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L'amendement Eckert sur les plus-values, bon exemple des maux de la fiscalité française

Cet amendement vise à priver les investisseurs dans des PME non cotées créées depuis moins de 10 ans, du bénéfice de l'abattement d'assiette incitatif majoré à 85% sur le montant des plus-values de cession pour détention supérieure à 8 ans, pour l'application du barème progressif de l'IRPP, s'ils ont déjà bénéficié de la réduction d'impôt de l'avantage Madelin à la souscription des actions et de ramener alors l'abattement aux 65% du nouveau régime normal et ce, afin d'éviter que dans certains cas le cumul des avantages fiscaux puisse conduire à une subvention.

Comment en est-on arrivé à une telle complication ?

À l'origine il y a une promesse électorale d'une habile démagogie : taxer à l'impôt sur le revenu les produits du capital en appliquant le même barème progressif que pour la rémunération du travail. Cette promesse a séduit beaucoup d'électeurs auxquels on n'a jamais enseigné les principes de l'économie.

Cette promesse consiste en fait à taxer les plus-values de cession d'actions au barème progressif au lieu de l'ancien impôt proportionnel à taux fixe (les dividendes étaient déjà taxés au barème progressif) Elle ignore que les créations d'emploi dans les pays développés sont majoritairement le fait des nouvelles entreprises, que le développement de ces entreprises nécessite des capitaux et que ces capitaux sont hautement risqués ; en effet il n'y a pas d'AGS ni d'Assedic pour protéger les investisseurs en capital si l'entreprise fait faillite. Il n'est donc pas anormal que les produits d'un capital risqué soient moins lourdement taxés que les revenus garantis si l'on veut encourager l'investissement.

Elle ignore aussi que le capital, qu'il soit épargné, qu'il ait fructifié ou ait été hérité, a déjà payé au moins une fois l'impôt sur le revenu épargné, sur les produits ou plus-values du capital ou sur l'héritage (et même deux fois s'il est assujetti à l'ISF) et que le taux des prélèvements sociaux sur les produits du capital est déjà le double de celui sur les salaires, et qu'ainsi les produits du capital sont en fait plus taxés que ceux du travail.

Lors du vote de la loi de finance pour 2013, le mouvement des Pigeons a très médiatiquement mis en évidence l'absurdité de la taxation au barème de l'IRPP des plus-values réalisées par les fondateurs et financeurs des nouvelles entreprises. Pour y remédier sans se renier, le Président a réuni des assises de l'entrepreneuriat et a proposé d'accorder des abattements d'assiette en fonction de la durée de détention des actions.

Ainsi les taux confiscatoires sont maintenus mais ils ne s'appliquent qu'à une partie de la plus-value réalisée ce qui ramène le taux réel sur la totalité de la plus-value au voisinage des taux anciens après deux ans de détention, mais au prix d'une épouvantable complication pour déterminer l'ancienneté de détention dès qu'il y a des achats ou cessions partielles, des augmentations de capital ou des dividendes en actions !

De plus si une cession d'actions de PME vendues après 8 ans, mais avant dix ans, par un investisseur assujetti au taux marginal d'IRPP de 41% plus prélèvements sociaux (qui ne bénéficient pas de l'abattement) dégageait par exemple 75% (ou moins) de plus-value sur le montant investi, la taxation à 41%x15%+15,5%=21,65% de ces 75% soit 16,24% du capital investi serait inférieure à la réduction d'impôt Madelin de 18% du capital investi et l'investisseur aurait reçu une subvention de 1,3/4%, c'est ce qui justifie l'amendement Eckert !

Si la taxation IRPP était plus forte avec un taux marginal de 45% et l'application de la majoration exceptionnelle de 4% pour les très hauts revenus, la taxation serait de (45x1,04x15%+15,5%)x75%=16,9%, encore inférieure aux 18% de l'avantage Madelin.

Si M. Eckert poursuivait son raisonnement jusqu'au bout, il existera toujours un niveau de plus value assez faible pour que la taxation soit inférieure à l'avantage Madelin, même avec un abattement d'assiette de 35% seulement ; donc il faudrait mettre en place un mécanisme de récupération partielle de l'avantage Madelin, ce qui reviendrait à dire que l'avantage Madelin n'est acquis que si l'investissement est raté !

Cette opération rassemble les principaux défauts de la fiscalité française :

  • des taux démagogiques mais nuisibles à l'économie et à l'emploi ;
  • la création de « niches » pour pallier les effets nuisibles de ces taux ;
  • l'instauration de mesures anti-abus rétroactives pour éviter qu'on utilise trop bien les niches.

Avec pour résultat une complication sans cesse croissante et une instabilité de la fiscalité qui dégoûtent de plus en plus les investisseurs et surtout les étrangers, et une perte de confiance dans la parole de l'État.