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Tarifs des Hôpitaux : pourquoi stopper la convergence ?

« Hôpital public : une boîte noire dans laquelle il est impossible de discerner ce qui coûte et d'en justifier le pourquoi ».

En 2004, ce n'est pas le syndicat des complémentaires santé ni celui des cliniques privées qui faisait ce diagnostic, mais les membres du Haut Conseil pour l'Avenir de l'assurance-Maladie (HCAM). Et pour les coûts, être dans le flou c'est la certitude d'être très élevés. L'annonce par la ministre de la Santé, Marisol Touraine, de la remise en cause de la tarification à l'activité et de l'arrêt de la convergence des tarifs des hôpitaux et des cliniques, menace le système de santé français, à la fois sur le plan financier et sur le plan médical.

Décidé en 2007, le financement de la plus grande partie de l'activité des hôpitaux en fonction du nombre de soins réalisés (Tarification à l'activité, T2A) et non plus en fonction du budget de l'année précédente, était logique : sans être parfaite, cette méthode de financement est reconnue comme très supérieure à la précédente. Le rapport parlementaire de 2010 montrait d'ailleurs qu'une trentaine de pays avaient mis la T2A en application depuis un demi-siècle … sans provoquer de protestation significative.

En 2007, le Parlement avait aussi décidé la convergence des prix entre tous les établissements de soins pour 2012 (date malheureusement repoussée à 2018 par le précédent gouvernement). Cela semble incroyable, mais il faut rappeler que les prix facturés par les établissements de soins à l'assurance maladie variaient de 20 à 30% entre hôpitaux publics, de 20 à 30% aussi entre cliniques privées, et de 30 à 40% entre la moyenne des hôpitaux et la moyenne des cliniques (aux dépens des cliniques). L'autre poche de financement des hôpitaux, forfaitaire celle-là, se monte à 8,2 milliards d'euros par an et est presque uniquement réservée aux hôpitaux publics. Ces MIGAC couvrent les missions d'intérêt général (MIG), missions d'enseignement, de recherche, de référence et d'innovation, et les aides à la contractualisation (AC) qui se répartissent en six catégories dont l'aide nationale à l'investissement.

La réforme est en marche

En 2012, péniblement, difficilement, tout en renâclant, les hôpitaux publics ont commencé à bouger. Les directions des pires hôpitaux ont été remplacées ou enfin soutenues par leurs tutelles. Les services les plus dangereux pour les patients, ou les moins performants, ont commencé à être réformés ou fermés. Une partie non négligeable des personnels médicaux, techniques et administratifs des hôpitaux, ont admis que le désordre qui régnait dans trop de leurs établissements n'était plus tolérable. Un exemple de cette répugnance passée au changement : leur retard catastrophique en chirurgie ambulatoire par rapport aux établissements étrangers et aux cliniques françaises, qui commence enfin à se réduire. Des investissements massifs [1] dans la reconstruction et la rénovation de nombreux hôpitaux, ont contribué à les motiver. Les déficits des hôpitaux commencent même à diminuer et leur activité à augmenter. Des milliers de biens hétéroclites (châteaux, propriétés agricoles, logements, terrains, etc.) qui dormaient dans leurs stocks et ne généraient presqu'aucun revenu, mais dont la gestion occupait des personnels, ont été mis en vente.

Notre système de santé en danger

L'annonce par la ministre de la remise en cause de la T2A et de la convergence des prix, est de nature à casser le mouvement de mobilisation des personnels des hôpitaux publics, de baisse des coûts et d'amélioration de la qualité de leurs prestations. Au-delà de l'effet d'annonce, deux possibilités : 1) la convergence sera en réalité poursuivie en catimini, et le mécontentement des personnels des hôpitaux sera à la mesure de leur déception (c'est le plus probable), ou 2) la convergence sera effectivement arrêtée et l'assurance maladie obligatoire qui compte sur ces 7 milliards d'euros d'économie par an pour équilibrer son budget, fera faillite.

Dans les deux cas, les hôpitaux publics et les cliniques privées prendront du retard. Incapables de suivre l'évolution très rapide des techniques médicales, ils seront relégués en seconde division dans les classements internationaux. Seule une minorité de Français pourront se faire soigner à leurs frais, selon les techniques les plus performantes, en France ou à l'étranger.

[1] Malheureusement souvent démesurés comme à Lyon, Evry, Briançon