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Pour l'emploi, améliorer le taux de marge des entreprises.

Le programme Hollande aurait pour conséquence de l'abaisser.

Le taux de marge des entreprises mesure la vitalité des entreprises, c'est-à-dire leur faculté de dynamisme et de création d'emplois. En termes généraux, il s'agit de l'EBE (excédent brut d'exploitation), lui-même égal à la VA (valeur ajoutée) diminuée des salaires chargés et des impôts sur la production. Relever le taux de marge est une clé essentielle de la diminution du chômage. Or la récente note de conjoncture de l'INSEE de mars 2012 nous apprend que le taux de marge des entreprises françaises a atteint fin 2011 un plus bas historique (en 2011, 305 milliards d'EBE pour une VA de 1008 milliards).

L'amélioration de ce taux de marge suppose de baisser les impôts sur la production et le coût du travail. C'est malheureusement tout le contraire qui nous est proposé en particulier par le programme du candidat socialiste.

Le 28 mars, l'INSEE a précisé ainsi son chiffrage : « En moyenne sur l'année, l'accélération de la valeur ajoutée (+3,7 %, en valeur après +1,9 %), a été compensée par le dynamisme des rémunérations (+4,4 % après +2,1 %) et des autres impôts sur la production qui ont rebondi après la suppression de la taxe professionnelle en 2010 (+8,8 % après –2,5 %). Au total l'EBE augmente peu, bien moins que la valeur ajoutée, si bien que le taux de marge des SNF baisse, à 29,1 % en 2011 après 30,1 % en 2010, atteignant son plus bas niveau depuis 1985 ».

La faiblesse du taux de marge des entreprises françaises, mise en évidence par l'INSEE, est plus significative encore dans le cadre d'une comparaison internationale, ce que les tableaux ci-dessous montrent clairement depuis de nombreuses années (évolution 2000-2008).

Taux de marge des sociétés non financières
France Allemagne
2000 31,2 36,2
2008 31,6 41,1

Sources INSEE et Destatis

Taux de marge des sociétés industrielles manufacturières
France Allemagne Zone euro (hors France et Allemagne)
2000 37,7 26,5 45,2
2008 30,9 32,3 43,6

Source Rexecode

On observe ainsi en France une stagnation des résultats, voire une forte chute pour les sociétés industrielles, contrastant avec des taux beaucoup plus favorables en Europe et un net redressement en Allemagne.

Explications de l'évolution récente par l'INSEE

L'INSEE attribue la baisse du taux de marge de 2010 à 2011 pour les deux-tiers (deux fois 0,4 point) à «  l'augmentation des coûts salariaux réels », en raison d'une part de l'annualisation des allègements de charges patronales et d'autre part de la hausse du salaire réel par tête. Le dernier tiers est attribuable au choc pétrolier. Cette dégradation de 1,2 point est pour la moitié compensée par une hausse de productivité.

Il s'agit là d'une situation alarmante à laquelle il est nécessaire de porter remède. D'abord parce que le niveau du taux de marge est beaucoup trop bas en valeur absolue, ensuite parce que la hausse des cotisations sociales et des salaires se conjuguent pour baisser encore davantage ce taux, et enfin parce que les entreprises n'ont d'autre solution pour y remédier que l'augmentation de la productivité, ce qui signifie hausse du chômage, rôle accru du capital au détriment de l'emploi, et augmentation des exigences vis-à-vis des salariés (et donc du stress de ces derniers). Les entreprises s'enferment en définitive dans un cercle vicieux où le niveau élevé des charges de production (impôts et salaires chargés) bride le dynamisme et la faculté d'embauche des entreprises, et où la seule réponse possible est l'augmentation du taux de productivité qui bien entendu a ses limites et provoque les réactions opposées des salariés.

On retrouve ici la problématique bien connue du coût de la protection sociale, reposant en grande partie sur les entreprises, qui a contraint depuis 1993 à introduire des allègements de cotisations, encore augmentés par l'instauration des 35 heures. Ces allègements coûtent au total 30 milliards par an aux finances publiques. Comme ils ne deviennent plus financièrement tenables, ils sont de plus en plus grignotés, et risquent de l'être encore bien davantage dans l'avenir comme on va le voir.

Chiffrage des charges supplémentaires sur le coût du travail proposées par le programme socialiste, et de la baisse du taux de marge qui en résulterait. Face au problème du chômage, la faiblesse du taux de marge actuel devrait interpeller les candidats à la présidence et les inciter fortement à proposer des mesures favorables aux entreprises, ou à tout le moins à ne pas charger encore davantage la barque des entreprises. Or, soit le sujet n'est pas traité, soit c'est très exactement le contraire que l'on observe, comme à propos du programme du candidat socialiste. On sait que ce dernier reposait à l'origine sur une augmentation de dépenses d'environ 20 milliards, et de recettes d'environ 49 milliards, évaluation qui paraît, du côté recettes tout au moins, avoir diminué. Sur le sujet de l'emploi, le programme introduit – ou pérennise - deux mesures, les « emplois d'avenir » au nombre de 150.000 dans le secteur non marchand, et les contrats de génération au nombre de 500.000 (embauche simultanée d'un jeune et d'un senior). Le coût total est difficile à estimer car les mesures sont sans cesse recadrées quant à la hauteur des exonérations de charges sociales incitatives les accompagnant. Seule la seconde mesure concernerait les entreprises, mais elle ne toucherait qu'une faible partie des charges (l'assurance-chômage) pour un montant que le PS estime à environ 2,2 milliards par an. Outre que l'effet sera surtout symbolique et que l'estimation de 500.000 contrats est très surestimée, il faut surtout mettre cette mesure en parallèle avec la cascade de charges complémentaires sur les entreprises proposées par le candidat, dont voici la liste pour les seules qui se traduisent dans le coût du travail. [1].

Assurance chômage : Surcotisation de 2 points 0,6 milliard
Participation et intéressement : assujettissement à certaines cotisations 1,6 milliard
Epargne salariale : assujettissement à la taxe sur les salaires 0,3 milliard
Epargne salariale : prise en compte pour les allégements sur bas salaires 1,7 milliard
Alignement du régime social des indépendants sur le régime général 2,1 milliards
Relèvement de 0,1 point/an les cotisations patronales et salariales 4,6 milliards (en 2017)
Abaissement à 1,5 Smic des allégements de cotisations sur bas salaires 3 milliards
Suppression des exonérations fiscales sur heures supplémentaires (sauf TPE) 3 milliards
TOTAL 16,9 milliards

Ces 17 milliards environ représentent donc la surcharge en termes de coût du travail pour l'ensemble des entreprises. Bien entendu cela ne signifie pas que toutes les entreprises françaises se partageraient également la charge globale, et à ce sujet on peut relever que les travailleurs indépendants à eux seuls devraient faire face à une surcharge de 2,1 milliards. Sachant que leurs cotisations se montent à 23,7 milliards (chiffres 2009), cela signifierait une augmentation brutale de près de 10% !!

Quant au coût du travail des salariés, qui augmenterait de 14,8 milliards (16,9 – 2,1), sachant que les cotisations patronales se montent à 318 milliards et les cotisations salariales à 101 milliards (chiffres 2009), la hausse équivaudrait à 3,5% [2]. Ce chiffre est considérable. Par exemple, même si ceci n'a pas de signification au niveau microéconomique, la hausse du coût horaire moyen serait d'environ 0,5 euro (sur la base d'un nombre annuel très approximatif d'heures rémunérées d'environ 30 milliards) pour un coût actuel de 33 euros environ. Jamais pareille augmentation n'a été constatée, s'additionnant à celles qui toucheront le salaire net.

Sur la base de l'année 2011, qui a connu une valeur ajoutée des sociétés non financières de 1.008 milliards pour un EBE de 305,4 milliards, une augmentation des charges sociales de 14,8 milliards additionnée à une hausse de 3,4 milliards de CVAE, aurait diminué, toutes choses égales par ailleurs, l'EBE de 22,2 milliards, soit à 283,2, et le taux de marge aurait été de 28,1. C'est un niveau que la France n'avait pas connu depuis la période 1981-1985, où les réformes du gouvernement Mauroy avaient dû être suivies de la brusque volte-face annoncée par Jacques Delors en 1983 qui mettait en priorité absolue…la baisse des dépenses publiques. Cette baisse des dépenses publiques n'est absolument pas à l'ordre du jour dans le programme socialiste. Bien au contraire, les nouveaux sacrifices imposés aux entreprises pour le financement de ces dépenses viennent à contre temps, et sont de nature à détériorer encore davantage l'emploi en France, et à casser la croissance qui pourrait se manifester.

[1] Il y a par ailleurs un ensemble de mesures fiscales défavorables, concernant l'impôt sur la société mais aussi une augmentation de la CVAE (qui a remplacé la taxe professionnelle) pour 3,4 milliards estimés.

[2] Nous additionnons les cotisations patronales et salariales car il n'y a pas de différence entre elles du point de vue économique, et l'augmentation des cotisations salariales contraindra dans une certaine mesure les employeurs à augmenter le salaire brut.