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Investissement PME : les développer ou les créer ?

PME et ISF-TEPA : la confusion continue

Le risque de disparition de l'ISF a subitement fait prendre conscience que l'ISF-TEPA, le dispositif mis en place en 2007 qui permet à ceux qui paient l'ISF de déduire 75% - et depuis cette année seulement 50% - de leur impôt en investissant dans le capital d'une PME, est en danger. Certains médias font alors remarquer que les PME ne manquent pas de fonds propres et qu'il n'y aurait donc pas lieu de s'alarmer. En matière d'investissement dans les PME, faut-il développer... ou créer les entreprises ?

Mais la première confusion est que si en effet, les capitaux propres des PME et des entreprises françaises en général se sont sensiblement renforcés depuis 20 ans au point qu'ils sont proportionnellement plus importants qu'en Allemagne (mais où les banques sont plus habituées à prêter à long terme comme au Japon), ils restent désespérément rachitiques au niveau de la création d'entreprises. Les meilleures estimations montrent qu'en France, il est investi chaque année de l'ordre de 2 milliards dans des entreprises de croissance, les entreprises qui débutent avec au moins un emploi, contre 6 milliards en Allemagne et 6 à 8 en Grande-Bretagne. Si les fonds propres des entreprises françaises leur permettent de survivre, leur renouvellement, lui, n'est plus assuré.

La deuxième confusion est organisée par les organismes qui ont un intérêt à faire croire que l'État doit les aider, les fonds dits de capital-investissement, qu'ils soient publics ou privés, ceux qui tournent autour de l'AFIC (Association Française des Investisseurs en Capital) ou de la Caisse des Dépôts.

« Si les capitaux propres des PME et des entreprises françaises en général se sont sensiblement renforcés depuis 20 ans au point qu'ils sont proportionnellement plus importants qu'en Allemagne, ils restent désespérément rachitiques au niveau de la création d'entreprises. »

Ces fonds jouent un rôle très important dès qu'une entreprise en émergence dépasse le million ou les deux millions de capitaux propres ; ce rôle a été largement illustré par le « venture capital » de la Silicone Valley, qui à financé le développement de succès mondiaux comme Google, Intel ou Facebook. Mais ce qui a été tenu dans l'ombre, c'est que le « venture capital » américain n'intervient presque jamais en première phase ; ce n'est pas lui qui finance les premiers pas de ces innovations majeures ; il intervient en deuxième phase, lorsque les sociétés naissantes ont prouvé à travers un minimum d'exploitation que l'idée commerciale est viable et que l'équipe dirigeante est capable d'en faire un succès. Google n'a reçu des dizaines de millions du « venture capital » que 10 mois après que Andy Bechtolstheim ait apporté 100.000 dollars en 1998 et permis à Larry Page et Sergey Brin, les deux étudiants de passer de leur chambre à l'Université de Stamford dans un garage et créé la société Google. Bechtolstheim n'en était pas d'ailleurs à son coup d'essai puisqu'il a été l'un des fondateurs de Sun Microsystems.

Indispensable, le maillon capital-risque l'est, mais après le maillon qui permet la création ; or, en France, c'est ce premier maillon qui manque. Si l'on compare d'ailleurs le volume atteint par le second maillon, celui du capital-investissement, soit une collecte annuelle avant la crise d'environ 10 milliards d'euros par an, la France est au niveau britannique et, à populations égales, à deux fois le volume du « venture-capital » américain.

Par contre, nous avons très peu d'investissement « première étape », celle que l'on désigne généralement comme le maillon Business Angels, le maillon amorçage.
Nous avons même une structure absurde car complètement inversée : moins du milliard pour les Business Angels, 10 en capital investissement, alors qu'aux USA, c'est de l'ordre de 25 milliards pour les Business Angels contre 15 pour le capital investissement. Le résultat est d'ailleurs bien connu des responsables gouvernementaux français : faute de trouver des entreprises créées par l'amorçage où investir en développement, la plus grande partie du capital-investissement français s'enfuit vers les LBO 'Leveraged Nuy-Out = financement d'acquissition par l'emprunt) qui sont beaucoup plus rentables sinon moins risqués. Cela signifie-t-il que l'État doive intervenir et, la grande justification à ses interventions, « suppléer à une défaillance du marché » ?

Et c'est là qu'il s'est développé une troisième confusion, celle portant sur la façon dont l'État doit intervenir pour accroître les capitaux qui se dirigent vers la création d'entreprises.

Il est vrai qu'une intervention de l'État est devenue nécessaire car avec la montée des impôts et autres prélèvements obligatoires dans les derniers 100 ans (l'impôt sur le revenu n'existait pas au début du XXème siècle), le nombre de projets dont les espérances de gains excèdent les risques de pertes n'a cessé de se réduire.

En France, la solution a été recherchée essentiellement à travers la subvention ; dans les pays anglo-saxons, elle a été de mettre en place des dispositifs qui, de façon automatique à travers des réductions d'impôt, réduisent le risque de l'investisseur ou rendent les perspectives de profit plus élevées.

La subvention permet à des bureaucraties de se développer mais le résultat est généralement désastreux car on investit généralement très mal un argent qui n'est pas le sien et beaucoup d'autres préoccupations de type clientélistes prennent le pas sur la recherche de l'efficacité. Cette donnée semble avoir été comprise par l'un des principaux organes d'intervention de l'État français, Oséo. Il n'est pas sûr qu'il l'ait encore été pour les interventions de seconde phase, de capital-risque, par la Caisse des Dépôts qui tend à garder les décisions d'investir, leur micro gestion au lieu de déléguer en bloc aux investisseurs privés comme le fait par exemple la SBA américaine dans le cadre du plan SBIC lancé en 1958 (à distinguer de celui de 1997 où la SBA a voulu jouer à l'investisseur).

Les solutions qui marchent sont du type finalement introduites en France en 1994 avec l'Avantage Madelin mais elles ont été jusqu'à présent rendues très inefficaces par des plafonds de déduction si bas qu'ils interdisent l'émergence de Business Angels. La moyenne des investissements faits par les Business Angels américains ou anglais se situe dans la zone 150.000 à 250.000 €, cela permet à un créateur de réunir 500.000 € en ayant à trouver 2, au maximum 3 Business Angels – et ne pas passer son temps et son énergie à réunir des actionnaires, mais à développer son produit et son entreprise.

Ce n'est pas encore possible en France comme le montre la distribution inversée des capitaux entre l'amorçage et le développement rappelé plus haut.

« Les solutions qui marchent sont du type de celles introduites en France en 1994 avec l'Avantage Madelin, mais elles ont été jusqu'à présent rendues très inefficaces par des plafonds de déduction si bas qu'ils interdisent l'émergence de Business Angels. »

Espérons que la disparition possible de l'ISF et la remise à plat de la fiscalité du patrimoine permettront de relever les plafonds de l'Avantage Madelin au niveau auquel il se trouve en Grande-Bretagne (1 million de £ par an pour un ménage pour l'EIS, le dispositif équivalent du Madelin) et d'accroître l'attractivité de l'investissement direct pour les personnes physiques pour que se multiplient les investissements directs (pas intermédiés) supérieurs à 100.000 euros dont nous avons tant besoin. Pourquoi ne pas s'inspirer des Anglais qui viennent de décider de monter leur taux de déduction de 20 à 30%, leur plafond pour un ménage à 2 millions de £ et qui, pour s'assurer que les risques de la création d'entreprise aient une contrepartie, exemptent les investisseurs qui réussissent de l'impôt sur les plus-values après 3 ans de détention ? Bien « bordé » par la Direction de la Législation Fiscale pour éviter les investissements sans risque du type éolienne ou solaire, le coût fiscal est absorbé en 4 mois par les rentrées fiscales.