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Relancer l'emploi : réalisme versus idéologie

Affronter les blocages structurels et aider les entrepreneurs

Personne ne niera que le problème principal de la France, comme celui des autres pays développés, est celui de l'emploi. L'iFRAP a montré que ce qui distingue la France est autant le petit nombre d'entreprises créées que leur nanisme au moment de leur création et pendant leur vie. Les causes sont faciles à trouver, mais la majorité des Français refusent de l'admettre, et ce n'est pas la campagne électorale qui aide à changer les mentalités.

**Particularités françaises

La singularité de la France repose sur un cumul extraordinaire de caractéristiques. La France est le pays où :

  • l'addition des charges pesant sur les entreprises est une des plus élevées, sinon la plus élevée, du monde : des impôts sur la production nombreux et inconnus ailleurs (taxe sur les salaires, CET etc.), un impôt sur les sociétés très élevé par comparaison, et enfin des charges sociales, particulièrement patronales, les plus élevées du monde, sans que les Français admettent qu'elles sont toutes, y compris les patronales, un élément de leur salaire. Le résultat est que les marges des entreprises françaises sont en moyenne les plus basses d'Europe, ce qui évidemment ne les prédispose pas à investir et employer. Au lieu de le reconnaître, on entend fustiger les prétendus "cadeaux" faits aux entreprises.
  • le salaire minimum horaire est le plus élevé du monde, et aussi le plus rigide, étant universel et indexé automatiquement
  • la rigidité de l'emploi est la plus forte, qu'il s'agisse des conditions d'embauche comme de l'impossibilité d'adapter le volume de l'emploi à la conjoncture ou l'activité de l'entreprise du fait de l'interdiction quasi absolue des licenciements et l'obligation d'assurer à leurs frais la reconversion des salariés à l'intérieur de l'entreprise et dans des domaines où ils ne sont pas compétents
  • un temps de travail parmi les plus faibles sur l'année
  • la complexité et le coût des obligations envers les employés, croissant avec l'importance du personnel (problème des seuils sociaux) sont exorbitants et particulièrement pénalisants
  • la taxation du patrimoine est la plus élevée du monde (grâce notamment à l'ISF)
  • la condamnation du capitalisme est le fait de la plus grande proportion de la population.

Et voici maintenant que l'on nous promet un taux marginal de l'IR, portant uniformément sur tous les revenus, environ 20 points plus élevé que dans le reste du monde.

Et l'on se demandait pourquoi notre fille est muette, en l'occurrence pourquoi les entrepreneurs sont réticents à embaucher, pourquoi les entreprises françaises naissent et restent naines ?

Il suffit d'interroger les entrepreneurs. Mais bien entendu nos édiles savent bien mieux qu'eux ce qui leur conviendrait pour redevenir dynamiques et prendre des risques. On écoute donc distraitement les entrepreneurs pour finir par leur dire qu'ils n'ont rien compris.

**Blocages structurels

En réalité, il se produit en France bien plus qu'ailleurs un phénomène d'inversion qui veut qu'on attribue les difficultés du pays au système capitaliste au lieu d'en rendre responsables les blocages introduits dans ce système et qui l'empêchent de fonctionner. Ce phénomène est évidemment augmenté par la crise débutée en 2008, et qui est incontestablement une véritable crise du capitalisme intervenue aux États-Unis, mais dont le monde financier français n'est pas responsable, et dont le prolongement actuel est une crise de la dette souveraine que la destruction du capitalisme n'aiderait pas à résoudre.

Au cours de la campagne présidentielle précédente, Olivier Besancenot, dont l'audience n'était pas seulement marginale, reconnaissait que s'il fallait des entreprises pour créer des emplois, leur taille ne devrait pas dépasser une dizaine de salariés car au-delà elles devenaient capitalistes ! Eh bien, le nanisme des entreprises françaises montre que les vœux du facteur sont en passe d'être exaucés. Non pas par la révolution, mais par tous les blocages introduits dans le système. Il suffit de laisser ces blocages agir et la France dévalera un peu plus la pente…

Mais ce débat n'est pas abordé de front, et les principes économiques généralement reconnus sont complètement ignorés ou niés par idéologie, et deviennent des tabous qu'aucun candidat n'ose affronter. Ainsi de la loi de Laffer (« trop d'impôt tue l'impôt »), dont la pertinence a pourtant été prouvée par l'expérience, est totalement passée sous silence, notamment par un candidat qui ne craint pas d'afficher des propositions de taxation qui dépassent 100% si l'on tient compte des diverses impositions qui s'ajoutent les unes aux autres.

L'imposition fait fuir les élites ? Argument risible ! Au choix comme contre-argument : 1. Les élites sont déjà parties et ne reviendront pas, aussi longtemps que l'on n'aura pas mis au pas les paradis fiscaux qui encerclent la France 2. Les élites, c'est le peuple qui travaille et pas ceux qui l'exploitent 3. Ce sont de mauvais Français et bon débarras, il faut leur retirer la nationalité française…

Ainsi encore du principe de Schumpeter (la destruction créatrice des entreprises), qui a pour conséquence que les entreprises doivent s'adapter continuellement et meurent dans un processus normal, et que, pour favoriser l'emploi, ce sont les embauches qu'il faut faciliter et non interdire des licenciements inéluctables. Que faire par exemple contre l'épuisement des ressources naturelles et les progrès techniques ? L'expérience actuelle montre bien que, alors que l'on ne parvient pas à juguler ces licenciements, on bloque les embauches en faisant en sorte que les entreprises les limitent le plus possible.

**Discuter des vrais sujets pour relancer l'emploi

[*C'est l'addition impressionnante des blocages qui est nuisible.*] La France est encore trop riche pour être consciente de l'enchaînement des causes et des effets, d'autant que ceux qui veulent la mort du capitalisme se réjouissent de ses crises qu'ils croient annonciatrices de sa fin. Par peur du politiquement incorrect, les candidats combattent à fleurets mouchetés, ou pas du tout, sur l'essentiel des problèmes qui se posent au pays. Les Français viennent d'exprimer dans un sondage leur lassitude devant une campagne où ne sont pas abordés de façon concrète les thèmes qui les concernent : pouvoir d'achat, emploi et logement au premier chef. Il reste quelques semaines, ne les gâchons pas et discutons devant tous les Français, et non seulement dans le cadre de cénacles restreints, des conditions qui peuvent permettre de mettre les Français au travail et de développer les entreprises. Et osons aussi aborder de quoi sera faite demain l'austérité, dont les Français ont intégré le caractère inéluctable et sur laquelle ils se désolent de ne rien entendre.