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« Le calvaire des contribuables va s'aggraver »

Le gouvernement se livre à une surenchère d'idées, non pas pour baisser les dépenses publiques, mais pour augmenter les impôts directs. Un ballon d'essai a d'abord été lancé par Bruno Le Maire : et si l'on transformait le crédit d'impôt pour l'emploi à domicile en aide sociale, forcément conditionnée aux revenus ? Un mauvais coup potentiellement à venir, après bien d'autres portés à la politique familiale. Adieu l'universalité des prestations !

D'autres informations ne sont pas plus rassurantes : certains ministres ne seraient pas opposés à une nouvelle tranche de l'impôt sur le revenu au-delà de la tranche à 45%. Ils oublient qu'avec la CSG la France est déjà au maximum par rapport à ses voisins européens et qu'il existe une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus supérieurs à 250.000 euros par an pour un célibataire et 500.000 euros pour un couple.

Puis, ce fut le tour de Gérald Darmanin d'y aller de ses propositions : pourquoi ne pas raboter encore le plafond des niches relatives à l'impôt sur le revenu et en profiter pour les mettre sous conditions de ressources ? Le ministre veut « récupérer 1 milliard sur les niches qui profitent aux plus aisés » pour, bien entendu, « baisser de 180 euros l'impôt sur le revenu de ceux qui gagnent jusqu'à 1.800 euros par mois ». Et ce, alors même qu'il souligne que les 10% des plus aisés paient 70% du produit de l'impôt sur le revenu… Le but est-il de leur faire progressivement payer 80% de ce produit en concentrant encore un peu plus cet impôt ? Ce scénario, les contribuables l'ont déjà vécu des dizaines de fois.

L'idée d'un plafond global des niches fiscales est apparue sous Chirac en 2005 (en contrepartie de la mise en place du bouclier fiscal Villepin). À l'époque, l'ensemble des niches existantes furent pourvues de plafonds. Seuls y échappèrent alors l'aide à la réhabilitation des secteurs sauvegardés (loi Malraux), monuments historiques, régime des loueurs en meublés et soutien à l'investissement outre-mer.

À partir de 2009, sous Sarkozy, un plafond fut officiellement introduit sur les niches de l'impôt sur le revenu, composé d'une double limite : le total des avantages fiscaux visés ne pouvait procurer une réduction d'impôt d'un montant supérieur à 25.000 euros auquel s'ajoutait un montant proportionnel en fonction du revenu imposable (10%). L'administration fiscale a raboté année après année, ces deux plafonds (20.000 euros et 8% en 2010, 18.000 euros et 4% en 2012). À compter de 2013, à l'exception des niches fiscales relatives aux DOM et aux aides au cinéma (le gouvernement de l'époque n'allait tout de même pas se fâcher avec les cinéastes et les producteurs !), seul le plafond forfaitaire de 10.000 euros a subsisté. Pour les dispositifs concernant les DOM et les Sofica, il est fixé à 18.000 euros.

Se focaliser sur les niches est spécieux si on oublie de dire que les niches n'augmentent que parce que les impôts eux-mêmes augmentent et sont devenus confiscatoires dans notre pays. Les niches représentent une soupape pour éviter le « ras-le-bol » fiscal des contribuables qui payent de lourds impôts directs. Ces dix dernières années, la pression fiscale a explosé avec plus de 335 milliards d'impôts et cotisations à payer en plus. Voilà pourquoi la totalité des niches fiscales a crû, au cours de la même période, de 30 milliards d'euros. Dans le même temps, les dépenses publiques, en rien freinées, ont augmenté de plus de 238 milliards.

Quand une famille paie 16.000 euros net d'emploi à domicile dont environ 6.000 euros de charges, est-il inconvenant qu'elle bénéficie d'une réduction d'impôts de 6.000 euros alors que les emplois au smic dans les entreprises se rapprochent du zéro charges pour l'employeur ? Les membres du gouvernement ont beau dire que le crédit d'impôt emplois à domicile ne serait pas concerné par le rabotage des niches, on comprend bien qu'ils comptent bien y toucher d'une manière ou d'une autre.

Et ce n'est pas tout. Le gouvernement envisage très sérieusement de revenir sur le principe d'exonération des plus-values de cessions des résidences principales en France à partir d'un certain montant. Pour toutes les maisons et appartements des Français ? Que nenni, ce serait en fonction du prix de vente… et, technique bien connue comme pour l'ISF, sans tenir compte de l'inflation. Nous voilà donc partis pour de nouvelles niches dont bénéficieront certains propriétaires qui vendront leur résidence principale, mais pas les autres ! Le summum de l'hypocrisie sera atteint si l'on décide de mettre en place un plafonnement global des niches variable en fonction du revenu.

La situation n'est pas plus rassurante à l'égard des droits de succession. Les augmenter est le nouveau dada des « instances de réflexion » publiques, très inquiètes qu'il puisse encore y avoir en France des héritiers, des entreprises et des patrimoines qui se transmettent. Là aussi, leur solution est simplissime : raboter les exonérations et les abattements et faire payer en fonction du patrimoine reçu tout au long de la vie. Dommage que ces messieurs n'aient pas jeté un œil aux statistiques OCDE qui montrent que la France taxe déjà le plus en matière de successions et donations (elles représentent 0,55 point de PIB) et l'un des abattements des plus bas. Nos voisins européens baissent les droits de succession. Dans l'ancien paradis de la social-démocratie, la Suède, les droits de succession ont été purement et simplement supprimés. L'idéologie fiscale nous perdra.

Pendant ce temps, la Cour des comptes, dans son rapport annuel 2019, s'alarme à juste titre de la situation de nos finances publiques : la dette augmente pour tutoyer les 100% du PIB ; le déficit grimpe à nouveau au-delà des 3% et, plus largement, nos finances publiques sont fragiles. La Cour demande une fois encore de vraies économies sur les dépenses publiques.

La vérité, c'est que si l'on n'y prend garde, ce quinquennat risque fort d'être le quinquennat de l'explosion de la pression fiscale et du départ massif de nos cadres à l'étranger. Après les vrais riches, ce sera les « moyens riches »… et ainsi de suite. Mais rassurez-vous, d'autres viendront prendre la place. On pourra toujours pleurer sur le fait que les Chinois - ou d'autres -, rachètent la France. Il sera déjà bien tard.

Cette tribune a été publiée dans le Figaro du vendredi 8 février 2018. A voir, en cliquant ici.