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Agents publics sous contrat : l'exemple du personnel civil de la Défense

Le chef de l’État, Emmanuel Macron, veut étendre "largement" dans la fonction publique le recours aux contractuels. Dans ce cadre, le gouvernement a ouvert depuis février 2018 une large concertation qui a pour objectif de définir un plan de départs pour les fonctionnaires dans le cadre de l'objectif présidentiel de suppression de 120.000 postes, la mise en place d'une rémunération au mérite, la simplification des instances représentatives du personnel et l'accompagnement des départs ou des reconversions dans la fonction publique.

Cette décision est l'occasion de présenter les personnels civils du ministère des armées (MdA). Toutefois, s'impose en préalable la nécessité de préciser la définition des « agents » des administrations selon leur régime :

  • fonctionnaires titulaires : bénéficiant d'un statut de droit public et non soumis à des contrats ou conventions collectives, de la permanence de leur emploi, d'une titularisation dans un corps et un grade : fonctionnaires de l’État, magistrats, militaires1, employés des assemblées parlementaires et des collectivités territoriales et des hôpitaux ;
  • ouvriers de l’État employés dans différents ministères et des établissements publics qui leur sont rattachés ;
  • agents contractuels de droit public ou de droit privé2 au sein des administrations d’État, territoriale et hospitalière, présentant des conditions plus souples de recrutement permettant de répondre rapidement à des besoins spécifiques : agents auxiliaires, contractuels (en CDD ou CDI), vacataires, intérimaires ;
  • leur employeur : État (incluant ses établissements publics de différentes natures et ses agences administratives indépendantes) collectivités territoriales et locales, établissements hospitaliers.

Cependant, il est à noter que si la gestion des fonctionnaires titulaires et des ouvriers de l’État est régie par un grand nombre de textes législatifs et réglementaires qui définissent les règles des statuts, des corps et des grades, celle des agents contractuels est aussi encadrée par des dispositions assez nombreuses insérées dans le Code du travail qui définissent les régimes, selon des règles, soit du droit public, soit du droit privé, selon la nature de l'employeur : recrutement, rémunérations, relations individuelles de travail, licenciement, compétence des conseils de prud’hommes, contrat de travail, syndicats professionnels, compte personnel de prévention de la pénibilité...

Les personnels civils employés3 au ministère des armées (MdA) dont le volume est défini par des plafonds ministériels des emplois autorisés (PMEA) accordés dans chaque loi de finances annuelle), sont :

  1. soit titulaires (fonctionnaires appartenant à 3 catégories : A (incluant A+), B et C) ;
  2. soit contractuels (recrutés sous 3 niveaux de I à III.) ;
  3. soit ouvriers de l’État (ouvriers, chefs d'équipe et techniciens à statut d'ouvriers (TSO)).

L'évolution du volume entre 2007 et 2016 de personnels civils est la suivante :

Conclusion partielle : ce tableau met en évidence

  • une forte représentation des personnels sous statut (fonctionnaires et ouvriers de l’État : respectivement : 57% et 27%,) par rapport à la population totale des personnels employés par le MdA ;
  • une déflation des ouvriers de l’État qui pourrait être plus importante avec un resserrement du dispositif de soutien en MCO et l'externalisation du soutien des bases de défense (BdD).

La répartition des personnels civils par employeur4 au sein du MdA est présentée dans le tableau ci-dessous :

NB :

  • les effectifs de l'armée de l'air comprennent ceux du SIAé (Service industriel de l'aéronautique) créé en 2008 qui est un service de soutien relevant de l’armée de l’air, à vocation inter-armées, qui regroupe les moyens de maintenance aéronautique du MdA ;
  • les autres services employeurs concernent les organismes interarmées spécialisés (OIAS), les directions opérationnelles : directions du renseignement militaire (DRM), du renseignement et sécurité de la défense (DRSD), générale des services extérieurs (DGSE), et la délégation de l'information et de la communication de la défense (DICoD).

Conclusion partielle : les économies de personnels civils pourraient être effectuées au sein :

  1. de la direction des ressources humaines du ministère de la défense (DRH-MD) du secrétariat général de l'administration (SGA) armée avec pas moins de 3.650 agents (environ 600 militaires et 3.050 civils) et ses nombreux organismes déconcentrés, notamment ses 6 centres ministériels de gestion et son Centre expert des ressources humaines du personnel civil (CERHPC) de Bordeaux, qui assurent la gestion de 60.000 personnels ;
  2. des groupes de soutien des bases de défense (GSBdD – 51 basées sur le territoire métropolitain) subordonnés au service du commissariat des armées (SCA)5  qui sont armés avec environ 18.000 personnels (militaires : 55% et civils : 45%) en réduisant le nombre de BdD et en externalisant le soutien courant, notamment en ce qui concerne la restauration.

Les agents titulaires du MdA sont répartis dans différentes filières et sont gérés sur la base d'un nombre important de corps statutaires dont la gestion s'appuie sur des grades, des échelons indiciaires de traitement qui sont accordés en fonction d'un système d'ancienneté. Cette répartition est présentée dans le tableau ci-dessous :

répartition du personnel titulaire en ETPT par filiére, corps et grade
corps statutairegradecatégorieeffectifs en 2016
filiére administrative
administrateur civilgénéralA62
hors classeA61
classe normaleA39
conseiller d'administration de la défense A41
attaché d'administrationhors classeA86
principalA393
classe normaleA918
Total  1 600
secrétaire administratif (SA)classe exceptionnelleB1 294
 classe supérieurB1 158
 classe normaleB2 092
Total  4 544
adjoint administratifprincipal de 1ére classeC2 690
 principal de 2éme classeC3 911
 de 1ére classeC2 607
 de 2éme classeC678
Total  9 886
Total de la filiére administrative16 030
filiére technique
conseiller technique de la défense A131
ingénieur d'études et de fabricationsdivisionnaireA886
normalA2 281
Total  3 298
technicien d'études et de fabrications1ére classeB1 421
2éme classeB1 695
3éme classeB1 605
Total  4 721
agent techniqueprincipal de 1ére classeC234
principal de 2éme classeC843
de 1ére classeC3 356
de 2éme classeC529
Total  4 962
Total de la filiére technique12 981
 filiére sociale  
conseiller technique social A93
aasistant de service socialpricipalA269
 normalA192
Total de la filiére sociale554
filiére enseignement
maître de conférence A673
professeuragrééA
certifiéA
Total de la filiére enseignement673
filiére paramédicale
cadre de santé civilclasse normaleA24
technicien paramédical civilclasse supérieureB134
classe normaleB250
infirmier de la défenseclasse supérieureA27
classe normaleA13
infirmier civil de soins générauxclasse normaleA42
Aide-soignantclasse exceptionnelleB148
classe supérieureB240
classe normaleB407
agent des services hospitaliers qualifiés C429
Total de la filiére paramédicale1 714
filiére culturelle
chargé d'études documentaires A33
conservateur du patrimoine A31
bibliothécaireadjoint spécialiséB32
assistantB
Total de la filiére culturelle96
filiére renseignement
agent DGSEconfer le décret n° 2015-386 du 3 avril 2015 fixant le statut des fonctionnaires de la DGSEA, B et C2 489
filiére finances
agent du Trésorconfer les différents décrets 2010- 980 et suivants du 26 aout 2010 portant statut des personnels de la DGFiPA, B et C26
filiére diplomatique
agent personnel permanent à l'étrangerconfer le décret n°61-421 du 2 mai 1961A, B et C21

Conclusion partielle : cette répartition par nature de statuts n'est pas de nature à simplifier la gestion administrative RH de ces personnels, notamment en ce qui concerne la mobilité géographique et professionnelle.

Les agents contractuels sont recrutés sur la base de nombreux textes législatifs et réglementaires qui sont les suivants :

Les différents dispositifs législatifs et réglementaires définissant les différents types de contrats des agents contractuels sont les suivants :

  1. Arrêt Berkani du Tribunal des conflits du 25 mars 1996 qui stipule que « les personnels non statutaires travaillant pour le compte d’un service public à caractère administratif6 sont des agents contractuels de droit public, quel que soit leur emploi » ;
  2. Décret n°49-1378 du 3 octobre 1949 fixant le statut des agents sur contrat du ministère de la défense nationale ;
  3. Loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État avec ses différents articles (3-1, 4-1, 4-2, 6, 6-quinquies, 6-septies, et 45) ;
  4. Bénéficiaires de l'obligation de l'emploi (BOE) : les articles l.5212-13 et 5212-15 du code du travail qui offrent des possibilités de recrutement aux personnes handicapées, notamment ceux qui ont une pension d'invalidité suite à des accidents de travail, d'actions de guerre, d'attentats terroristes et de maladies contractées en service ;
  5. Décret n°75-572 du 24 juin 1975 fixant les dispositions statutaires applicables aux médecins civils spécialistes de l'appareillage des invalides et handicapés physiques exerçant leurs fonctions à plein temps dans les services du secrétariat aux anciens combattants ;
  6. Décret n°69-697 du 18 juin 1969 portant fixation du statut des agents contractuels de l’État et des établissements publics de l’État à caractère administratif, de nationalité française, en service à l'étranger. 

La répartition des 9.100 agents non titulaires en 2016 par type de contrat est présentée dans le tableau ci-dessous :

répartition du personnel non titulaire en ETPT
nature du contratobservations complémentairesemploi permanentemploi temporairetotal
Loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat (hors ICT, TCT et vacataires)incluant contrat de cabinet du ministre, aumoniers, maîtres d'internat, surveillants d'externat, contrat de différence et contrat sur cumul)1 79301 793
ingénnieurs et cadres technico-commerciaux (ICT)servant à la direction générale de l'armement2 42602 426
techniciens et cadres technico-commerciaux (TCT)3820382
vacataires 0454454
Sous-total loi n0 84-16 4 6014545 055
décret n° 49-1378 du 3 octobre 1949 modifié 3880388
Arrêt Berkaniagents contractuels de droit public, anciens agents d'un sergvice public recrutés sur un contrat de droit privé2430243
bénéficiaires de l'obligation d'emplois (BOE)personnels en situation de handicap et d'invalidité47047
personnel de recrutement à l'étranger (PRL)personnels essentiellement recrutés au profit des forces de présence à l'étranger (Afrique, Emirats-Unis)1 31301 313
Personnel permanent à l'étranger 909
DGSE 1 39801 398
autres contractuelsServant dans les forces françaises et éléments civils en Allemagne, agents équipement, fonctionnaires détachés sur emploi contractuel, médecins contractuels62720647
TOTAL 13 2279289 100

Conclusion partielle :

Il est à noter que certaines directions opérationnelles font largement appel aux agents contractuels détenteurs de formations qualifiées telles que :

  • la DGSE7 qui emploie 2.489 agents titulaires civils et 1.398 agents civils contractuels ;
  • la DGA : 2.335 ingénieurs militaires et 2.426 ICT et 382 TCT.

En outre, le volume de personnels de recrutement à l'étranger (1.313 PRL) chargé du soutien courant apparaît trop important par rapport aux forces de présence à l’étranger soutenues dans les pays suivants (35%)  :

  1. Sénégal : 350 militaires
  2. Côte d'Ivoire : 950 militaires
  3. Gabon : 350 militaires
  4. Djibouti :1.450 militaires
  5. Emirats-Unis : 650 militaires

La création du corps des ouvriers de l’État8 dont le statut relève du décret du 26 février 1897 relatif à la situation du personnel civil d'exploitation des établissements militaires (texte qui a été suivi depuis 1920 et 1936 par plusieurs autres jusqu'à ce jour, notamment en ce qui concerne leur régime de pension).

La répartition de cette population par grade est présentée dans le tableau ci-dessous :

Conclusion partielle : si le recrutement a été arrêté en 2008 suite à un rapport de la Cour des comptes, il a repris dès 2014 dans 21 professions spécifiques : 536 personnes entre 2014 et 2016 et 418 en 20179. Cette décision a donné lieu au référé de la Cour des comptes du 24 octobre 2013 adressé au Premier ministre qui a précisé dans sa lettre du 24 décembre 2013 que le besoin était justifié par des besoins en personnel formé et qualifié dans certains métiers, notamment de l'aéronautique, compte tenu de la nécessité d'assurer le MCO d'aéronefs dont certains étaient vieillissants (hélicoptères).

Cependant, la réduction de la population des ouvriers de l’État pourrait être conduite dans le cadre d'une réorganisation à engager dans les centres de MCO des matériels :

  • terrestres (pas moins d'une cinquantaines de sites – environ 8.000 personnels) : 6 Régiments de l'Arme du matériel dépendant du commandement de la maintenance des forces et 3 bases de soutien du matériel dépendant du Service de la maintenance industrielle terrestre (SMITer) ;
  • aéronautiques assuré par le SIAé (environ 4.000 personnels)  : 1 direction centrale à Paris et 5 ateliers, 2 détachements et 2 annexes sur 13 sites.

L'externalisation des fonctions de soutien courant des BdD permettrait aussi de réduire cette population qui occupe des fonctions aux métiers non spécifiques : agents d'entretien de bâtiments, cuisinier, magasinier, conducteur de véhicule léger...

Conclusion

Cette présentation met en évidence que les statuts de fonctionnaires d’État et d'ouvriers de l’État ne sont pas une condition sine qua none pour assurer des missions non seulement de soutien mais aussi opérationnelles (confer la DGSE) et d'ingénieurs (confer la DGA).

Le dispositif réglementaire et réglementaire de recrutement des agents contractuels mériterait d'être simplifié.

Par conséquent, la réforme présentée par le président de la République apparaît opportune pour le ministère des armées qui doit parallèlement conduire une réduction du dispositif de soutien et l'externalisation de ses fonctions courantes.


1Employés par les ministères des armées, de l'intérieur, de l'Outre-mer, des affaires étrangères, de la mer...

2Les garanties reconnues à ces personnels non-titulaires ont été améliorées, notamment par la loi du 3 janvier 2001 sur la résorption de l’emploi précaire dans la fonction publique et la loi du 26 juillet 2005 transposant la directive européenne du 28 juin 1999 qui prévoit la transformation automatique, passés 6 ans, des CDD en CDI.

3Les sources sont les suivantes : Bilan social de la direction des ressources humaines du ministère de la Défense (DRH-MD) créé en 1986, Annuaire statistique de la défense et l'Observatoire économique de la défense rattaché à la direction des affaires financières (sous-direction des questions économiques), Chiffrees clés de la défense.

4La mise en place de budgets opérationnels de programme (BOP) de titre 2 s'est traduite dans un contexte de contrainte budgétaire et de respect des objectifs fixés dans le cadre des lois de programmation militaires (LPM) par la mise en place au sein du MdA d'une nouvelle gouvernance des effectifs et de la masse salariale qui a conduit à modifier l'architecture budgétaire des crédits du titre 2 dès le budget 2015 : l'ensemble des crédits de personnel est regroupé au sein du programme 212 « soutien de la politique de défense » placé sous la responsabilité du secrétaire général pour l'administration (SGA) et répartis, pour l'essentiel, au sein de BOP par gestionnaire de ressources humaines et non plus par employeur.

5Les effectifs du SCA proprement dits sont d'environ 4.000 personnels dont 75% de civils.

6Cela concernait à cette époque les personnels civils employés dans les organismes publics d’intérêt privé : cercles-mess et foyers du soldat.

7En 2016, sur un effectif total (hors « service action ») de 5.222 personnels, les militaires représentaient 25,1%.

8La majorité de la population des ouvriers de l’État se retrouve au sein du MdA mais aussi des ministères de l'intérieur, de la transition écologique et solidaire : mer, transports, Météo France (environ 200), direction générale de l’aviation civile (DGAC – environ 700), Institut géographique national...

9Confer l'arrêté du 15 décembre 2016 fixant le contingent d'emplois offerts au titre de l'année 2017 pour le recrutement d'ouvriers de l’État du ministère de la défense