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RSA, non finançable et explosif pour les départements

La situation que traversent les départements sur le financement du RSA est très grave. Et le problème va beaucoup plus loin qu’une simple « guéguerre » de financement entre l’État et les départements. Le RSA (et les minima sociaux avec) est tout simplement devenu non finançable dans sa forme actuelle. Nos gouvernements successifs ont créé des aides sociales (RSA, APA, AAH…)  qui ne sont pas finançables, que ce soit par l’État ou par les départements. Les concepteurs (Les gouvernements Sarkozy et Ayrault) de ces fameux grands plans successifs contre la pauvreté qui ont augmenté mécaniquement le RSA, n’ont rien prévu pour leur financement. À aucun moment non plus, ils n’ont anticipé l’explosion du nombre d’allocataires. En 5 ans, le nombre d’allocataires a augmenté, lui, de 44% passant de 1,6 million en 2009 à 2,1 millions en métropole. Tandis que depuis 2001, le montant du RSA a augmenté de 28 %. Et son coût budgétaire ces dernières années est passé de 6,5 milliards d’euros en 2009 à 9,3 milliards en 2014 (hors dépenses de personnels et coûts d’allocation, sinon le montant grimpe à 9,7 milliards). 

En 2014, les dépenses de RSA se sont élevées à 9,7 milliards d'euros. Ces dépenses ont été compensées par l'État à hauteur de 6,4 milliards d'euros, soit un reste à charge de 3,3 milliards d'euros pour les départements. En 2015, le reste à charge devrait atteindre 4 milliards d'euros. Même si tous nos départements faisaient l’effort de réduire leurs dépenses de fonctionnement en s’alignant sur les mieux gérés, les 3 milliards d’économies dégagés n’y suffiraient pas…

Les problèmes de financement du RSA sont connus, pourtant, en septembre 2015, le RSA a été augmenté de 2%, passant de 513,88 à 524,16 € pour un célibataire sans revenus, augmentant donc de 10,28 €/mois. Pour un couple sans enfant et sans ressource le montant sera de 786,24€, soit 15,42€ de plus mensuellement. Au premier janvier 2015, cette allocation a également été augmentée de 0,9% pour être alignée sur l'inflation. Ces augmentations sont appliquées conformément au Plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté de 2013, et suite aux doubles augmentations des années 2013, 2014, et 2015 le montant du RSA socle aura donc progressé de 49,23 euros, soit  +10,4%.

Ces revalorisations successives sont annoncées par le ministère des Affaires sociales dans le cadre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté lancé en janvier 2013 qui avait décidé d'augmenter ce revenu minimum pour personnes sans ressource de 10% sur cinq ans, en plus de l'inflation. Tout cela est décidé à chaque fois par décret. De surcroît, depuis la loi de 2010, les jeunes entre 18 et 25 ans qui ont travaillé au moins deux ans dans les trois dernières années sont désormais intégrés au dispositif, ce qui contribue à accroître « par le bas » les effectifs des bénéficiaires de plein droit.

4 départements de la grande couronne en Ile-de-France, Yvelines, Seine-et-Marne, Essonne et Val-d’Oise retiennent l’attention car ils annoncent de fortes hausses de la fiscalité locale pour financer le RSA.

  • En Seine-et-Marne, le taux de la part départementale de la taxe foncière passera de 15,70 à 18%. Soit en moyenne une hausse de 50 euros par contribuable assujetti dans ce département.
  • Dans les Yvelines, le taux de la part départementale de la taxe foncière passera de 7,58 à 12,58%. Soit en moyenne une hausse de 125 euros par contribuable assujetti dans ce département.
  • Dans l'Essonne, le taux de la part départementale de la taxe foncière passera de 12,69 à 16,37%. Soit en moyenne une hausse de 90 euros par contribuable assujetti dans ce département.
  • Dans le Val-d'Oise, le taux de la part départementale de la taxe foncière passera de 13,25 à 17,18%. Soit en moyenne une hausse de 75 euros par contribuable assujetti dans ce département.

En Ile-de-France, le nombre d’allocataires du RSA a augmenté depuis 2009 de plus de 26%, passant de 320 273 à 412 033. Rien qu’entre 2013 et 2014, cette augmentation dans la région est de plus de +6%. Mais certains départements voient le nombre d’allocataires augmenter encore plus sur un an: +9,5% en Essonne, + 8,2% en Seine-et-Marne, + 7,9 dans le Val-d’Oise…

Les 4 départements en question ne sont pas forcément les moins bien gérés. En Ile-de-France, ils sont même en dessous les montants de dépenses par habitant par rapport aux Hauts-de-Seine, à la Seine-Saint-Denis et au Val-de-Marne. Les dépenses totales par habitant sont par exemple de 803 euros dans les Yvelines quand elles sont de 1 299 euros en Seine-Saint-Denis… Par ailleurs, ces 4 départements reçoivent moins de péréquation et de Dotation globale de fonctionnement (DGF) que le 93 et le 94… En Seine-Saint-Denis, la péréquation entre collectivités est de plus de 93 millions d’euros par an et la DGF de 280. Quand la DGF est de 158 en Essonne et la péréquation de 26 millions.

Quand on regarde les montants de taxe foncière perçus par habitant, c’est aussi édifiant. La strate est à 188 euros par habitant. Les Yvelines ont le montant de taxe foncière le plus faible par habitant avec 132 euros. Le Val-d’Oise est à 178 euros. Quand l’Essonne est à 195 et la Seine-et-Marne à 198 euros. Mais ce n’est encore rien par rapport aux départements de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne qui explosent tous les scores avec respectivement 230 et 207 euros par habitant.

Certes, ces départements pourraient réaliser des économies sur le fonctionnement courant s’ils s’alignaient sur le département le moins dépensier de la strate des départements de plus d’un million d’habitants, en l’occurrence, les Yvelines. L’Essonne pourrait économiser ainsi 220 millions par an sur ses dépenses de fonctionnement, le Val-d’Oise 129 millions ou la Seine-et-Marne 179 millions. Là encore, rien à côté de ce que pourraient économiser les Hauts-de-Seine : 361 millions, le Val-de-Marne : 399 millions et la Seine-Saint-Denis : 770 millions. En matière de dépenses de personnel, l’Essonne et la Seine-et-Marne pourraient économiser environ 50 millions d’euros par an.

On sait d’ailleurs par exemple que le temps de travail des agents de Seine-et-Marne est largement inférieur aux 35 heures annualisées (1550 heures au lieu des 1607 heures) et que l’absentéisme y est important (26 jours par an et par agent). Mais c’est toujours moins grave qu’en Seine-Saint-Denis où le temps de travail est encore inférieur et l’absentéisme de plus de 29 jours par an et par agent… Et les économies potentielles sur les dépenses de personnel de 180 millions d’euros par an (comme dans le Val-de-Marne).

Que nous disent tous ces chiffres ?

  1. Que les départements les moins bien gérés sont aussi ceux qui ont les dotations globales de fonctionnement les plus importantes et la péréquation la plus importante tout en ayant aussi les taux de taxe foncière les plus élevés ;
  2. Que les gouvernements qui ont décidé de grands plans pauvreté n’ont prévu en face aucun financement suffisamment dynamique pour absorber les surcoûts, ni aucun mécanisme obligeant à la bonne gestion et permettant aux collectivités de dégager les marges de manœuvre nécessaires ;
  3. Que le RSA tel qu’il est calibré avec l’explosion du chômage n’est pas finançable et qu’il faudrait en réalité en baisser son montant nominal mensuel afin de le rendre soutenable, que son financeur soit l’État ou le département. Ce qui est compliqué dans la mesure où il s’analyse à une dépense de guichet dont les bénéficiaires sont de droit (il s’agit d’ailleurs d’une dépense obligatoire des départements), et dont le nombre est relativement imprévisible ;
  4. Que la logique voudrait que l’on revienne sur ce sujet des minima sociaux (les départements financent aussi l’aide sociale à l’enfance, le grand âge et le handicap) avec une vraie logique de décentralisation, plus que de subsidiarité, ce qui supposerait une décentralisation des taux pour une réelle cohérence de financement sur l’ensemble du territoire ;
  5. Qu’il faudrait avant tout récompenser les bons gestionnaires qui taxent moins et dépensent moins en frais de fonctionnement et en dépenses de personnel plutôt que les mauvais qui taxent lourdement et dépensent sans compter (on fait l’inverse aujourd’hui), ce qui devrait aboutir à une limitation de la logique de péréquation (péréquation dégressive) ;
  6. Que la logique du gouvernement qui est sous-jacente est relativement cynique et consiste à dire que les départements qui ont des difficultés pour financer le RSA et ne sont pas au taquet de la pression fiscale n’ont qu’à augmenter la pression fiscale sur les ménages qui sont propriétaires pour le financer.

Les habitants qui ont choisi en s’installant dans le Val-d’Oise ou dans les Yvelines d’avoir une fiscalité locale plutôt faible sont donc piégés tout comme le sont les gestionnaires locaux, prisonniers d’une dépense obligatoire dont ils ne votent pas la revalorisation (décision de l’exécutif national) et dont ils ne connaissent pas précisément le nombre de bénéficiaires.

Il n’y a plus que 2 solutions possibles :

  1. Soit donner de l’autonomie et permettre aux départements de décider du montant du RSA local qu’ils peuvent financer et arrêter tout de suite cette logique d’augmentation discrétionnaire centralisée par décret qui ouvre la porte aux démarches les plus électoralistes ;
  2. Soit sortir du département la gestion des aides sociales, les regrouper, les plafonner, les financer intégralement par l’État avec le vote au Parlement d’une enveloppe fermée pluriannuelle maximum pour les minima sociaux à répartir entre les bénéficiaires. Et ceci dans une logique de frein à l’endettement.

Les économies possibles par département :

En millions d’euros

Dépenses de fonctionnement

Dont dépenses de personnel

Seine et Marne

179

59

Essonne

226

51

Hauts-de-Seine

361

101

Seine-Saint-Denis

770

180

Val de Marne

399

188

Val d’Oise

129

15

Les chiffres du RSA

Coût du RSA par département :Taux (total moyen) de taxe foncière sur le bâti: Dépenses sociales des départements en 2014 :

77 Seine-et -Marne : 132 millions

78 Yvelines : 100 millions

91 Essonne : 117 millions

92 Hauts-de-Seine : 144 millions

93 Seine-Saint-Denis : 388 millions

94 Val-de-Marne : 192 millions

95 Val-d’Oise 150 millions

Seine-Saint-Denis : 21,16%

Val-de-Marne : 19,71%

Seine-et-Marne : 17,99%

Essonne : 14,65%

Hauts-de-Seine : 14,62%

Val-d’Oise : 13,87%

Yvelines : 11,98%

9,3 milliards d’euros pour le RSA (+7,6%)

7 milliards pour l’aide sociale à l’enfance (+1,4%)

6,8 milliards pour le soutien aux personnes handicapés (+4,1%)

6,7 milliards pour le soutien aux personnes âgées (+1,8%)

5,1 milliards pour les autres dépenses d’intervention et le personnel (+6%)

Tableau nombre d’allocataires du RSA par département d’Ile de France :