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Le Snuipp s'intéresse au financement des écoles

Le Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC (Snuipp) vient de réaliser une enquête sur le financement des écoles du premier degré : "L'argent de l'école : en quête d'égalité". Nous les avons interrogés sur les résultats de cette enquête, qui met en avant de fortes disparités de financement des écoles en France comme le montre aussi notre étude comparant les coûts de l'enseignement public et de l'enseignement privé sous contrat.

Fondation iFRAP : Vous venez de publier les résultats d'une enquête assez inédite sur les moyens et le financement des écoles primaires. Quels sont vos constats ?

L'argent de l'école : En quête d'égalité

Snuipp : Notre enquête révèle de fortes inégalités dans les crédits scolaires alloués aux écoles. D'une école à l'autre, les écarts sont de un à dix ! C'est ainsi que le montant des commandes passées par les enseignants pour mettre en œuvre leurs enseignements (renouvellement des manuels scolaires, fournitures,…) peuvent varier de 13 euros à 130 euros par élève et par an. Quant aux sorties scolaires, leur financement tourne souvent au casse-tête pour les écoles. Certaines bénéficient d'une mise à disposition gratuite, d'autres de financements supplémentaires, alors que d'autres encore n'ont rien. En ce qui concerne l'équipement informatique, là encore les inégalités sont criantes. Le taux d'équipement qui est en moyenne très bas en comparaison avec nos voisins européens (8 ordinateurs pour 100 élèves) est également très variable d'une école à l'autre. A l'heure où tous les élèves doivent maîtriser leur Brevet informatique ( B2i) à la fin du CM2, cette situation va pénaliser les élèves scolarisés dans des écoles peu et mal dotées.

Au final, avec cette enquête, nous tirons la sonnette d'alarme. Nous craignons que ces disparités ne deviennent un facteur croissant d'inégalités mais aussi un point de rupture dans le principe de gratuité devant l'école.

Fondation iFRAP : Comment expliquez-vous ces différences ?

Snuipp : Il n'y a jamais eu égalité totale entre les écoles et cela tient aux liens historiques entre l'école et la commune. Mais aujourd'hui, alors que les besoins se multiplient, ces inégalités s'accroissent. On peut lier cette montée en charge des inégalités à la fois aux moyens financiers dont disposent les communes et à leur volonté en matière éducative, aux choix qu'elles opèrent, la ligne de partage ne se situant pas seulement entre communes riches ou pauvres, ni entre rural et urbain.

La loi fixe la responsabilité des communes pour certaines dépenses comme la construction et l'entretien des écoles, leur équipement (mobilier, chauffage, éclairage) et une partie des fournitures pédagogiques. D'autres obligations restent très imprécises, d'autant qu'il a été assigné sans cesse de nouvelles missions à l'école sans prendre la mesure des investissements nécessaires ni définir les responsabilités des uns et des autres. Photocopies, maintenance et équipement informatique, manuels scolaires, abonnement internet, logiciels éducatifs, classes découverte… sont autant d'exemples de domaines reposant sur les capacités de financement des communes. Certaines ont du mal à assumer. D'autres n'y voient pas une priorité.

Fondation iFRAP : Que faudrait-il faire pour corriger les inégalités de financement entre écoles (pour le fonctionnement, l'investissement) ?

Snuipp : Les communes se retrouvent trop souvent à assumer des coûts humains et financiers de mesures décidées par l'État. Ainsi par exemple, la lecture intégrale d'ouvrages de classiques de l'enfance et de la littérature jeunesse dès le CE2, qui va dans un sens positif pour doter les élèves de solides bases culturelles, nécessite de disposer de multiples exemplaires pour mener un travail sérieux. De même les écoles ont besoin de documents spécifiques pour enseigner l'histoire des arts récemment introduite dans les programmes, d'ordinateurs pour valider le B2i, de bus pour aller à la piscine… Le ministère ne peut plus faire l'impasse sur ces nouveaux besoins et sur la manière dont l'école doit les prendre en charge.

Il est temps de poser publiquement le débat, de sortir des systèmes permanents de « débrouille ». Parmi nos propositions, nous suggérons l'élaboration d'une charte d'équipement minimal pour définir un cartable de base indispensable à chaque élève. Celui-ci serait en partie financé par la création d'un fonds de péréquation pour venir en aide aux communes déshéritées. Une mutualisation des moyens par l'intercommunalité est déjà parfois opérationnelle, quelle place prend l'État dans la mise en œuvre de dispositifs garantissant plus d'égalité dans l'accès aux savoirs ?

Fondation iFRAP : Les communes ou les établissements eux-mêmes devraient-ils avoir la maîtrise de leur budget total (rémunération des personnels enseignants inclus), afin de clarifier le financement des écoles ?

Snuipp : La maîtrise du budget total ne garantit en rien contre la disparité de moyens. Celle-ci pourrait même s'aggraver en s'étendant aux rémunérations des personnels enseignants ! Pour les écoles, ce que dit l'enquête, c'est que pour la quasi totalité (96,16%) il faut définir un cadre recensant l'intégralité des moyens nécessaires au bon fonctionnement des écoles. 97,25% estiment qu'une remise à plat des responsabilités et de la répartition des charges en matière éducative entre État et communes est indispensable. Il s'agit de dire enfin qui fait quoi, qui paye quoi. C'est d'autant plus crucial que l'État, à la fois multiplie ses demandes et se désengage aujourd'hui de certaines de ses obligations. Les crédits pédagogiques Éducation nationale, destinés à financer la mise en œuvre des projets d'école ont été divisés par 13 depuis 2007.

Fondation iFRAP : Pensez-vous qu'il existe ces mêmes disparités de financement pour les écoles privées sous contrat ?

Snuipp : Notons d'abord que les disparités de financement entre public-privé ne sont pas en faveur du secteur public, on l'a encore vu récemment avec les suppressions de postes qui touchaient plus fortement le secteur public. Mais les écoles privées, soumises aux mêmes programmes, pourraient sans doute également trouver un intérêt à la mise à plat de l'équipement minimal dont devrait disposer toute école, par un cahier des charges national qui permettrait aussi de rationaliser les demandes des équipes et de concevoir des outils d'évaluation des dépenses.