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Interview | Philippe Hayat, pour un new deal entrepreneurial

Philippe Hayat, président de 100.000 entrepreneurs, est engagé pour le développement de l'entrepreneuriat en France. Il vient de remettre un rapport à la ministre des PME, Fleur Pellerin, intitulé "Pour un new deal entrepreneurial". La Fondation iFRAP l'a interviewé.

Fondation iFRAP : Vous faites des propositions pour que le financement en amorçage des entreprises soit plus important grâce à des mesures fiscales incitatives (notamment le Madelin que vous proposez, comme nous, de déplafonner). Pensez-vous que ces mesures aient des chances de passer d'ici 2017 ?

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le rapport : "Pour un new deal entrepreneurial", de Philippe Hayat, octobre 2012

Philippe Hayat : Je crois malheureusement qu'on est revenu dans cette vieille querelle qui consiste à opposer le capital et le travail. En écoutant les responsables politiques s'exprimer sur ce sujet, il apparaît qu'ils jugent inconcevable de voir le travail moins bien rémunéré que le capital, alors même que celui-ci présente un risque bien supérieur. On doit être l'un des derniers pays dans le monde où cette relation capital/travail n'est pas assumée. Est-ce si difficile de constater que l'un est nécessaire à l'autre, et que sans le premier, le second n'existe pas ? Si aucune évolution ne survient dans la position du gouvernement, les investisseurs, donc par ricochet les entrepreneurs qu'ils auraient pu accompagner, feront les frais de cette loi de finances.

Fondation iFRAP : Vous proposez à juste titre une "grande cause nationale entrepreneuriale". Pensez-vous que le gouvernement puisse arriver à la conclusion que le plafond global des niches à 10.000 euros ne doit pas concerner les investissements dans les entreprises type Madelin ? L'idée serait de sortir du plafond global des niches le Madelin et d'y faire rentrer des niches plus chères mais moins essentielles telles DOM…

Philippe Hayat : Il y a sans doute une réflexion à mener de ce côté-là et ce que vous suggérez serait tout à fait pertinent pour les entreprises. Oui, il me semble que cela ne heurterait pas trop la sensibilité du gouvernement. Mais c'est quand même dommage d'en arriver à imaginer toutes sortes d'exemptions pour sauver les meubles.

Fondation iFRAP : Les mesures du PLF 2013 ne vont pas dans le bon sens (notamment l'idée fausse de vouloir taxer le capital comme le travail) et auraient tendance à "désinciter" l'investissement dans les start-up et les entreprises en général comme en témoigne le mouvement des Pigeons. Pensez-vous que le gouvernement veut réellement encourager l'entrepreneuriat et la création de PME et TPE au-delà de cette idée récurrente de taxer le "capital" ?

Philippe Hayat : Oui, je crois le gouvernement sincère dans sa volonté d'encourager l'entrepreneuriat. Son ministre des PME, et son équipe, sont tout à fait remarquables. Tous les ministres s'accordent à dire que les PME et l'entrepreneuriat sont ce qu'il y a de plus précieux. Mais tant que cette relation capital/travail n'est pas assumée, le gouvernement aura du mal à dépasser le simple encouragement verbal. Je vous ferais remarquer qu'aucun gouvernement de droite non plus n'a jamais encouragé l'entrepreneuriat de croissance, celui que je défends dans mon rapport. En France, à droite comme à gauche, l'entrepreneur qui réussit reste suspect. Il est politiquement incorrect. J'ai envie de dire au gouvernement actuel : le socialisme du 20è siècle opposait le capital et le travail. Celui du 21è siècle ne consisterait-il pas à permettre au plus grand nombre, en particulier aux plus humbles, d'entreprendre et d'accéder, grâce au capital, à la richesse ?

Fondation iFRAP : Votre engagement concerne aussi le lien école-entreprise, avez-vous bon espoir que l'Éducation nationale évolue dans sa vision de l'entreprise et de son rôle d'intérêt général ? La figure de l'entrepreneur peut-elle devenir un modèle ?

Philippe Hayat : Oui, j'ai bon espoir. Avec 100.000 entrepreneurs, notre association qui fait témoigner des entrepreneurs dans les classes pour transmettre aux jeunes l'envie d'entreprendre, nous avons sensibilisé plus de 100.000 élèves en quelques années, dont 30.000 sur la seule année dernière. Les programmes accordent davantage de place au monde professionnel : stage de 3ème, option découverte professionnelle en 3ème, accompagnement personnalisé au lycée, enseignement d'économie en seconde… Cela évolue au rythme de l'Éducation Nationale, lentement mais profondément. On observe ces changements surtout dans les enseignements techniques et professionnels. Il faudrait les encourager davantage dans les filières générales. La figure de l'entrepreneur n'est pas encore un modèle pour ces jeunes, mais cela peut le devenir… On le lit dans leurs yeux quand on leur raconte notre aventure !