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La mauvaise proposition Piron sur la réforme de l'IR

Le député Piron lance à nouveau une idée contre l'intérêt de son camp. Dans le cadre de la loi de finances rectificative qui va entériner la réforme de l'ISF, il propose d'introduire une nouvelle tranche d'impôt sur le revenu à 46% (contre 41% maximum à l'heure actuelle) à partir de 150.000 euros de revenus déclarés par an et par part du foyer fiscal. Étonnamment, le député UMP reprend une mesure qu'il avait déjà proposée à l'automne dans sa proposition de loi visant à supprimer l'ISF et le bouclier fiscal [1]. On aurait pu comprendre que, en parallèle de la suppression totale de l'ISF, une nouvelle tranche de l'IR soit instaurée mais cette proposition allait alors de pair avec la suppression pure et simple de l'ISF [2].

Or, comme l'ISF n'est -malheureusement- pas supprimé (contrairement au bouclier fiscal) dans ce collectif budgétaire, pourquoi le député persiste-t-il dans cette proposition ? Selon son exposé des motifs, ce serait pour la raison suivante : au-delà de 150.000 euros de revenus par part, les revenus du patrimoine seraient supérieurs à ceux du travail. Selon nos informations, rien n'est moins établi puisqu'il semblerait que les revenus au-delà de 150.000 euros seraient composés à 67% de revenus du travail, jusqu'au seuil de 190.559 €. Ce n'est qu'à ce stade que les revenus individuels d'activité chutent à 52% et pour des revenus individuels moyens de 302.000 € par part. Il faut ensuite atteindre le seuil de 701.246 € pour voir les revenus d'activité s'effondrer à 26% et passer largement en dessous des revenus du capital. Nous ne sommes donc vraiment pas dans les mêmes ordres de grandeur.

L'autre explication serait que les Allemands ont pour leur part un taux marginal d'impôt sur le revenu à 45%. Exact mais ils ont seulement un impôt sur le revenu et cette tranche ne s'applique qu'aux revenus supérieurs à 250.000 euros par personne et par an (soit 500.000 euros par foyer fiscal). Par ailleurs, il faut considérer, pour être juste, pour la France non seulement l'impôt sur le revenu français mais IR + ISF + CSG + CRDS. D'où l'on voit que l'IR allemand représente en recettes 9,6% du PIB 2008 (239 milliards) face à 7,4% du PIB en France pour « l'imposition du revenu » français. 2,2 points de PIB d'écart, soit près de 44 milliards d'€… rien à voir avec le gain pour le Trésor d'un alignement pur et simple du taux marginal d'IR en France à 45% à partir de 250.000 € sur celui de son voisin qui ne rapporterait que 179 millions d'€.

Si Monsieur le député Piron veut augmenter l'IR, il faudrait d'abord qu'il élimine l'écart dramatique que nous avons en matière de prélèvements sociaux obligatoires qui sont de 15% du PIB au lieu de 12,6% en Allemagne (parité 6,1/6,5 entre cotisations salariales et cotisations patronales en Allemagne contre 4%/11% en défaveur des cotisations patronales en France).

Si nos députés veulent plomber l'attractivité fiscale de la France, il faut qu'ils continuent. Aligner les taux par le haut de l'IR sans toucher au reste est une aberration totale. D'autant plus que, selon les calculs mêmes du député, cette nouvelle tranche ne rapporterait au Trésor que 350 millions d'euros de recettes supplémentaires, bien loin d'un éventuel comblement du déficit budgétaire.

Si les quelque 100 députés de la majorité cosignataires de cet amendement voulaient, comme ils le disent dans leur exposé des motifs, assainir l'état général de nos finances publiques, peut-être pourraient-ils penser à contrôler bien davantage les dépenses de l'État, des Collectivités et les dépenses sociales afin de les faire baisser drastiquement (4 points de PIB [3] de plus que l'Allemagne) plutôt que d'inventer de nouvelles pistes de prélèvements qui risquent d'aggraver la situation de la France en touchant les deux pourcent des plus hauts revenus qui réalisent l'essentiel de l'investissement dans nos entreprises.

Sans compter que cette floraison de nouvelles taxes sur les « riches » paraît totalement injustifiée si l'on regarde la part de leur revenu qu'ils paient de manière plus objective.

[1] A cette époque, l'amendement proposait déjà une tranche supplémentaire d'imposition à 46% mais dès 100.000 €, un alourdissement de la fiscalité sur le revenu qui devait rapporter 1 milliard d'€.

[2] Moyennant une fiscalité complémentaire des revenus du patrimoine avec majoration de 8 points sur les prélèvements forfaitaires libératoires assis sur les dividendes versés à des personnes physiques non résidentes, (1,17 milliard), les plus-values de cessions mobilières (810 millions) et immobilières (200 millions).

[3] 4% de PIB c'est exactement le différentiel existant entre la pression fiscale française et la pression fiscale allemande en notre défaveur. Avec 1,8% de PIB au bénéfice de la France sur les PO et cotisations sociales assises sur les revenus du travail, cela montre que la compétitivité fiscale sur le patrimoine (-2,56% de PIB) et sur les entreprises (-3,4) atteignent 6% en faveur de l'Allemagne… de quoi donner à méditer.