Actualité

Hôpitaux : saignée, anesthésie ou traitement de fond ?

Après tant d’autres, le rapport cité par Challenges et Libération confirme que les  hôpitaux publics doivent réaliser des économies importantes. Cette feuille de route envoyée par le ministère de la Santé à ses vingt-six agences régionales de santé (ARS) chargées de piloter le système de santé dans chaque région, ne propose rien de nouveau. Les rapports de la Cour des comptes, de la direction des hôpitaux publics (DHOS), de l’agence pour l’amélioration de la productivité des hôpitaux (ANAP) ou de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) ont depuis longtemps montré que des économies sont faisables dans les hôpitaux publics. Reste à se décider à les réaliser, et surtout à les mettre en œuvre intelligemment.

Ces économies faisables sont indispensables puisque le déficit de l’Assurance-maladie est toujours à un niveau très élevé de 7 milliards d’euros et que de nombreux hôpitaux enregistrent aussi des pertes. Tous les  plans annoncés chaque automne au moment du vote du budget de la Sécurité sociale n’ont réussi qu’à contenir ce déficit, faute de s’attaquer au fond des problèmes. 

Déficit de l'assurance maladie en milliards d'euros
20112012201320142015
8,65,97,77,36,9

 

Les mesures du rapport confidentiel

 D’après les données rapportées par la presse, le rapport fixe des objectifs consensuels mais peu opérationnels comme : « améliorer la qualité de l’offre hospitalière » ou «  améliorer la pertinence des soins », et propose quatre séries de mesures plus concrètes :

  • Prendre le virage de la chirurgie ambulatoire ;
  • Maîtriser la masse salariale ;
  • Maîtriser les dépenses d’achat ;
  • Baisser les prix des médicaments et augmenter le taux d’utilisation des génériques.

D’après les indications fournies, 22.000 postes pourraient être supprimés, un chiffre élevé, mais qui ne représente que 2% du million de personnes employées actuellement, et beaucoup moins que l’augmentation (+100.000) des effectifs depuis dix ans. Une réduction nécessaire pour équilibrer les budgets comme le répète depuis dix ans Gérard Vincent, délégué général de la Fédération des hôpitaux publics de France (FHF), mais toujours refusée par les responsables politiques, notamment locaux. Une réduction qui semble contradictoire avec le communiqué de presse de la ministre de la Santé publié la semaine précédente qui titrait : « Le plan d’économies sur les dépenses d’Assurance-maladie ne programme pas de suppression de postes à l’hôpital ». Un message qui peut sans doute se lire comme « l’objectif du plan n’est pas de supprimer des postes à l’hôpital » puisqu’il s’agit en effet d’un moyen, mais un message qui ruine les efforts de pédagogie nécessaires en direction des personnels. Il y aura des suppressions de postes, et la confiance des Français dans leurs élus et le gouvernement sera à nouveau affaiblie.

Ventilation des économies attendues

Total des économies aux titres des points A1, A2, A3, B1 et B2 : 3 milliards d’économies  dont 1 milliard au titre du virage ambulatoire des établissements de santé.

Voir Le plan d'économies sur les dépenses d'assurance maladie ne programme pas de suppression de postes à l'hôpital.

Des économies faisables

D’après le rapport de la Cour des comptes de 2013 sur ce sujet, le taux de chirurgie ambulatoire était en 2009 deux fois plus faible en France qu’au Danemark et en Suède, et nettement inférieur aussi aux taux au Royaume-Uni, Pays-Bas et Norvège. Un retard très coûteux puisque l’économie à terme étant évaluée à quatre milliards d’euros par an, cela signifie que depuis dix ans et encore pendant au moins cinq ans, l’Assurance-maladie française aura payé 4 milliards d’euros par an de dépenses inutiles. Interrogés sur la cause de ce retard, les médecins experts du  ministère de la Santé en charge de ce sujet estiment « qu’il n’existait pas en France de mécanisme de motivation à passer à la chirurgie ambulatoire ». Inquiétant, d’autant plus qu’après la chirurgie, ce sont de nombreux autres soins (ex. oncologie) qui pourront être réalisés en ambulatoire pour de nombreux malades.  

Les résultats obtenus dans les pays étrangers depuis une vingtaine d’années et dans les cliniques privées françaises depuis une dizaine d’années, montrent que ces économies sont faisables tout en améliorant le traitement des malades et les conditions de travail des personnels, et en réduisant le taux de maladies (nosocomiales) contractées à l’hôpital. C’est l’organisation du système hospitalier qui a conduit à ces dysfonctionnements. C’est lui qui doit être revu de fond en comble.