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10 milliards d'économies sur la santé : passer des objectifs aux méthodes

En annonçant dix milliards de baisse sur trois ans des dépenses de l'Assurance-maladie, la ministre de la Santé est fidèle aux techniques de ses prédécesseurs. D'abord, présenter une moindre augmentation comme une baisse. Puis annoncer le montant des économies à réaliser dans les différents secteurs, mais sans traiter des méthodes pour y parvenir.

Des présentations identiques

Le premier tableau est extrait d'une conférence de presse de Roselyne Bachelot pour présenter le budget de la loi de financement de la Sécurité sociale ; le second, celle de Marisol Touraine. Mais des données similaires ont été présentées par tous les ministres de la Santé qui les ont précédées, dans le but de montrer que si la situation est catastrophique, elle aurait été pire sans leurs interventions.

Solde en Md €20102011 avant LFSS2011
CNAM-TS maladie -11,4 -14,5 -11,6

Note de lecture : le déficit aurait été de 14,5 milliards d'euros ; grâce aux mesures de la LFSS 2011, il ne sera que de 11,6

Solde en Md €20132014 avant LFSS2014
Maladie -7,7 -10,9 -6,2

Note de lecture : le déficit aurait été de 10,9 milliards d'euros ; grâce aux mesures de la LFSS, il ne sera que de 6,2

Des mesures identiques

Les « réformes » décidées cette année par la ministre sont très voisines de celles appliquées depuis une trentaine d'années : baisse du prix de certains médicaments, augmentation de la part de génériques, amélioration des achats des hôpitaux, raccourcissement de la durée de séjour à l'hôpital, amélioration des parcours de soins, réduction des actes inutiles. Des objectifs qui ne peuvent que faire l'unanimité, surtout si on ne parle pas de la façon de le atteindre.

Des réformes de structure absentes

La question du « comment » les atteindre, et de façon durable, n'étant pas traitée, les promesses de retour à l'équilibre dans les 5 ans ne sont jamais tenues. Dans le domaine de la santé comme dans les autres (écoles, retraites, agriculture…), seules des réformes de structure peuvent résoudre nos problèmes au fond tout en améliorant notre système de soins. Cinq exemples :

  • Objectif : éviter les examens et les traitements inutiles
  • Méthode : ouvrir les données de santé

Cet objectif fait consensus et a été visé par tous les ministres de la santé. Quarante années d'expérience ont montré que ni les conseils, ni les menaces, ni les incantations ne modifient la situation, au fond. Seule une information objective pourra faire progresser les pratiques. L'analyse statistique des données médicales de la CNAM et l'utilisation d'un dossier médical individuel complet, constituent deux outils indispensables et techniquement à la portée de note pays.

  • Objectif : renforcer la prévention
  • Méthode : ouvrir l'assurance maladie au premier euro à la concurrence

Une démarche de prévention ne peut se réaliser que dans un cadre de confiance et de motivation individuelles. Soixante dix ans d'expérience ont montré que la CNAM ne remplit pas ce rôle de prévention (sans doute n'a-t-elle pas reçu mission à le faire). Des assureurs ou mutualistes, choisis par les assurés et pouvant proposer des gammes variées de services pourraient être plus efficaces. Malgré leurs faibles moyens et leur manque d'information sur les maladies de leurs clients et sur les traitements qu'ils suivent, ils le montrent par leurs centres d'information et les partenariats signés dans l'optique, l'audioprothésie et les soins dentaires.

  • Objectif : évaluer l'efficacité réelle des traitements
  • Méthode : ouvrir les données de santé

En 2014, on ne connaît ni la façon dont les malades suivent leurs traitements, ni les écarts d'efficacité des soins suivant les types de malades, encore moins les conséquences des interactions entre plusieurs traitements simultanés ou successifs. Seule l'ouverture des données de santé aux chercheurs, assureurs et entreprises compétentes permettra d'appréhender la réalité des traitements et donc d'améliorer leur utilisation.

  • Objectif : réduire le coût de l'hospitalisation
  • Méthode : faire converger les coût des hôpitaux et des cliniques

Pour des soins identiques sur des groupes de malades similaires (le tarif est très détaillé, il comporte des milliers de cas), le coût de traitement dans les hôpitaux est supérieur à celui des cliniques, d'environ 20%. Un plan de convergence avait été mis en route en 2005 qui devait s'achever en 2012 puis 2018. Il a été arrêté en 2013.

  • Objectif : mutualiser les achats
  • Méthode : renforcer le pouvoir du management

Cet objectif, en bonne place dans tous les plans d'économies depuis un quart de siècle, permet de poser la question de fond, celle qui résume toutes les autres : pourquoi cette démarche n'a-t-elle pas été mise spontanément en place par les hôpitaux publics comme cela a été fait dans tous les groupes de cliniques, et même entre cliniques indépendantes ou de différents groupes ? Qu'est-ce qui bloque les évolutions naturelles dans les hôpitaux publics ? Pour les achats, parce que les services achats ne veulent pas disparaître et pour les chefs de service, parce qu'ils veulent conserver leur autonomie dans ce domaine. C'est sans doute le cas pour de nombreux produits et matériels médicaux, mais c'est criant pour les logiciels, tellement divers qi'ils ne peuvent pas communiquer, ni entre hôpitaux de la même région, ni même entre services du même hôpital. La seule solution consiste à renforcer le management et la gestion des hôpitaux. Pas seulement au niveau du directeur, mais aussi au niveau des chefs de service. Le contraire du message envoyé par le renvoi du directeur des hôpitaux de Paris parce qu‘elle ne plaisait pas aux responsables politiques locaux, et par le renvoi du directeur des hôpitaux de Marseille parce qu'il ne plaisait pas au syndicalistes locaux. Tous les deux étaient pourtant attelés à équilibrer les budgets de leurs établissements.

Objectifs fixés par Marisol TouraineMéthodes proposées par la Fondation iFRAP
• Éviter les examens et traitements inutiles ou redondants

• Améliorer le suivi des traitements par les patients

• Ouvrir les données de santé

• Mettre en œuvre le dossier médical électronique

• Ouvrir l'assurance maladie à la concurrence

• Guider les assurés et les malades dans le système de soins

• Mettre en place un véritable parcours de soins

• Renforcer la prévention

• Ouvrir l'assurance maladie à la concurrence
• Évaluer l'efficacité des traitements • Ouvrir les données de santé
• Réduire le coût de l'hospitalisation • Faire converger les tarifs des hôpitaux et des cliniques

• Renforcer le pouvoir du management dans les hôpitaux

• Fermer les services et les bâtiments hospitaliers sous-utilisés

• Protéger les hôpitaux des interventions des élus locaux

• Réduire le coût des médicaments • Aligner les prix français sur la moyenne des prix dans les pays européens comparables