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RSI et indépendants : 1 réforme et beaucoup de questions

La grande réforme promise par le président de la République sur le Régime social des indépendants (RSI) est enfin là. Annoncée par Édouard Philippe à Dijon ce mardi 5 septembre, elle entend supprimer le RSI en l’adossant au régime général de Sécurité sociale, offrir des gains de pouvoir d’achat à une grande majorité des indépendants, ainsi que simplifier et améliorer la qualité des services auxquels ils ont droit. Ayant fait de cette problématique le dossier central du Société civile de juillet et août 2017, la Fondation iFRAP a regardé avec attention les promesses du gouvernement.

Quelques promesses... 

Le plan en faveur des indépendants[2] était un engagement d’Emmanuel Macron, avec la suppression du RSI et son adossement au régime général en mesure phare. Mis en place en 2006, le Régime social des indépendants (RSI) émanait d’une volonté de simplification par la fusion des régimes de retraite et d’invalidité-décès des professions artisanales (CANCAVA), des professions industrielles et commerciales (ORGANIC), ainsi que du régime maladie-maternité des non-salariés non-agricoles (CANAM). Il gère alors la couverture maladie des professionnels libéraux et des artisans commerçants, et ne gère en revanche que la retraite de ces derniers, celle des professionnels libéraux l’étant par d’autres organismes affiliés au RSI. De graves problèmes ont vite émergé, comme lorsque le RSI est devenu, en 2008, l’interlocuteur social unique des indépendants, en charge donc de toutes leurs cotisations, et dont les problèmes de gestion ont entraîné la rupture de confiance entre les indépendants et le RSI.

Après des années de réflexion sur les pistes à suivre, cette réforme a pour objectif une nouvelle organisation en vue d’améliorations rapides et visibles de la qualité de service aux assurés. Elle répond d’abord favorablement aux inquiétudes de la Fondation iFRAP à propos de son adossement au régime général - qui de manière brute aurait pu causer une hausse de près de 30% du niveau de contribution des 2,8 millions d’indépendants affiliés au RSI - en promettant la conservation de leurs propres règles en matière de cotisation et donc, leur non-alignement sur celles des salariés. Elle entend ensuite compenser la hausse de 1,7 point de la CSG en diminuant la cotisation famille de 2,15 points pour l’ensemble des travailleurs indépendants et en baissant la cotisation maladie de 5 points de manière dégressive jusqu’à un revenu annuel de 43.000 euros* (l’équivalent de trois SMIC), soit 1,5 point en moyenne. Ces deux mesures ont pour objectif de permettre des gains de pouvoir d’achat pour 75% des indépendants, évalués par le gouvernement à 270 euros par an pour un SMIC.

*En réalité 43.150,8 euros, soit 110% du PASS, le Plafond annuel de la Sécurité sociale, un référentiel permettant le calcul du montant des cotisations sociales sur le revenu, d’une valeur de 39.228 euros en 2017.

Question tout de même : quid des gains de pouvoir d’achat pour les 25% d’indépendants qui gagnent plus de 43.000 euros par an et qui donc ne jouiront d’aucune baisse des cotisations maladie ni d’une suppression des cotisations familiales, alors même que tous les salariés du privé seront eux concernés par la suppression des cotisations chômage (2,4%) et maladie (0,75%) en compensation de la hausse de la CSG ?

Il était ensuite essentiel de revenir sur les statuts d’auto-entrepreneur et de micro-entrepreneur qui ont connu un vrai succès ces dernières années en permettant une entrée plus facile sur le marché du travail indépendant. Les propositions du gouvernement vont dans le bon sens puisqu'elles proposent d’augmenter les plafonds « micro BNC/BIC » afin d’accroître la rentabilité de l’activité micro-entrepreneuriale. Aujourd’hui de 82.800 euros pour la vente de marchandises et de 33.100 euros pour une prestation de service, le gouvernement propose de rehausser ces plafonds respectivement à 170.000 euros et à 70.000 euros (dans notre étude, la Fondation iFRAP en espérait 100.000 euros et 55.000 euros a minima). Ce faisant, davantage d’indépendants auront accès à ce régime permettant une déclaration simplifiée pour le paiement des prélèvements sociaux et fiscaux de toute personne souhaitant développer une activité indépendante avec un chiffre d’affaires modeste, en y appliquant un abattement forfaitaire qui allège les obligations comptables.

La Fondation iFRAP préconise néanmoins d'aller plus loin en proposant une augmentation des abattements liés au statut de micro-entrepreneur afin d’aider directement ceux qui peinent à tirer des revenus de leur activité, en plus d’inciter à une hausse de l’activité économique des micro-entrepreneurs grâce à l’action sur les plafonds. À souligner tout de même, l’exonération de la cotisation minimum des indépendants redevables à la cotisation foncière des entreprises (CFE) pour les entreprises réalisant moins de 5.000 euros de chiffre d’affaires (un million  de travailleurs indépendants), ainsi que l’exonération totale de cotisations de sécurité sociale la première année d’activité pour les créateurs d’entreprise dont le revenu est inférieur à 30.000 euros (dégressif jusqu’à 40.000 euros) et les exonérations dégressives pendant trois ans pour les entrepreneurs.

La Fondation iFRAP tient également à privilégier l’autodéclaration des indépendants, de telle sorte à ce que les cotisations du RSI soient calculées sur l’année en cours et non plus sur l’année précédente. Cette mesure aurait l’avantage d’offrir une plus grande flexibilité à l’indépendant dont les revenus sont bien plus exposés à variations que ceux du salarié, mais aussi davantage de sécurité à une grande majorité d’indépendants dont la situation peut être évaluée comme précaire. Lier revenus et cotisations permettra de limiter l’écart entre le montant de cotisations initialement versées et le montant réellement dû afin de ne pas mettre en difficulté l’indépendant qui devrait, sinon, attendre le remboursement du trop perçu par l’État. C’est dans cette optique que le plan du gouvernement prévoit la possibilité pour l’indépendant de moduler ses acomptes de cotisation en temps réel, par le développement d’un système intelligent lui permettant d’ajuster au mois le mois (ou au trimestre) le niveau de ses acomptes de cotisations en fonction de son activité, le tout donnant lieu à une régularisation annuelle une fois le compte définitif établi. 

... et beaucoup d’interrogations

Seulement, le reste des engagements du gouvernement est loin de faire l’unanimité.

En effet, la simple suppression du RSI et son intégration au régime général viennent mettre à mal la volonté d’autonomie des indépendants. Pour faire passer la pilule, le plan prévoit de continuer à associer les élus du RSI (régime gouverné jusqu’alors à la fois par l’État et par des travailleurs indépendants élus par leurs pairs) aux évolutions de leur protection sociale afin d’apprécier la qualité du service rendu aux indépendants, de piloter leur régime de retraite complémentaire, etc. Ils seront un rouage essentiel de l’intégration des indépendants au sein du régime général et un œil attentif sur les marges de manœuvre futures qui leur seront laissées, afin d’éviter qu’ils ne souffrent à terme d’une hausse de leurs cotisations.

Avant tout, s’il est symbolique de supprimer le RSI tel qu’on le connaît aujourd’hui, la Fondation s’interroge sur la mise en place technique de son adossement au régime général et les économies de gestion que l’on pourrait en attendre. Aux 5.500 salariés du RSI, le gouvernement assure en effet que dans le second temps de la réforme – celui de leur intégration au régime général – « tous les emplois seront préservés » et qu’il « n’y aura pas de mobilité géographique obligatoire ». Il est évident qu’il faudra compter sur leur expertise au cours de la phase transitoire de la réforme, pendant laquelle les caisses nationales du régime général (CNAMTS, CNAV, ACOSS) seront chargées de piloter l’évolution progressive mais rapide des organisations de travail entre les CPAM, la CARSAT et l’URSSAF - qui reprennent en gestion les différentes missions du RSI – et « un transfert sécurisé et respectueux de la gouvernance, des personnels et des relations sociales au sein du RSI » (en négociant notamment les conditions d’intégration des personnels du RSI au sein du régime général). Avec une qualité de prise en charge inférieure à celle du régime général et de la MSA en termes d’accueil physique (temps de prise en charge) ou téléphonique (proportion d’appels décrochés) d’après le rapport sur « le fonctionnement du RSI dans son fonctionnement avec les usagers » des députés Bulteau et Verdier[3], il fallait nécessairement revoir l’organisation du régime. Mais cela signifie-t-il supprimer le RSI et l’adosser au régime général, le tout pour maintenir la gouvernance par les pairs, tous les effectifs et leurs missions ? Pour une vraie sortie de crise (de gestion) et pour réaliser des économies, la Fondation iFRAP estime qu’il n’est pas vital de supprimer le RSI en lui-même, mais plutôt de développer les partenariats et la mutualisation des moyens et informations entre régimes, de la manière suivante :

  • Mutualisation des lieux : réunir les activités de plusieurs organismes dans un même endroit. Exemple : le regroupement de la MSA, du RSI et de la CARSAT dans les locaux de la MSA à Bourg-en-Bresse ;
  • Mutualisation des compétences : organiser un service commun à plusieurs organismes de gestion, grâce notamment à des conventions de coopération. Exemple : accueil commun avec les URSSAF dans plusieurs régions ;
  • Mutualisation des métiers et actions communes : composer des groupements communs réunissant les acteurs de différents organismes. Exemple : la mutualisation en région Rhône des régimes du RSI, de la MSA et de la CARSAT  pour créer le groupement Atouts-Prévention qui maximise la couverture du territoire pour la prévention du vieillissement, avec des mailings et programmes communs ainsi qu’un budget mutualisé, réduisant le nombre de structures de 20 à 5 dans cette seule région – et ce avant la loi NOTRe.

Mais surtout, le vrai problème de cette réforme réside dans le fait qu’elle ne corrige pas l’écart incroyable de fiscalité pesant sur les indépendants qui existe entre la France et d’autres pays européens aux structures économiques comparables, et qui mine la compétitivité des travailleurs indépendants français. Avant la réforme en effet, le taux total pour l’ensemble des cotisations pour un artisan/commerçant au revenu de 39.228 euros (1 PASS) s’élevait à 43,65%. Progressivement, avec la hausse de la CSG et les baisses de cotisations familiales et maladie, il devrait atteindre 42,7% d’ici le 1er janvier 2019 (en retranchant la moyenne d’1,5 point au taux de 6,5% de cotisations maladie), un bien maigre effort. La concernant, la réforme proposée par la Fondation iFRAP envisage de réduire le taux normal de cotisation à 37,3% et le taux réduit à 36,2% corrigés de la hausse de la CSG d’1,7 point, en supprimant les cotisations minimales et en formalisant un dispositif d’exonérations. Cela aura l'avantage d'offrir un plus grand choix en matière d’assurance contre les risques avec une division claire entre assurances publiques et privées, afin d’introduire une dose de concurrence et de réduire les coûts de la protection sociale (à retrouver dans le tableau suivant). L’état actuel de nos finances publiques et du déficit de la Sécurité sociale ne permettraient pas de faire de plus gros efforts encore, et pourtant même avec ces taux le coût pour l’affilié français resterait bien plus élevé que celui de ses voisins européens (voir tableau comparatif).

Comparatif des pays

Note : le coût pour l’affilié français passe de « 43,65% » à « 42,7% », il s’agit du taux relatif à la réforme à venir.


[2] http://www.gouvernement.fr/programme-du-gouvernement-en-faveur-des-travailleurs-independants

[3] Rapport à Monsieur le premier Ministre sur le fonctionnement du RSI dans son fonctionnement avec les usagers,  Sylviane Bulteau, Fabrice Verdier, 2015 ; http://www.gouvernement.fr/partage/5357-rapport-de-la-mission-parlementaire-sur-le-regime-social-des-independants-rsi