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Pourquoi la taxe de 3 % sur les dividendes est une erreur

Nos PME et ETI ont besoin de capitaux

Les sociétés réalisant plus de 50 millions de chiffre d'affaires et employant plus de 250 salariés devraient se voir imposer une taxe de 3% sur les dividendes qu'elles versent à leurs actionnaires. Une grave erreur économique à tous propos.

Cette taxe va frapper les ETI (entreprises de taille intermédiaire) comme les grandes entreprises. Or la France manque d'ETI comparativement aux autres pays, notamment à l'Allemagne dont on souligne depuis longtemps l'efficacité de leur Mittelstand. Ce sera pour la France un effet de seuil supplémentaire qui découragera les entrepreneurs de grandir. Le gouvernement s'intéresse aux PME, mais il s'attaque en fait à celles qui ont réussi et voudraient passer à la taille supérieure.

D'autre part, dans ces PME se comptent beaucoup d'entreprises familiales, dont la pérennité fait en France aussi particulièrement défaut, comme le montrent des études récentes. Très souvent ces entreprises ne dépassent pas une génération, leur fondateur préférant les vendre au moment de prendre sa retraite, et quelquefois s'exiler pour cause d'ISF. Lorsqu'elles parviennent à passer le cap des premières générations, entre en cause cette fois l'intérêt que peuvent avoir les différents héritiers à conserver les actions dans leur patrimoine. Un seul d'entre eux conserve la direction de l'entreprise, et les autres héritiers préfèrent céder leur participation, surtout si celle-ci est taxée à l'ISF. La loi Dutreil a amélioré les possibilités de conserver les entreprises dans le patrimoine familial, mais encore faut-il que ce patrimoine présente un intérêt financier, et qu'en conséquence il puisse rapporter des dividendes. Lorsque certains héritiers veulent néanmoins céder leur participation, les héritiers restant doivent s'endetter pour racheter leur part, et là encore les dividendes restent le seul moyen pour eux de récupérer leur mise.

En ce qui concerne les grandes entreprises, le problème est différent mais tout aussi prégnant. Toutes les entreprises ont besoin de capitaux, en particulier pour assurer leur expansion et exporter à l'étranger, ce qui constitue un pari risqué et de long terme pour les actionnaires. La perspective de percevoir des dividendes est absolument indispensable. Les entreprises françaises manquent de capitaux, et pour les attirer, qu'ils viennent de France comme de l'étranger, la France ne doit pas se singulariser par une fiscalité décourageante. Or les gouvernements français successifs envoient des signaux défavorables à ce sujet, avec la hausse très forte des prélèvements sociaux depuis plusieurs années, et maintenant avec la suppression du prélèvement fiscal forfaitaire, puis la dernière tranche de l'IR à 75%. S'y ajouterait donc encore la taxe de 3% sur les dividendes.

Enfin, en ce qui concerne les très grandes entreprises, cotées en Bourse, qui réalisent autour de 80% de leur chiffre d'affaires à l'international et qui ne peuvent pas se passer des capitaux étrangers, que vont-elles faire ? Elles ont en fait trois choix possibles : maintenir coûte que coûte leurs dividendes, les diminuer, ou… songer à transférer leur siège social à l'étranger.

Dans le premier cas, la nouvelle taxe aura l'effet pervers évident d'aller à l'encontre du but qu'on prétend lui assigner, à savoir inciter les entreprises à investir plutôt qu'à distribuer des dividendes : ce sera alors l'investissement qui subira les conséquences du maintien des dividendes.

Dans le second cas, ce seront les capitaux étrangers qui risqueront de faire défaut. Enfin on aurait tort de sous-estimer le dernier cas, car les très grandes entreprises françaises n'ont pas seulement la majorité de leurs activités et de leur personnel situés à l'étranger, elles ont aussi une majorité d'actionnaires étrangers. D'ores et déjà on sait que bien des entreprises pensent à expatrier, pour des raisons fiscales, leur direction. Elles peuvent aussi choisir de transférer leur siège social et perdre ainsi leur nationalité française. Cette addition de mesures devient très risquée. Ces potentiels 800 millions d'euros de recettes fiscales nouvelles risquent de coûter bien plus cher à la France.