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Exposition Universelle 2025 : oui, à condition qu'il n'y ait pas un euro d'argent public

La candidature pour organiser l’Exposition universelle de 2025 en France semble actée et aurait donc lieu un an après les jeux olympiques de 2024. Comme pour celles organisées en 1889 et 1900, cet événement se veut un moteur de développement pour la France. Selon les organisateurs, l’exposition dont la dernière en France remonte à 1937, devrait ne rien coûter au contribuable avec un financement provenant du secteur privé. Arriveront-ils à maintenir la promesse de 0€ de dépenses public ? A surveiller de très près.

C’est ce jeudi 28 mai 2015 que sera lancée la campagne  de soutien à l’organisation de l’Exposition universelle de 2025 en France. Cette campagne va s’appuyer sur divers événements pour faire connaître le projet auprès de la population ainsi que sur un film de 50 minutes[1] réalisé par la société Elephant at Work. L’officialisation de la candidature française à l’organisation de l’Exposition universelle remonte au 06 novembre 2014, jour où le président de la République a confirmé la volonté du pays d’organiser un événement de cette envergure sur le territoire.

À l’heure où se tient l’Exposition universelle 2015 à Milan autour du thème “Nourrir la Planète, Énergie pour la Vie” et qui se terminera le 31 octobre prochain, il semble pertinent de mettre en lumière le projet français pour 2025 (programme, financement) ainsi que son impact pour l’économie et le territoire.

« Au cœur des territoires s’ouvre celui des hommes »

Le projet de candidature est piloté par ExpoFrance 2025, association coordonnée par Jean-Christophe Fromantin (président d’ExpoFrance et maire de Neuilly sur Seine) et par l’économiste Christian de Boissieu (vice-président). Pascal Lamy, nommé par Manuel Valls sera le délégué interministériel en charge de la candidature française. On retrouve par ailleurs de nombreux partenaires tels que des grandes entreprises, PME, partenaires institutionnels (CCI, Medef, Ordre des avocats), mais aussi grandes écoles et universités. Le projet se veut rassembleur et compte également un grand nombre de soutiens dans la société civile, ainsi le projet a par exemple pour porte-parole, la navigatrice Maud Fontenoy et le mathématicien Cédric Villani.

Ayant pour thème : « Au cœur des territoires s’ouvre celui des hommes », la candidature française souhaite jouer sur la diversité et la richesse des territoires français. Par ailleurs ce thème permet de replacer l’humain au cœur des enjeux actuels à travers l’échange et le partage. Si le thème évoque la France et sa diversité territoriale, on peut tout de même s’interroger sur sa signification loin d’être claire à sa lecture.

L’organisation table sur une « décentralisation » de l’Exposition universelle dans le but qu’une grande partie des territoires français soient concernée et impliquée dans le projet. ExpoFrance 2025 propose un village numérique « la Tour Eiffel de cette Exposition universelle » selon J.C. Fromantin  et qui sera le cœur de l’événement. S’ajouteront 12 forums avec leur thématique propre et qui seront répartis sur les territoires français. 

Le projet de la candidature française pour l’Exposition  universelle:

Source : EXPOFRANCE 2025

La candidature met l’accent sur les territoires et la mobilité.  Les organisateurs souhaitent que les déplacements entre les divers forums soient une expérience à part entière. Ainsi le projet du Grand Paris avec le nouveau réseau de transport francilien (Grand Paris Express) s’inscrit au cœur de l’Exposition universelle et  devrait constituer la vitrine auprès des visiteurs. L’organisation de l’exposition se ferait à trois niveaux : Paris intra-muros, le Grand Paris et les métropoles régionales, des territoires comme Reims ou encore la région Haute-Normandie ont apporté leur soutien.

ExpoFrance a également élaboré son projet en partenariat avec la jeunesse. Consciente qu’en 2025, ces mêmes étudiants formeront l’élite de demain (cadres, dirigeants politiques, …), les organisateurs ont décidé d’intégrer plusieurs grandes écoles et universités afin de construire la candidature française. Ainsi 5 ateliers qui portent sur l’organisation (financement, communication, mobilités,…) ont été constitués et sont pilotés par des étudiants. Les établissements partenaires sont donc chargés de réfléchir sur le projet, chacun autour de sa spécialité (le CELSA pour la communication, ESCP et Paris I pour le financement et le modèle économique…). Regroupés sous une association ayant pour nom Labo 2025, les étudiants sont donc au cœur de l’événement et dans sa construction. Rares aujourd’hui sont les projets d’une telle envergure où la jeunesse et l’enseignement supérieur  sont directement impliqués.

Un financement 100% privé

L’une des spécificités du projet est son mode de financement. En effet, l’Exposition universelle devrait être financée uniquement via des fonds privés à travers sponsoring et mécénat, mais aussi auprès des particuliers. L’équipe de Jean-Christophe Fromantin  propose en effet un appel public à l’épargne. L’idée selon le président d’ExpoFrance 2025 est de créer une « start-up planétaire » et ce, sans faire appel aux finances publiques. Cependant un emprunt garanti par l’État d’un montant de 300 à 500 millions d’euros sera nécessaire selon l’économiste et vice-président de l’association Christian De Boissieu[2].

Concrètement le coût de la manifestation est évalué autour des 2,7 milliards d’euros. Voulant s’appuyer sur des installations déjà existantes et sur une décentralisation de certains lieux d’exposition, le budget parait raisonnable et du même montant que l’organisation des JO 2024 (estimé à 3 milliards d’euros selon les porteurs du projet dont 50,5% de financements privés).

Les étudiants de l’école de commerce parisienne ESCP et de l’université Paris I Panthéon-Sorbonne ont planché sur un possible plan de financement de l’Exposition universelle. Ce modèle table sur 70 millions de visiteurs sur les 6 mois de l’exposition.

Dépenses

Recettes

 Inférieures à 3 milliards d’euros

Dont : 1 milliard en budget d’exploitation et 1,6 milliard en budget d’investissement

 

3,5 milliards d’euros

Dont : 2,1 milliards d'euros de billetterie et le reste provenant du mécénat, sponsoring, marketing…

 

Source : ExpoFrance 2025

Ce chiffre de 70 millions de visiteurs parait bien prétentieux. Les éditions de 2015 et 2020 tablent sur une affluence entre 20 et 30 millions. Si  Paris a certes un fort attrait touristique, cet objectif semble difficile à atteindre. Même inquiétude pour le budget, qui, comme pour celui de la candidature aux JO 2024, semble sous-estimé[3]. L’Exposition 2015 de Milan a de quoi effrayer, entre corruption et dépenses superflues, l’événement italien est très vivement critiqué, notamment du fait des 1,2 milliard d'euros dépensés par le secteur public[4]. L’Exposition universelle de 2000 (l’une des dernières en date à s’être tenue en Europe) d’Hanovre a elle aussi laissé des traces avec un déficit d’1,5 milliard d’euros à la charge des collectivités, ceci à cause d’une faible affluence (seulement 18 millions de visiteurs).

Outre le tourisme, l’impact d’une Exposition universelle peut se révéler considérable pour le pays  aussi bien sur les plans économique que sociologique. Selon Patrice Ballester, docteur et professeur d’histoire-géographie, ce type de manifestation est «un moyen de communication et de diffusion d’une culture nationale et d’un savoir-faire»[5]. Dans un autre article scientifique paru dans la revue Méditerranée[6], Jean-Bernard Castet, docteur en urbanisme (Université de Provence), montre que les Expositions universelles «ont acquis peu à peu une mission éducative et pédagogique en ouvrant leur portes à un large public». Toujours selon l’urbaniste, ces manifestations doivent être «des matrices de développement urbain et de croissance économique dans le but d’impulser de nouvelles dynamiques métropolitaines», éléments qui semblent pris en considération par les organisateurs français en y incluant de suite le projet du Grand Paris.

Si ce projet est réellement financé à 100% par le privé, l’Exposition universelle pourrait être une chance pour la France. Projet qui se veut rassembleur et fédérateur, il pourrait servir de levier aux start-up et à toute l’économie française dans le but d’un renouveau économique autour du numérique. Sous l’impulsion d’ExpoFrance, cette candidature a déjà le mérite d’avoir permis de rassembler entrepreneurs, grands groupes, personnalités politiques (gauche et droite réunies), société civile mais aussi les universités et les étudiants. Procédé malheureusement  encore trop rare en France.

Réponse définitive en 2018 : 

L’organisme international qui étudie les candidatures et désigne les organisateurs des Expositions universelles et spécialisées est Le BIE (Bureau International des Expositions), dont le siège est à Paris. La prochaine Exposition universelle se déroulera en 2020 à Dubaï avec comme thème «Connecter les esprits, Construire le futur». Avant cela Astana (Kazakhstan) organisera une exposition spécialisée sur le thème «énergies durables, environnement. L'avenir de la planète ». Pour la candidature française, le dossier devra être remis au plus tard le 1er janvier 2016, le vote final aura lieu en 2018. Les autres candidats seraient entre autres le Brésil (déjà candidat pour 2020 avec la ville de Sao Paulo) et le Royaume-Uni.


[1] Film présentant le projet ExpoFrance 2025, directement téléchargeable ici (durée 50 min): http://bit.ly/1dxzNnK

[2] lacroix.fr, 04/03/2015, «À Paris, le match Expo universelle 2025 contre JO 2024», http://bit.ly/1PNbJOQ

[3] Fondation iFrap, 06/05/2015, « JO 2024, combien ça va coûter », http://bit.ly/1J5eSnw

[4]  Lemonde.fr, 29/04/2015, Exposition universelle de Milan, un chantier à l’italienne, http://bit.ly/1RpRHaz

[5] Ballester Patrice, 2013, «Les Expositions universelles et internationales comme des méga-événements : une incarnation éphémère d’un fait social total ? », Horizontes antropologicos. vol.19 no.40 Porto Alegre July/Dec. 2013, http://bit.ly/1cZlsjc

[6] Castet Jean-Bernard, 2010, «L’impact des expositions internationales et universelles sur les métropoles de la péninsule ibérique: Séville / Lisbonne / Saragosse », Méditérranée, 114, 2010 (en ligne le 30/09/2012), http://bit.ly/1ciKQQm