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9% seulement des chômeurs trouvent un emploi via Pôle Emploi

9% des demandeurs d’emplois ont retrouvé un emploi grâce à Pôle Emploi… c’est le résultat d’une enquête que l'Insee a (discrètement) publié en juillet 2017. Et pourtant, les chiffres sont édifiants puisqu’ils placent Pôle Emploi, en termes d’efficacité pour la recherche d’emploi, au même niveau que… les petites annonces (leboncoin.fr, LinkedIn, etc.) puisque la majorité des demandeurs d’emploi retrouvent un emploi grâce à une candidature spontanée (42%) ou à leur réseau professionnel (25%). 

Personnes ayant un emploi salarié depuis moins d'un an selon le mode d'embauche

en %

Ensemble

Emploi
en CDI

Emploi hors CDI

Salariés au chômage au trimestre précédent

Démarche personnelle auprès de l'employeur ou candidature spontanée

41,8

37,1

46,5

46,8

Relations personnelles ou professionnelles

24,7

27,1

22,2

21,8

Petites annonces

7,2

8,8

5,5

6,3

Pôle emploi ou un autre organisme public

8,8

7,3

10,3

12,9

Concours de recrutement

3,8

1,9

5,6

1,1

Autre moyen (ancien employeur, cabinet de recrutement, etc.)

13,8

17,8

9,8

11,1

* Hors salariés employés par des particuliers.

   

Lecture : 41,8 % des salariés ayant un emploi depuis moins d'un an ont trouvé leur emploi via une démarche personnelle auprès de leur employeur ou une candidature spontanée.

Champ : France (hors Mayotte), population des ménages, personnes âgées de 15 ans ou plus en emploi salarié (hors particuliers-employeurs) depuis moins d'un an.

Source : Insee, enquête Emploi 2016.

En plus de la parution des statistiques de l'Insee qui met à mal son efficacité en termes de suivi des demandeurs d’emploi, en 2016, le gouvernement aurait pour projet de réaliser 3 milliards d’euros d’économies sur le budget de l’agence d’ici 2022 avec notamment un vaste plan de baisse des effectifs, notamment dans les fonctions supports. Cela concernerait alors 22.000 agents sur 54.000 au total. Des éléments qui laissent espérer que l’on se dirige vers une vraie refonte de Pôle emploi dont la transformation (et surtout la modernisation) est trop lente par rapport aux enjeux du marché du travail.

A titre d’exemple, il a fallu attendre 2015 pour que les demandeurs d’emploi puissent s’inscrire en ligne (amenant au changement de métier de 3.200 agents sur 8.800 chargés de cette mission) ou qu’ils puissent avoir un accès direct à leur conseiller par mail. La même année, l’agence a formé 4.200 conseillers spécialisés dans la relation avec les entreprises. En 2015, seulement 434.000 entreprises étaient en relation avec Pôle emploi sur plus de 3 millions d’entreprises en France. Des mesures essentielles mais qui arrivent trop tard et qui restent surtout incomplètes. Il n’y a toujours pas de spécialisation, aujourd’hui, un conseiller Pôle emploi doit s’occuper de tous les demandeurs, même ceux en recherche d’emploi dans un secteur qu’il connait mal, voire pas du tout. Ce qui explique certainement leur 9% de réussite. 

En plus d’un plan d’économie (nécessaire), c’est une refonte totale de Pôle emploi qu’il faut envisager. Nous n’avons pas d’autre choix aujourd’hui que de changer de méthode et de réfléchir localement, au plus près des demandeurs d'emplois, des entreprises et des difficultés de chacun. Face à la hausse du chômage, preuve a été faite qu’embaucher toujours plus de conseillers Pôle emploi ne sert à rien. Deux options (complémentaires) sont sur la table : la régionalisation et/ou la privatisation.

La solution qui s'impose depuis plusieurs années, c’est la régionalisation de Pôle emploi. En 2015, le Sénat avait tenté de la faire passer lors des négociations de la loi NOTRE. En 2016, François Hollande avait laissé entendre que la loi pouvait encore bouger en ce sens et surtout, les présidents de régions y sont favorables. Mais du côté de l’agence et des syndicats (qui co-gèrent Pôle emploi et ses financements aujourd’hui), ça coince beaucoup.

En 2015, Jean Bassères et François Nogué, président du conseil d'administration de Pôle emploi réfutaient l’idée d'une décentralisation de Pôle emploi dans une tribune : « Un opérateur national permet de mutualiser les ressources et de corriger les inégalités qui ne cessent de se renforcer entre régions […] pour des raisons d'efficacité et d'équité territoriale, la quasi-totalité de nos partenaires européens, y compris l'Allemagne, s'appuient sur un opérateur national ». Mauvais exemple puisque la répartition des conseillers est loin d’être homogène sur le territoire (de 230 demandeurs d’emploi par conseiller à la Réunion à 9 demandeurs par conseiller en Isère – voir la liste complète) et que la situation en Allemagne est bien plus nuancée.

L'Agence fédérale pour l'emploi (bundesagentur für Arbeit) agit bien au niveau national, elle est chargée de verser les prestations chômage, d’aider à la recherche d’emploi et gère toutes les prestations familiales. Mais au niveau régional (regionaldirektionen) sont nommés des directeurs qui « sont responsables de la réussite de la politique régionale en faveur du marché de l’emploi. Afin d’adapter leurs tâches à la politique de l’emploi, à la politique structurelle et à la politique économique des Länder, elles travaillent en étroite collaboration avec les gouvernements des Länder. La direction se situe au plus haut niveau hiérarchique. Elle est constituée du ou des président(s) et de deux membres représentant les services opérationnels et internes. Les directions régionales gèrent les agences pour l’emploi » (756 agences et bureaux pour 82 millions d’habitants).

Un niveau de concertation et de responsabilisation beaucoup plus fort qu’en France où Pôle emploi compte plus de 1.000  bureaux locaux (pour 67 millions d’habitants) dont les prérogatives restent centralisées. Les directeurs régionaux de Pôle emploi doivent simplement signer « avec le Préfet [et donc l’Etat] une convention visant à programmer les interventions de Pôle emploi au regard de la situation locale de l’emploi et du marché du travail, à préciser les conditions de sa participation et de l’évaluation de son action ainsi qu’à définir les conditions de sa coopération avec les maisons de l’emploi, les missions locales et les partenaires locaux. » Rien n'oblige les directeurs régionaux de Pôle emploi à travailler avec les régions et si, la loi NOTRE a ouvert la porte à une « association renforcée », elle reste du domaine de l’expérimentation et est sujette à la volonté des deux partis.

A titre d’exemple, l’accès au fichier des demandeurs d’emploi a été refusé à la présidence de la région Ile-de-France en 2015. Une nouvelle convention entre la région et Pôle emploi a bien été négociée puis signée courant 2015 mais elle ne concerne que le volet formation et vient notamment de lancer un programme de notation en ligne des formations par les stagiaires. Peut mieux faire, donc. Même problématique pour la région Haut-de-France qui, faute de pouvoir travailler avec Pôle emploi, a tenté de lancer sa propre agence d’accompagnement des demandeurs d’emploi, Proch’Emploi. Sous pression, une nouvelle convention a bien été signée entre la région et Pôle emploi qui se focalise surtout sur les besoins de formation et de numérisation des services… et qui promet une meilleure collaboration entre Proch’Emploi (agence régionale) et Pôle emploi. Assez décevant. 

La politique de formation professionnelle et de développement économique des territoires sont déjà deux des plus importantes compétences des régions. Régionaliser Pôle emploi et ses missions dans les 13 nouvelles régions afin que ces dernières mettent en place un service public d'accompagnement des demandeurs d'emploi plus efficace, permettrait pourtant de créer une collectivité ayant autorité pour coordonner tous les acteurs et les moyens en matière de formation, de suivi et de placement des demandeurs d’emploi et qui puisse définir une stratégie territoriale de développement économique adéquate.

La bonne option, c’est de privatiser la mission de placement des demandeurs d’emploi : moins populaire, cette solution répondrait cependant aux excès de centralisation et d'homogénéisation de notre système de façon drastique. C’est ce qu’a choisi de faire l’Australie par exemple : l’indemnisation des chômeurs et le suivi administratif des dossiers sont restés dans le giron public mais le placement des chômeurs a été externalisé avec succès auprès de structures privées spécialisée,s pour la plupart non lucratives. Ces structures sont décentralisées et flexibles et ont des compétences locales spécifiques par filière d'emploi. Elles sont évaluées tous les trois mois en fonction de leurs performances. Sélectionné initialement par un appel d’offres du ministère de l’Emploi, chaque organisme peut voir sa position remise en cause, négativement ou positivement, par les résultats obtenus dans ces évaluations. Rendues publiques sous la forme d’une note sur une échelle de 1 à 5, ces évaluations obligent les organismes de placement à sans cesse parfaire leurs méthodes.

En France, sur le même modèle, on pourrait imaginer une régionalisation de la mission d’accueil des demandeurs d’emploi, de la mission d’indemnisation et de suivi des dossiers tout en privatisant le placement des demandeurs d’emplois à des structures autonomes. Pour aller plus loin, on peut même imaginer que des ex-agents de Pôle emploi eux-mêmes, décident de créer leurs structures autonomes d’accompagnement des demandeurs d’emplois. Ces nouvelles structures pourraient intégrer aussi les actuelles maisons de l'emploi.