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Aide fiscale à l’investissement : encore de la complication !

Les entreprises françaises sont victimes d’une malédiction fiscale : quand il faut plus d’argent pour la dépense publique, on va d’abord le chercher chez les entreprises puisqu’elles ne votent pas, quand elles étouffent sous la charge et que l’opinion s’en rend compte, les allègements sont conçus de façon complexe et dirigiste ou assortis de « contreparties » pour éviter de « faire un cadeau aux patrons ». Deux exemples en cours ou à venir :

Le Crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE):

Le Crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) destiné à alléger de 4% puis 6%  la masse salariale des personnels gagnant moins de 2,5 fois le smic a été présenté comme un avantage pour les entreprises de 20 milliards d’euros en régime de croisière. Sauf que : 

  • il faisait suite à une augmentation d’impôts et charges de plus de 20 milliards effective dès 2012 et, pour les principales entreprises,  n’avait d’effet sur leur trésorerie qu’à partir de 2014 si elles étaient bénéficiaires et pouvaient ainsi réduire leurs paiements d’IS, et seulement en 2017 si, étant déficitaires, elles devaient en attendre le remboursement du Crédit d’impôt ;
  • la condition de salaire inférieure à 2,5 fois le smic exerçait une nouvelle contrainte sur la politique salariale et les recrutements des entreprises bénéficiaires.

Ainsi l’État y voyait le double avantage de rendre la mesure « sociale » et d’en différer le coût ; pour les entreprises c’était une complication de gestion de plus en contrepartie d’une réduction seulement partielle de la perte de compétitivité subie en 2012.

Les effets pervers ne se sont pas fait attendre : les entreprises, fer de lance de notre économie, l’ont peu demandé ou n’y ont pas eu droit, et la « dépense fiscale » a été très inférieure aux 20 milliards annoncés ; il est caricatural que le plus gros bénéficiaire ait été La Poste qui n’est pas le premier champion français à encourager dans la compétition internationale ! 

On va recommencer aujourd’hui avec le sur-amortissement des nouveaux investissements industriels qui vient d’être annoncé :

Pourtant à première vue la mesure semble efficace. D'abord testée en 1996-1997 elle a été rapidement raportée à cause de son coût jugé trop important. Pourtant l'effet d'entraînement avait été là, avec un double résultat loué d'ailleurs récemment par le député Alain Muet, tant sur l'offre que sur la demande ; bref un dispositif doué d'effet "Ricardien" capable de satifsaire libéraux et keynésiens... sauf que l'analyse juridique et comptable invite à nuancer le propos:

  • plutôt que d’alléger les impôts sur la production qui, pour l’industrie sont beaucoup plus lourds en France qu’en Allemagne, on crée une nouvelle « niche fiscale » dont le coût pour l’État est différé sur la durée d’amortissement de l’équipement ;
  • l’avantage est « politiquement correct » puisque contrepartie d’un investissement et non source de profit ;
  • l’investissement doit être effectué avant un an de l’annonce de la mesure, calendrier électoral oblige…

On peut déjà prévoir le peu d’efficacité économique de la mesure :

  • elle n’est pas vraiment crédible, l’étalement dans le temps fait que c’est une niche dont le principal sera obtenu durant les exercices 2017 et suivants ;
  • un industriel investit en fonction de son marché et de ses plans à long terme, pas en fonction des périodes de soldes (et de reconstitution progressive de marges) ;
  • la condition de date est que l’amortissement des équipements ait commencé avant le 14 avril 2016 donc qu’ils aient été mis en service avant cette date ; les quelques fabricants français de bien d’équipement qui subsistent auront du mal à satisfaire la demande dans ce délai et beaucoup de commandes seront satisfaites par des constructeurs étrangers. L'effet pervers consistera à remplacer (faute de temps) l'offre intérieure (trop rigide à court terme) par l'offre extérieure et donc à dégrader un peu plus notre balance extérieure.

Ainsi, quand l’État cherche à aider les entreprises, il le fait encore en se préoccupant d’abord de ses propres contraintes de fonctionnement, sans tenir compte réellement de celles des acteurs visés par la mesure... un effet de myopie dont on vérifie généralement à retardement les justes conséquences.