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La mauvaise gestion des personnels de l'AEFE

Créée en 1990, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) est un établissement public national placé sous la tutelle du ministère des Affaires étrangères et européennes. Elle assure les missions de service public relatives à l'éducation en faveur des enfants français résidant hors de France et contribue au rayonnement de la langue et de la culture française en accueillant des élèves étrangers ainsi qu'au renforcement des relations entre les systèmes éducatifs français et étrangers. L'AEFE assure la gestion de l'ensemble des ressources humaines et financières apportées par l'État au fonctionnement des établissements d'enseignement français à l'étranger. Elle recrute, affecte, rémunère et assure l'inspection des personnels titulaires de l'Éducation nationale (plus de 6.500 personnes) qu'elle met à disposition des établissements dont elle a la gestion directe (75 en 2011) ou qui lui sont associés par une convention (163). Cependant cette définition idyllique ne reflète guère la situation réelle de ces établissements scolaires et de leur personnel.

Les enseignants et personnels administratifs, issus pour la plupart de l'Éducation nationale et recrutés par l'AEFE pour exercer à l'étranger, sont soumis à deux types de contrat : le contrat d'expatrié – le plus rémunérateur – ou le contrat de résident. Les personnels titulaires – expatriés et résidents – perçoivent un traitement en fonction de leur statut, grade et échelon. Les personnels expatriés perçoivent en plus une indemnité d'expatriation dont le taux est arrêté par le ministère des affaires étrangères et européennes et le ministère du budget.

« L'agence a choisi de compenser les suppressions de postes d'enseignants par le transfert des postes d'expatriés enseignants stricto sensu sur des fonctions de pilotage et d'animation pédagogique au niveau d'un pays ou de zones. L'objectif reste de maintenir un niveau d'encadrement par des agents titulaires à hauteur de 50% »

Source : Rapport d'activité 2008-2009 de l'AEFE

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Rapport d'activité 2009 de l'AEFE, extrait

Les personnels résidents perçoivent quant à eux une indemnité spécifique liée aux conditions de vie locale, l'ISVL (Indemnité Spécifique de Vie Locale). Ils peuvent aussi bénéficier d'un avantage familial qui doit couvrir a minima les droits de scolarité demandés. L'ISVL correspond à un pourcentage de l'indemnité d'expatriation - bon an mal an 15% - et ne correspond guère à la réalité des conditions de vie dans les pays de résidence. Le recrutement devrait être d'autant plus sérieux qu'il implique une dépense significative de l'argent public (la masse salariale représente 80% du budget de l'AEFE, soit plus de 525 millions d'euro). Il semblerait que les agents qui ont de l'entregent, après avoir exercé à l'étranger, reviennent servir trois ans dans les services centraux afin de pouvoir présenter à nouveau leur candidature à des postes d'expatrié (c'est pourquoi 65% des agents restent moins de trois ans au sein des services centraux). En outre, l'AEFE vient de créer des postes de coordonnateurs régionaux (pour la zone Asie, pour l'Amérique du Sud, pour le Moyen-Orient, pour la péninsule ibérique et pour l'Europe centrale) qui sont d'ores et déjà réservés aux plus fidèles collaborateurs de l'Agence.

Dans un rapport publié le 16 décembre, la Cour des comptes met en exergue le fait que le nombre de fonctionnaires continue d'augmenter en France contrairement à ce que l'on pourrait penser en vertu de la règle du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux. C'est évidemment le cas à l'AEFE : l'augmentation du nombre de postes à l'étranger a atteint plus de 10% depuis 2005. L'AEFE tente probablement de rassurer le contribuable en annonçant une augmentation de seulement 0,3% du nombre de postes entre 2008 et 2009.

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Plan d'orientation stratégique de l'AEFE 2010-2013

L'objectif défini dans le plan d'orientation stratégique de l'AEFE 2010-2013 est de maintenir un niveau d'encadrement par des agents titulaires d'environ 50%. Aucune réduction de postes en prévision ! Est-il réellement nécessaire de maintenir la part de fonctionnaires titulaires à 50% alors que dans certains pays (en Amérique du Nord ou en Europe par exemple) les employés locaux, en particulier dans l'enseignement des langues vivantes, sont tout autant qualifiés que les fonctionnaires issus de l'Éducation nationale ? Et que dire de l'augmentation significative du nombre d'agents employés dans les services centraux ? Entre 2005 et 2010, leur nombre est passé de 106 à 170, soit une croissance de plus de 60% en sachant que plus de la moitié de ces fonctionnaires sont de catégorie A, c'est-à-dire des fonctionnaires chargés de fonctions de conception, de direction et d'encadrement. L'organigramme de l'AEFE est d'ailleurs symptomatique de ce travers : l'équipe de direction est composée de cinq personnes (une directrice, un directeur adjoint, un secrétaire général, un secrétaire général adjoint et un chef de cabinet chargé des relations avec les élus). Équipe qui s'applique à ne pas réduire le vivier de postes d'expatriés vacants chaque année et à justifier coûte que coûte l'enveloppe des postes inscrits au budget. L'audit RGPP sur l'AEFE a effectué en 2009 de multiples missions en Amérique du Sud, aux États-Unis, en Asie, au Maghreb et en Europe... Dans le rapport d'audit, les critiques sont presque inexistantes : lors de la réunion de l'Assemblée des Français de l'étranger les 17 et 18 décembre 2010, la sénatrice Monique Cerisier ben Guiga signale que cet audit a constaté une gestion optimale de l'agence. Et, lors de la 12ème session de l'Assemblée des Français de l'étranger tenue entre le 1er et le 6 mars 2010, le rapport de la commission des affaires culturelles, de l'enseignement et de l'audiovisuel souligne que «  les conclusions de l'audit RGPP montreraient que l'AEFE est bien gérée et qu'il lui sera difficile de demander des efforts budgétaires supplémentaires ». Comment se fait-il que les critiques de l'audit soient si insuffisantes ?

« Aucune réduction de postes en prévision à l'AEFE ! Est-il réellement nécessaire de maintenir la part de fonctionnaires titulaires à 50% alors que dans certains pays (en Amérique du Nord ou en Europe par exemple) les employés locaux, en particulier dans l'enseignement des langues vivantes, sont tout autant qualifiés que les fonctionnaires issus de l'Éducation Nationale ? »

Que dire aussi du recrutement de neuf IA-IPR (Inspecteurs d'Académie-Inspecteurs Pédagogiques Régionaux) pour gérer le service pédagogique de l'AEFE alors que leur mission n'est plus prioritairement d'inspecter les enseignants mais de mener des missions « transversales », concept on ne peut plus flou... Est-il nécessaire d'avoir un service pédagogique au sein de l'AEFE alors que les missions de l'Agence sont strictement identiques à celles du Ministère de l'Éducation Nationale ? En outre les lycées français à l'étranger dépendent tous de différentes académies françaises pour l'organisation et la passation des examens (Diplôme national du brevet et baccalauréat) ; ils pourraient ainsi faire appel aux IA-IPR de ces académies pour leurs questions d'ordre pédagogique et l'inspection de leurs enseignants.

La gabegie devient encore plus préoccupante quand des établissements scolaires sont maintenus artificiellement en vie alors qu'ils auraient dû être fermés pour manque d'élèves (Harare, Helsinki, Sanaa...), sans oublier la classe préparatoire économique et commerciale du lycée français de Vienne qui ne compte que sept étudiants en première année. L'État continue généreusement à payer les salaires de tous ces professeurs qui peuvent facilement s'enorgueillir d'effectuer un suivi personnalisé des élèves.