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Rapport compétitivité OCDE : les mesures envisageables

L'OCDE vient de publier son énième rapport sur les perspectives de chaque pays et les recommandations à leur adresser. Aujourd'hui, le sujet était explicitement la compétitivité. Le rapport est lancinant en ce sens qu'il n'y a rien de particulièrement nouveau sous le soleil, ce qui n'explique ni n'excuse que le chef de l'État ait demandé plusieurs fois le report de sa diffusion. Mais il n'est pas particulièrement accablant, si ce n'est par l'ampleur de la tâche à accomplir, car il s'agit de remédier à un état de choses ancien, dont François Hollande n'est pas responsable. Il devrait être d'autant plus facile de justifier la nécessité des réformes par les dangers particuliers nés de la conjoncture actuelle, ce d'autant, comme nous allons le montrer, que nombre de ces réformes ne sont pas politiquement si incorrectes, même pour un gouvernement de gauche – pour peu bien entendu qu'on y mette de la pédagogie et que l'on fasse preuve de clarté et de fermeté.

Après un premier chapitre consacré à des statistiques portant sur le manque de compétitivité de la France, l'étude , longue de 87 pages, développe successivement six sujets d'intervention : « renforcer la recherche et stimuler l'innovation », « renforcer la concurrence et le cadre réglementaire », « rendre le secteur public plus efficace », « réformer la fiscalité pour renforcer l'emploi et l'investissement », « réformer le marché du travail », et « améliorer » « la performance du système éducatif », « la formation professionnelle » et enfin « la performance du marché du logement ». Le tableau est évidemment considérable, et la tâche immense. Il n'empêche que beaucoup de choses sont faisables, et que les Français, à défaut de l'ensemble de la classe politique, peuvent être convaincus de leur justesse. Voici quelques exemples de ce qu'il pourrait en être.

L'emploi des jeunes : une question de réduction des inégalités.

L'emploi, et surtout celui des jeunes, constitue une évidente priorité, soulignée plusieurs fois par le gouvernement. Deux facteurs essentiels font l'objet de l'étude de l'OCDE : le coût du travail et l'insuffisance du système éducatif et professionnel. Dans les deux cas, ce sont surtout des inégalités qu'il s'agit de réduire. Un thème comme celui de la réduction des inégalités devrait donc être porteur pour un gouvernement de gauche, à condition d'en poser clairement les données.

Concernant le coût du travail, comme l'a déjà rappelé l'OCDE dans une étude de 2006, la France a fait le choix d'un Smic élevé et uniforme [1]. Pour en atténuer les inconvénients sur l'emploi, de forts allègements, uniformes eux aussi, de charges sociales ont été accordés, alors qu'il aurait été possible de créer un Smic jeunes comme l'ont fait la plupart des pays. En s'y refusant, le résultat pénalisait immédiatement l'emploi des jeunes, qui se trouvent en concurrence avec des adultes expérimentés. Il n'y a pas d'autre solution que de différencier le coût du travail des jeunes de celui des adultes. Certes on a vu sous tous les gouvernements combien le sujet des emplois jeunes est sensible. Aussi n'est-il pas concevable dans les circonstances actuelles de revenir sur le Smic jeunes. Mais créer un « zéro charges », mesure qui a été tentée avec grand succès il y a peu, qui serait réservée aux jeunes jusqu'à un certain salaire, aurait le même effet bénéfique sur l'emploi. On a bien créé des emplois jeunes, remplacés par des « nouveaux-services-emplois jeunes », mais ces mesures étaient ou sont encore plus ou moins réservées au secteur public, ou supposent des CDD de 60 mois ou des CDI ! C'est totalement dissuasif pour les employeurs. Une nouvelle fois, on veut courir plusieurs lièvres à la fois : aider l'emploi des jeunes est incompatible avec l'objectif de lutter en même temps contre les emplois précaires.

Concernant le système éducatif, voici ce que note l'OCDE : « L'étude PISA montre, au-delà d'une performance équivalente à la moyenne des pays de l'OCDE, un système éducatif de plus en plus dichotomique. L'impact de l'origine sociale des parents sur les performances en mathématiques de leurs enfants a significativement augmenté entre 2003 et 2006, et est resté depuis lors, l'un des plus élevé des pays de l'OCDE. Les bons élèves représentent environ un tiers de ceux âgés de 15 ans, contre 28% en moyenne dans les pays de l'OCDE. D'un autre côté, il y a un nombre croissant d'élèves en difficulté. 150.000 jeunes sortent chaque année de l'école sans diplôme (dont 40.000 sortent même « sans qualification ») et donc en situation d'extrême précarité sur le marché du travail. Aujourd'hui, 16,6% des jeunes de 20 à 24 ans n'ont aucun diplôme. Ils sont 21% parmi les enfants d'ouvriers et d'employés et seulement 8% parmi les enfants de cadres et d'enseignants. »

Cet impact de l'origine sociale est quand même un beau sujet, et un des préférés par la gauche. Or tout démontre que c'est dans les premières années que tout se joue pour les enfants. Cela passe par l'enseignement des savoirs de base et par la diminution de l'importance de l'enseignement général (admettons qu'il y a là une révolution à faire chez les enseignants…). De même pour la nécessité de resserrer les liens entre l'enseignement et l'entreprise, et l'abandon du mot d'ordre bien connu de « toute une classe d'âge au bac ». Les gouvernements sont beaucoup trop velléitaires sur ces priorités, qui ont la chance de ne pas trop solliciter les finances publiques, et le ministre de l'Éducation nationale ferait mieux de s'y atteler, plutôt que de s'enfermer dans des réorganisations de rythme scolaire qui sont coûteuses pour les collectivités et source de sempiternelles tensions sociales. Et enfin le problème est le même pour la formation professionnelle, dont l'OCDE indique qu'elle profite elle aussi beaucoup plus aux adultes et aux « insiders » qu'aux jeunes.

Notons que ces réformes sont les seules qui puissent permettre de diminuer à terme le recours aux emplois aidés dans le secteur non marchand, qui sont une particularité et une aberration bien françaises. Encore une fois on ne pourra pas tout faire, mais où est la priorité ?

Réformer le marché du travail.

Confessons que la simplification du Code du travail est une tâche herculéenne, surtout pour un gouvernement de gauche. Mais de nombreuses simplifications administratives et légales sont possibles, comme la Fondation iFRAP a plusieurs fois eu l'occasion de le détailler.

L'une d'elles serait très efficace, et assez simple pour favoriser l'emploi dans les TPE/PME, à savoir la réduction drastique des exigences relatives aux seuils sociaux, particulièrement au seuil de 50 salariés.

[*Assurance chômage, RSA et prime pour l'emploi*] sont des sujets certes compliqués et risqués. Mais le travail est préparé, et il est désastreux pour sa crédibilité que le gouvernement ait enterré le rapport Sirugue en prenant soudain conscience des difficultés de l'exercice.

Nettement plus difficile, la [*réforme fiscale*] n'en est pas moins indispensable aux entreprises pour qu'elles puissent retrouver leurs marges de manœuvre. Commencer par pérenniser le CICE en en faisant ce qu'il aurait toujours dû être, une diminution inconditionnelle de charges sociales. Ne pas se leurrer, une réduction de la fiscalité des entreprises ne pourra pas intervenir sans une réduction de la générosité de notre modèle social. De nombreuses pistes existent, qui ne signifient pas la mise à bas de ce modèle. C'est affaire de pédagogie, et il faut surtout commencer par ne pas augmenter les dépenses de ce modèle comme cela se fait constamment depuis longtemps. Il est impératif d'ouvrir les assises de la fiscalité sans a priori ni exigences de départ qui en ruineraient l'efficacité.

Voici donc quelques pistes, déjà importantes en soi, et qui ne devraient pas être réellement conflictuelles. L'OCDE pointe aussi l'élargissement de la concurrence, la politique du logement. Le premier est conflictuel, la seconde engagée, mais malheureusement bien mal semble-t-il, mais qu'y faire pour le moment ?

Commençons là où c'est possible. Ce n'était pas une bonne idée de faire différer la publication du rapport, plutôt un signe d'arrêt du changement. Les réformes acquises sont loin d'être suffisantes, il faut donner l'espoir d'aller continuellement vers leur amélioration.

[1] On en arrive à un remarquable paradoxe : l'écart entre salaire minimum et salaire médian est semble-t-il en France le plus faible du monde (65% et il n'est pas en voie de diminuer). Et c'est précisément cette égalité des salaires qui provoque la plus grande inégalité qui soit, qui sépare ceux qui travaillent (les « insiders ») de ceux qui sont privés d'emploi (les « outsiders »).