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AAH, l'impossible augmentation de 25%

Il faut revoir toutes les dépenses sociales

La rigueur vue par François Baroin, s'agissant de la réduction des dépenses publiques et particulièrement des dépenses sociales, consiste à agir sur quelques dépenses isolées, et en particulier l'AAH (Allocation Adulte Handicapé), sans pour autant remettre en cause son augmentation de 25%.

Le chef de l'Etat a prévu le relèvement de l'AAH de 25% sur cinq ans. Le ministre du Budget vient d'annoncer qu'au lieu d'augmenter de 4,5% en 2011 selon la prévision, l'AAH ne serait relevée « que » de 3%, et ceci sans renoncer à l'objectif initial qui serait donc reporté d'un an, le rattrapage ayant lieu sur 2012 et 2013.
Aussitôt, violente indignation des associations d'handicapés, qui fustigent une mesure qui « taxe les plus fragilisés ». Ce qui est totalement faux. La mesure constitue une infime inflexion d'une promesse exceptionnellement généreuse, et qui le demeure. Connaît-on beaucoup de catégories sociales où une augmentation de 25% des ressources est prévue, à l'heure où les autres catégories voient leurs ressources chuter ? L'AAH, c'est, à taux plein, une aide de 696 € par mois, qui sera donc augmentée de 21 € l'année prochaine, au lieu de 31 € antérieurement prévus, sachant qu'à terme l'augmentation sera bien de 174 €.

Non seulement on ne « taxe » pas les handicapés, mais on augmente la solidarité de la nation à leur égard à un point qui n'a encore jamais été constaté, et ce malgré le contexte de la crise. On doit certes faire la part du jeu de rôles que jouent les associations, mais il y a une limite aux exigences catégorielles et à la désinformation. Chacun refuse que l'on touche au moindre de ses cheveux. La même remarque s'applique d'ailleurs à l'autre mesure annoncée par le ministre du Budget, qui concerne la fin du cumul entre l'aide au logement des étudiants et la demi-part accordée aux parents pour enfant à charge [1]. Alors comment faire ?

D'abord, rétablir la vérité devant l'opinion. Et ce particulièrement sur un point que tous les défenseurs des diverses catégories sociales ne mentionnent jamais : les minima sociaux se cumulent toujours avec un ensemble d'aides connexes de valeur importante. En l'occurrence, pour les handicapés sans autres ressources, l'AAH à taux plein se cumule essentiellement avec la « majoration pour vie autonome » (101 € par mois), le « complément de ressources » (166 € par mois) et la CMU (assurance maladie gratuite), sans compter la PCH (prestation de compensation du handicap) lorsqu'elle est applicable. On entendait d'ailleurs récemment sur les ondes un représentant associatif se plaindre, sans craindre le paradoxe, que les handicapés disposent de ressources trop importantes pour bénéficier de la CMU complémentaire… En revanche ils peuvent bénéficier de l'ACS (aide complémentaire santé).
Ceci conduit à affirmer la nécessité de remettre de l'ordre dans le maquis inextricable des allocations sociales, et à préconiser leur réunion dans une allocation globale avec des barèmes clairs et publics (ce n'est pas le cas, aussi invraisemblable que cela paraisse).

D'autre part, et l'exemple de l'AAH est particulièrement pertinent, on n'en est pas à parler de réduction des dépenses sociales, et même pas, sauf à la marge, de réduction de l'augmentation de ces dépenses. L'AAH concerne actuellement 850.000 personnes pour un coût de 6,23 milliards d'euros. Une augmentation de 25% représente 1,55 milliard d'euros de plus que si on s'était seulement contenté de maintenir l'allocation à son niveau actuel. Et la seule augmentation de 3% pour 2011 représente 180 millions d'euros. Il y a d'ailleurs lieu de penser que le « rattrapage » envisagé sur les années suivantes se révèlera impossible, ce qui motive peut-être la réaction des associations d'handicapés. Mais l'AAH n'est qu'un exemple : le chef de l'Etat a aussi promis la couverture du risque dépendance, et l'augmentation sur cinq ans de 25% des allocations logement (14,7 milliards, soit environ 3,7 milliards d'augmentation). Ces promesses sont tout simplement intenables.

On rêve d'un gouvernement dirigé par un « Docteur No », à l'instar du premier ministre canadien Jean Chrétien qui, entre 1993 et 2003, réussit le tour de force de supprimer complètement le déficit du pays en opposant un non absolu à toute dépense supplémentaire quelle qu'elle soit. Efficace et bien plus acceptable pour le citoyen. Tout le monde est logé à la même enseigne et doit être mis à contribution.

[1] Cette mesure ne concerne par définition que la moitié la plus riche de la population, puisque seuls 50% des foyers paient l'impôt sur le revenu. D'autre part, est-il normal de bénéficier du cumul de deux avantages au surplus contradictoires : la demi-part pour les parents suppose que l'enfant est rattaché fiscalement aux revenus de ses parents, alors que pour accorder à l'enfant une aide au logement, on ne considère que les ressources de cet enfant, donc non rattaché.