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CCAS : l'action sociale des communes en France

à la croisée des chemins

Les CCAS (centres communaux d'action sociale) sont des établissements publics administratifs dont la création est rendue obligatoire par détermination de la loi [1] pour les communes quelle que soit leur taille [2]. Il en résulte des difficultés notamment pour les 30.000 communes de moins de 1.000 habitants pour lesquelles la création d'un tel établissement représente un coût budgétaire très important, alors même que les missions qui sont actuellement les leurs pourraient fort bien se trouver exercées par les services municipaux, eux-mêmes au titre des affaires sanitaires et sociales. Car les montants financiers qu'ils manient ne sont pas négligeables : ils représentaient en 2010 près de 2,6 milliards d'euros.

Juridiquement, les CCAS mènent « une action générale de prévention et de développement social dans la commune » qui se ventile entre :
- Prérogatives obligatoires constituées par l'aide sociale légale
- Animation des activités sociales à travers son rôle de développement social
- Prérogatives facultatives sous la forme d'aides individuelles et de secours financiers en théorie ponctuels.

En réalité les activités proposées sont extrêmement diverses, on y trouve pêle-mêle : de l'information sociale, des services d'aides à la personne (aide ménagère à domicile, emplois familiaux, soins infirmiers, portages de repas à domicile etc.), de l'animation de foyers pour personnes âgées, des aides pour personnes dépendantes, un service d'aides sociales, la tenue à jour du fichier des bénéficiaires qui résident dans la commune, mais aussi l'hébergement d'urgence, des foyers restaurants, des aides aux personnes handicapées, voire l'octroi de prêts temporaires remboursables ou non.

Dans le cadre de la nécessaire maîtrise de nos finances publiques, les budgets sociaux ne peuvent faire exception, qu'ils soient animés par l'État (dépenses d'intervention), les collectivités locales elles-mêmes (c'est le cas ici) ou les organismes de sécurité sociale. Pour cela, il faut d'abord se faire une idée précise des sommes en jeu au niveau local en matière de protection sociale et significativement celles dispensées par les CCAS.

Tableau 1 : Périmètre de la Protection sociale locale entre 2000 et 2010

Périmètre de la Protection sociale locale entre 2000 et 2010

On constate assez aisément que l'enveloppe allouée en matière de dépenses d'aide sociale au niveau local est importante. Elle représentait en 2010 près de 38,8 milliards d'euros dont seulement 5,3 milliards au niveau communal pour les communes de plus de 10.000 habitants. Assez curieusement les communes moins importantes semblent très mal connues sur le plan statistique. C'est pourtant à ce niveau que l'on peut préciser les montants alloués aux CCAS.

Tableau 2 : Évolution des comptes des CCAS (2000-2010)

Évolution des comptes des CCAS (2000-2010)

Ces dernières présentent depuis 2006 des besoins de financements récurrents oscillant entre 35 et 75 millions d'euros. Leurs budgets de fonctionnement totaux se sont appréciés entre 2000 et 2010 de +42% représentant près de 2,6 milliards d'euros alors que leur nombre a chuté de 8,2% mais comprennent toujours 27.521 structures [3] (à comparer aux 36.700 communes recensées). Leur financement se révèle à l'analyse assez stable dans le temps, il se décompose comme suit :

Financement des CCAS sur 11 ans

Bien évidemment les dotations des communes aux CCAS sont majoritaires (49%), mais ont augmenté moins vite (39,24%) que les dotations de l'État qui suivent exactement l'évolution de l'ensemble (42,08%). Les ressources de fonctionnement sont très voisines de leurs dépenses au même titre, à 83 millions d'euros près sur près de 2,6 milliards d'euros. En leur sein les aides facultatives et d'urgence ne représentent que 116 millions d'euros environ.

A l'heure où les difficultés budgétaires invitent à repenser les périmètres et les montants d'intervention publique, il est nécessaire de préciser les évolutions envisageables pour les CCAS et ce d'autant qu'une proposition de loi du sénateur Eric Doligé sur la simplification des normes applicables aux collectivités locales actuellement pendante devant le Sénat et qui devrait être examinée à partir du 24 novembre 2012, a précisé (art.18) la possibilité de dissoudre les CCAS existants au cas où leur coût serait trop important pour les communes impliquées. Cette question est cruciale comme l'a évoqué le 20 novembre le Chef de l'État devant le Congrès des maires de France qui a précisé que « le poids des normes est devenu invivable, c'est un frein à l'initiative. »

Cette proposition avait fait suite à celle émise par le rapport du sénateur Alain Lambert en 2007 sur les relations entre l'État et les collectivités locales, proposant de supprimer l'action sociale facultative des communes afin de clarifier les compétences des différents acteurs locaux en matière de Protection sociale. Une approche qui a été enrichie par la réflexion sur les aides connexes locales aux minima sociaux dans le cadre de la mise en place du RSA en 2008 [4].

Il est donc temps d'initier une triple réflexion :

1. Doit-on conserver au bloc communal une initiative particulière en matière d'aides sociales facultative ? Celles-ci existent évidemment au niveau départemental pour un montant d'1 milliard d'euros en 2010, recouvrant les interventions en matière de prévention médico-sociale (PMI, planification familiale, prévention et éducation à la santé), soit 10 fois plus que les aides facultatives et secours délivrés par les CCAS et CIAS. Par ailleurs, ces dernières financent pour 32,6% d'entre elles des structures associatives caritatives [5], ce qui pose la question de la centralisation du financement public caritatif à un échelon pertinent [6]. Cette démarche est d'autant plus urgente qu'il serait important de prolonger l'initiative pionnière et trop isolée du dispositif CORAFIN (pour coordination des aides financières) du département de Haute-Garonne qui depuis 1989, associe l'ensemble des « guichets » d'aides du département (Direction de la Solidarité départementale, Direction départementale des affaires sanitaires et sociales, CPAM, CAF, CCAS) afin de mieux gérer les demandes d'aides financières complexes et de répartir les dossiers en fonction des compétences des différents acteurs. Ce regroupement pourrait s'effectuer au niveau départemental dans le cadre de la mise en place d'un « guichet unique » permettant l'introduction d'un seul dossier et éviter les cumuls d'aides facultatives ou même d'évaluer correctement les besoins en cas d'articulation entre aides facultatives et légales.

2. Doit-on procéder plus largement à une remise à plat des aides facultatives ? Il s'agirait par exemple de déterminer un plafond financier unique articulé autour du revenu global du demandeur (comprenant également l'ensemble des minimas sociaux et des aides légales sous/sans condition de ressources ou statutaires) et d'un reste à vivre susceptible de déclencher le montant d'aide complémentaire adéquate (que le bénéficiaire pourrait ensuite utiliser suivant ses besoins).

3. L'État ne doit-il pas user de son rôle de co-financeur de la politique de développement social au niveau local (représentant près de 2% des crédits des CCAS, soit 53,8 millions en 2010) afin de l'utiliser comme levier pour obtenir les réformes de structures souhaitées ? En conditionnant cette aide, qui de toute façon est inférieure à l'aide facultative des CCAS, au transfert au niveau départemental de la gestion des structures d'action sociale locale qui en dépendent, il serait possible de parvenir à mutualiser les services et réaliser les économies de structures (notamment à un meilleur dimensionnement des services communs). Cette opération ne priverait pas pour autant les communes de toute action sociale sur le terrain. Celle-ci était évaluée en 2010 à 5,3 milliards d'euros pour les communes de plus de 10.000 habitants, et à 9,4 milliards d'euros pour l'ensemble des communes en y incluant les missions de santé publique. L'opération ne lui retrancherait que 2,6 milliards d'euros soit un peu moins de la moitié. Par ailleurs, les communes pourraient rester « financeur » avec un droit de regard sur l'allocation des fonds au niveau départemental, dans une version a minima du projet, au moins durant la phase d'expérimentation.

[1] En vertu de l'article L123-4 du Code de l'action sociale et des familles.

[2] A ne surtout pas confondre avec les comités d'entreprise des collectivités locales, appelés COS (comité des œuvres sociales) ou CAS (comité d'action sociale) qui sont facultatifs et constitués sous forme associative et non en EPA (établissement public administratif) comme les CCAS. Voir pour les COS et les CAS, notre note du 20 avril 2012 : « Les CE cachés de l'Etat et des collectivités passés au crible ».

[3] Y compris les CIAS, les centres intercommunaux d'action sociale.

[4] Voir en particulier les deux études suivantes : Mission parlementaire sur les droits connexes locaux dans le cadre de la généralisation du RSA, mai 2009, dite Mission « Desmarescaux », et D. Anne et Y. L'Horty, Aides sociales locales, revenu de solidarité active et gains du retour à l'emploi, Économie et Statistique n°429-430, 2009, p.129 et suiv.

[5] Se reporter à UNCASS, Les aides facultatives et secours délivrées par les CCAS et CIAS, 2007.

[6] Précisons que les aides délivrées par les régions en matière de tarifs préférentiels de transport notamment sont résiduelles, moins de 100 millions d'euros pour l'ensemble des aides sociales délivrées, sans même parler du coût des aides facultatives.