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Bénéficiaire effectif : encore une nouvelle charge administrative

Les entreprises françaises sont soumises en moyenne au taux d’imposition global de 62,2% et croulent sous les formalités administratives. Les engagements en matière de simplification administrative promettent d’engendrer un gain d'au moins 4,5 milliards d'euros pour les entreprises. La loi ESSOC pour la simplification administrative vient d'être votée en ce sens. Cependant, en parallèle, de nouvelles réglementations administratives pour nos entreprises continuent à se développer. Voici la dernière née : la déclaration obligatoire de "bénéficiaire(s) effectif(s)", elle va a minima coûter 185 millions d'euros à nos entreprises.

Connaissez-vous la déclaration dite de « bénéficiaire effectif » ?

Sous couvert de repérer plus facilement les mafieux agissant à l’ombre de sociétés-écrans, la loi sur la transparence et contre le blanchiment (dite Loi Sapin 2) a mis au point cette nouvelle déclaration qui oblige les entrepreneurs français à déclarer l’identité de ceux qui possèdent plus de 25% de la société. Que vous soyez seul associé, que vous disposiez de peu de capitaux, cette obligation s’applique et les sanctions en cas de non-respect sont particulièrement lourdes :

  • 7.500 euros d’amende,
  • 6 mois d’emprisonnement,
  • Interdiction d’entreprendre, etc.

Il convient de préciser que cette déclaration est payante, au bénéfice des greffiers des tribunaux de commerce. Pour toute entreprise créée avant le 1er août 2017, il lui faut acquitter 54,42 euros, soit pour les 3.200.000 entreprises françaises concernées la somme de 185 millions. Les sociétés ayant vu le jour après le 1er août 2017 s’acquitteront de 24,8 euros. Or, chaque année c’est plus ou moins 550.000 nouvelles entreprises, soit 13,64 millions d’euros supplémentaires par an pour les greffes. Sans oublier que toute modification des détenteurs de plus de 25% du capital oblige à un nouveau dépôt pour la somme de 49,49 euros supplémentaires.

Cette dernière s’ajoute à la longue liste des questionnaires et formulaires sous lesquels sont souvent noyées les PME. À titre d’exemple, une directive européenne oblige désormais toute société souhaitant faire usage d’un compte de titres financiers à obtenir un numéro LEI (Legal Entity Identifier). Pour ce faire, il vous faudra verser 150 euros (puis 50 euros par an) à l’INSEE qui dispose du monopole français.  Une innovation justifiée par la lutte contre les trafiquants et le terrorisme.

L’OCDE s’est depuis longtemps penchée sur le sujet ; en 2004, elle note qu’« il ressort du rapport La paperasserie vue par les entreprises, consacré au coût des formalités administratives dans 8.000 PME de onze pays, que le coût par salarié était plus de cinq fois supérieur pour les plus petites des PME que pour les plus grandes ».

Le fait est que l’État dispose déjà des statuts qui permettraient d’établir la base de données qu’entend produire la collecte de ces déclarations. Faute de temps ou de moyens, cela semble ne pas avoir été pris en compte. Il s’agit là d’un exemple typique de report de la charge administrative sur les entreprises, qui semble assez loin des discours sur la start-up nation !

En effet, les informations à fournir au Greffe du Tribunal de commerce figurent dans les deux derniers imprimés de la liasse fiscale que toute entreprise commerciale imposée à l’IS doit remplir et transmettre au SIE du lieu du siège. La DGFIP possède donc toutes les informations relatives aux actionnaires, avec leur taux de participation (imprimé 2059-F) ainsi que les participations dans les filiales (imprimé 2059-G) – et ce dans un format facile à utiliser. Il apparaît évident que la nouvelle obligation déclarative constitue un doublon inutile, du moins pour les entreprises dont le siège social se situe en France.

Au regard de ces éléments, l’argument de la chasse au fraudeur ne tient pas tellement tandis que les dépôts viendront alimenter la rente des greffiers des tribunaux de commerce. Dans quel but demander aux entreprises françaises qui ont déjà donné l'informaqtion de remplir cette déclaration de "bénéficaire effectif" et autoriser la DGFIP à la consulter ? Pour vérifier la cohérence des deux déclarations faites par le contribuable ? Les entreprises dont le siège social est en France devraient être exemptées de cette nouvelle déclaration.