela va nécessiter de tailler véritablement dans le noyau dur de la dépense et de s'interroger, comme y invite la Cour : « Cela suppose des réformes structurelles lourdes qui doivent préalablement être évaluées. Encore faut-il que les évaluations ne se limitent pas à rechercher des améliorations à la marge mais remettent en question l'existence même de ces politiques et services publics. » On ne saurait mieux dire.

[1] Mais 5% la première année, ce qui laisse supposer un effort moindre sur les deux exercices suivants.