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Les vrais chiffres de l'imposition du capital

Bertrand Nouel signe un article sur les véritables taux d'imposition du capital en France dans le quotidien La Tribune.

Les débats entourant le financement du RSA soulèvent la question de la taxation du capital, et de son niveau en France, dont on nous dit qu'il serait faible en comparaison de celui des pays voisins. Qu'en est-il exactement ?

Il existe plusieurs méthodes de mesure du taux d'imposition. L'organisme Eurostat fournit plusieurs statistiques instructives qui comparent chacun des 27 pays de l'Union Européenne entre eux et par rapport à la moyenne des pays, et qui renseignent aussi sur l'évolution des impositions dans le temps.

Tout d'abord, il n'étonnera personne de savoir que la France est solidement accrochée à la première place, et de loin, pour l'imposition du capital à raison de sa détention : ceci est dû à l'ISF, exception française, mais aussi aux taxes foncières, qui ont fortement augmenté ces dernières années à la différence de l'évolution dans les autres pays… ou encore à la taxe professionnelle, d'aussi mauvaise réputation. Ceci n'est pas nié par le Gouvernement, Christine Lagarde ayant proposé d' « aménager » l'ISF en compensation de la taxe RSA mais sans succès, tant l'ISF est tabou dans notre pays.

En ce qui concerne maintenant l'imposition sur les revenus du capital des ménages, dont l'assiette correspond à celle de la nouvelle taxe RSA, Eurostat nous indique que la France est huitième sur 27, ce qui ne la place certainement pas dans les pays les moins taxés ! Force est de constater que cette taxation a augmenté de près de 40% au cours des dix dernières années. D'autant que les chiffres indiqués ne prennent pas en compte l'augmentation de 16% à 18%, à partir des revenus 2008, du prélèvement forfaitaire sur les revenus et plus-values d'origine financière. Avec la CSG, créée en 1991 au taux de 1,1% contre 7,5% maintenant, et la CRDS, quasiment pérennisée contrairement aux prévisions lors de sa création en 1996, la taxation des revenus en question atteint 29%, et devrait passer à 30,1% avec la taxe RSA. Petite précision qui a son intérêt, le prélèvement forfaitaire est calculé sur le montant brut des revenus, c'est-à-dire avant prélèvement de la CSG/CRDS : il y a donc impôt sur impôt, et le prélèvement en question est en réalité non pas de 18% mais de 20,2%.

Enfin, Eurostat a publié, sur la base des données 2006, un tableau des « taux d'imposition implicite » (TII) des pays européens par type d'activité économique. Le TII mesure la charge fiscale totale, toutes impositions confondues, portant sur un type donné de ressources. On en distingue trois types : la consommation, le travail et le capital. Le TII sur le capital comprend ici l'impôt sur les bénéfices des sociétés, en même temps que l'imposition sur l'épargne des ménages et l'ISF. Son assiette est donc plus importante que celle sur laquelle porte la future taxe RSA, mais il n'est pas sans signification d'un point de vue macroéconomique, et même pour les ménages, de considérer la totalité de l'imposition sur le capital (les dividendes des sociétés dépendent par exemple du niveau de l'imposition sur leurs bénéfices).

Les chiffres Eurostat permettent d'abord de remarquer que l'imposition sur la consommation, dont il est souvent dit qu'elle serait injuste car pesant également et sans progressivité sur l'ensemble des citoyens, a baissé en France de 22,1% à 20% de 1996 à 2006 et est inférieure de deux points à celle de la moyenne de l'Union Européenne. L'imposition sur le travail a légèrement augmenté d'un point pendant la même période, mais est supérieure de plus de sept points à celle de la moyenne de l'UE. Quant à l'imposition sur le capital (qui comprend taxation sur les revenus du capital et sur le capital), égale à 41,5%, elle place la France en seconde position, juste après l'Irlande et a augmenté de près de sept points en dix ans, et se trouve supérieure de 11,5 points à celle de la moyenne de l'UE !