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Proposition : la désindexation des prestations sociales

En France, les dépenses de protection sociale augmentent plus vite que le PIB (environ 34% de la richesse nationale). Les économies à réaliser sur les dépenses de l'Etat et des collectivités locales sont souvent évoquées mais rarement les économies sur les dépenses sociales. La proposition de la Fondation iFRAP est claire : geler en valeur le montant des prestations sociales au niveau de chaque bénéficiaire. Cela passe par la désindexation de ces aides. La désindexation constitue un levier puissant afin de réaliser des économies sur les dépenses publiques et, plus significativement, sur les dépenses de transfert sans pour autant remettre en cause l'architecture de ces dépenses [1]. Cette réflexion est tout particulièrement pertinente sur le champ des prestations sociales et des minima sociaux, qu'il s'agisse de dépenses de transferts de l'Etat (dépenses discrétionnaires ou de guichet) ou des dépenses assumées par les départements ou les organismes de Sécurité sociale. La Fondation iFRAP a chiffré que l'économie potentielle générée par une désindexation choisie de certaines prestations sociales (allocations et minima sociaux) pourrait atteindre 2 à 2,5 milliards d'euros par an, permettant sur cinq ans de réaliser des économies de l'ordre de 10 à 11 milliards d'euros.

Afin de mettre en lumière un ordre de grandeur des effets d'une désindexation menée sur cinq ans, nous avons retenu un certain nombre de prestations sociales et de minima parmi les plus significatifs. Nous avons écarté volontairement la question de la maîtrise des retraites que nous avons déjà traitée par ailleurs [2]. Pour la plupart des dispositifs isolés, le gouvernement a déjà eu recours à la discrète technique du décalage d'indexation. Il s'agit de prolonger la démarche en assumant pleinement le gel des montants individuels de prestations/minima indexés sans pour autant réfléchir à une modification des barèmes des ayants droit ou bénéficiaires, ce qui conduit à laisser libres les effectifs sous gestion (et ne correspond donc pas à un gel en valeur des dispositifs, ce qui supposerait des mécanismes correctifs plus poussés et nécessiterait pour le coup de véritables mesures de structure).

Nous avons choisi de retenir le bouquet de prestations et de minima suivant :

Bouquet Prestations sociales
  • Les prestations familiales
  • Les aides au logement
  • Les indemnités journalières sur leurs volets arrêts maladie et accidents du travail/maladies professionnelles (dans le secteur privé et le secteur public)
  • L'allocation de rentrée scolaire
  • L'APA (allocation personnalisée d'autonomie)
Bouquet minima sociaux
  • Revenu de solidarité active (socle)
  • AAH (allocation adulte handicapé)
  • La PCH/ACTP (prestation compensatrice du handicap) et l'allocation compensatrice de tierce personne
  • Nous avons également choisi d'y joindre une prestation discrétionnaire, la Prime de Noël.

Les résultats obtenus sont les suivants :

Par ailleurs en se plaçant dans un référentiel à inflation et croissance fixe sur la période, les économies attendues sur cinq ans seraient les suivantes [3] :

On vérifie qu'à l'horizon de cinq ans (limite sans doute maximale pour tout gel des prestations sociales et de certains minima sociaux), il serait possible de dégager environ 10,4 milliards d'économies et même 11,4 milliards si on supprime pour cette même période la prime discrétionnaire de Noël. Pour parvenir à ce résultat, il faut s'intéresser aux dispositifs isolés pris séparément (les effets de composition entre les différents dispositifs n'ont pas été pris en compte).

Prestations familiales et Allocations logement :

Ces dispositifs ont subi de nombreuses modifications quant à leur revalorisation. Par exemple la LFR 4 Fillon de décembre 2011 a commencé par modifier la règle d'indexation des prestations sociales (hors pensions de retraites et minima sociaux) pour les revaloriser de 1% et non plus sur l'inflation (IPC hors tabac). La revalorisation des prestations familiales sera ensuite décalée du 1er janvier au 1er avril par l'article 58 de la LFSS 2012, tandis que les prestations familiales et les aides au logement seront réindexées sur l'inflation à partir du PLF 2013 et leur date de revalorisation décalée par contre au 1er octobre (PLF 2014). La désindexation complète en année pleine des prestations familiales permettrait d'économiser environ 560 millions d'euros tandis que la désindexation des aides au logement (APL, ALS et ALF) représenterait en année pleine 263 millions d'euros d'économies dont 140 millions d'euros sur les APL, 54,5 millions d'euros sur les ALS et 69 millions d'euros sur la composante ALF.

Indemnités journalières :

Les derniers chiffres connus datent de 2011. La croissance moyenne de la dépense d'indemnité journalière est de 3,4% en moyenne annuelle [4], dont 2,2 points sont liés à la croissance générale des salaires. Nous évaluons l'impact effectif du SMIC à 0,12 point. En conséquence, les effets sur les indemnités journalières du privé d'une désindexation par rapport au SMIC serait de l'ordre de 184 millions d'euros et de 26,4 millions pour le secteur public. Il s'agit d'une évaluation basse. Le total de la non revalorisation des IJ par rapport au SMIC serait au total de 210,4 millions d'euros en année pleine. Par ailleurs nous n'avons pas réfléchi à une désindexation des IJ pour congés maternité, qui ne sont d'ailleurs pas compris dans l'objectif actuel de l'ONDAM (objectif national des dépenses d'assurance maladie), et qui représentent une dépense de 3 milliards d'euros.

L'allocation de rentrée scolaire :

L'allocation de rentrée scolaire est un dispositif qui s'est révélé particulièrement dynamique ces dernières années. Entre 2011 et 2014 son évolution a été de +25,8% passant de 1,49 milliard d'euros en 2011 à 1,9 milliard en 2014. La raison est à chercher dans une revalorisation unilatérale opérée en 2012 de +25%. Nous avons proposé deux techniques alternatives de désindexation. Soit ne pas indexer pour 2015, ce qui devrait représenter une économie d'environ 25 millions d'euros, soit désindexer et revenir à un niveau de progression spontané par rapport à 2011 (sans bonification). Le gain serait alors de 369 millions d'euros, le gel des montants alloués s'effectuant à 1,54 milliard d'euros.

L'APA (allocation personnalisée d'autonomie) :

L'allocation personnalisée d'autonomie est une prestation sociale qui ne dépend pas du niveau de ressources (elle est universelle) mais modulée en fonction d'un reste à charge. Son montant est considérable puisqu'il représente dans l'ensemble de ses composantes (hors DOM) environ 5,26 milliards d'euros en 2012 [5]. L'APA se divise en trois composantes : une composante dotation pour les établissements accueillant les personnes âgés, l'APA versée directement à ces dernières en établissement, et celle versée aux personnes restant à domicile. Le Gouvernement a annoncé dans le cadre d'un prochain projet de loi relatif à « l'adaptation de la société au vieillissement » dont le projet phare est la revalorisation de l'APA pour les personnes à domicile d'un montant de 15% au 1er janvier 2015 pour un montant de 375 millions d'euros. La désindexation viendrait « ralentir » cette logique et pourrait produire en année pleine 37,5 millions d'euros et jusqu'à 78 millions si l'ensemble de ces composantes étaient désindexées.

Le RSA (composante socle) [6] :

Indépendamment d'une réflexion sur son éventuelle fusion avec la PPE (par ailleurs mise progressivement en extinction pour un montant d'environ 2 milliards d'euros), le RSA n'a été considéré comme prestation indexée par la Fondation iFRAP uniquement sur sa composante socle, la mieux pilotable pour les finances publiques. Dans le cadre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale du 21 janvier 2013, il est prévu de rattraper le décrochage du RSA (en tant que minima social) par rapport au SMIC de 2%/an hors inflation prévisionnelle effective au 1er septembre de chaque année à partir de 2013. Cela devrait conduire à une revalorisation de 10% en 5 ans [7]. Il va sans dire que toute désindexation ne contreviendrait pas frontalement à cette entreprise, mais les volumes en jeux sont suffisamment significatifs pour ne pas les écarter. La désindexation proprement dite représenterait un gain de 158 millions d'euros en année pleine (sur 7,96 milliards d'euros estimés en 2012) et de 81 millions d'euros sur l'année de transition (attribution au 1er septembre) en cas de suppression des bonifications de 2 points/an et de 353 millions d'euros en année pleine. Si la désindexation et l'attribution discrétionnaire de points cessait cela pourrait dégager en année pleine une économie de 511 millions d'euros.

L'AAH (allocation adulte handicapé) :

Sur le volet des minima sociaux liés au handicap, Nicolas Sarkozy en 2008 s'était engagé à revaloriser l'AAH (allocation adulte handicapé) avec une fréquence de deux coups de pouce/an (1er janvier/1er avril, puis 1er septembre) de façon à obtenir une revalorisation (indépendante de l'inflation) de 25% en 5 ans. Le coût de l'AAH est ainsi passé de 5,65 milliards d'euros en 2008 à près de 7,5 milliards en 2012. Par ailleurs, le gouvernement Ayrault a porté l'augmentation à 8,5% en 2013, l'AAH atteignant alors 8,2 milliards d'euros, 2014 étant anticipé à 8,4 milliards. L'AAH a donc subi une augmentation moyenne depuis 2008 de 7,3% sur la période. La désindexation de l'AAH pourrait générer une économie de 137,6 millions d'euros qui, si on la couple avec la suppression des points de bonification, devrait représenter une économie totale de 275,2 millions d'euros.

La PCH et l'ACTP (prestation compensatoire de handicap et l'allocation compensatoire pour tierce personne) :

L'ACTP est un dispositif qui diminue progressivement tandis que la PCH monte en puissance. Le premier n'accueille plus de nouveaux bénéficiaires tandis que le second a crû de 88% entre 2006 et 2011, passant ainsi de 79 millions d'euros à 1,23 milliard d'euros. L'ACTP n'a pas besoin d'être inclus dans les mesures de désindexation. Sa décroissance est programmée. Sur la même période son coût budgétaire a décru de 33% en valeur, soit une baisse de 756 millions d'euros à 508 millions d'euros. Nous évaluons ainsi le coût d'une désindexation provisoire de la PCH de l'évolution du SMIC, à 36 millions d'euros/an.

Supprimer ou limiter la prime de Noël :

La « prime de Noël » est un dispositif discrétionnaire qui recouvre en réalité un « bouquet de primes » associées à divers minima sociaux : RSA, ASS, AER, ATS. Il est nécessaire de travailler sur cet élément complémentaire afin d'éviter un effet report des désindexations sur le montant de cette prime. Celle-ci est gérée actuellement par le FNSA (fonds national des solidarités actives) et le FDS (le fonds de solidarité) depuis la loi de finances pour 2013. Les encours sont importants et en constante augmentation. Ils étaient évalués à 375 millions d'euros en 2009 et sont attendus pour 2014 à 476 millions d'euros (soit +27% en 6 ans). Deux solutions sont possibles : supprimer totalement le dispositif de la prime pour Noël (soit une économie d'au minimum 476 millions d'euros et plus vraisemblablement de 500 millions d'euros dans la mesure où l'augmentation annuelle moyenne est de 5% sur la période), soit le conserver à son niveau de 2014, représentant une économie d'environ 23,8 millions d'euros.

[1] Autrement dit sans infléchir intrinsèquement leur tendanciel et ne constituent donc pas stricto sensu un « effort structurel » (au sens où celui-ci modifierait de manière irréversible l'évolution spontanée attendue de ces dépenses) sur le plan budgétaire même si sur le plan macro-économique cette technique peut être qualifiée ainsi (puisqu'elle s'oppose alors terme à terme à la notion d'effort conjoncturel sans caractère de récurrence) du simple fait qu'elle soit menée sur plusieurs années.

[2] Voir en particulier les rapports de la Fondation iFRAP : 100 jours pour sauver la France (2012), ainsi que Retraites les 15 clés de la Réforme (2013).

[3] Il va sans dire que si l'inflation était modifiée à la hausse comme la croissance pour certains dispositifs indexés sur l'un ou l'autre de ces indicateurs, les économies deviendraient alors plus importantes.

[4] Voir en particulier le rapport de Cour des comptes livré en appui de la MECSS

[5] Derniers chiffres connus DREES

[6] Se reporter en particulier aux études d'impact des rapports annuels du comité consultatif d'évaluation des normes (CCEN) 2010-2012.

[7] Consulter p.123 le rapport de l'IGAS