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Fusion IR-CSG et progressivité de l'impôt

attention, danger

Comment échapper à une hausse des impôts quand on ne contrôle ni les dépenses de l'Etat, ni les dépenses des collectivités ni même celles de la sécurité sociale et que la base contributive n'évolue pas faute de créations d'emplois ? Quoi qu'il en soit, nous allons droit vers une hausse de la CSG et l'instauration d'une nouvelle tranche de l'IR. Mais, pour nous faire passer la pilule, on invente des solutions fiscales tous azimuts. Dernier engouement fiscal en date : la fusion de l'IR et de la CSG.

« Il faut créer un grand impôt universel et progressif sur le revenu en fusionnant l'IR et la CSG » disait l'économiste de gauche Liêm Hoang-Ngnoc en novembre 2008. Depuis, le parti socialiste a repris, dans son programme présenté à la Convention socialiste du 19 avril 2010, le projet d'un «  grand impôt citoyen sur le revenu ». Le programme précise que la gauche désire « s'attacher à rétablir une véritable progressivité de l'imposition des revenus d'activité, par une fusion des prélèvements. Le barème retenu devra pleinement tenir compte de l'extrême concentration de ces revenus : 10% des Français perçoivent le quart des revenus d'activité, les deux tiers des revenus du patrimoine et plus de 80 % des revenus exceptionnels ». Et même à droite, il semblerait que le projet fasse des émules.

Cette idée a un côté faussement séduisant sur deux aspects :
- tous les contribuables paieraient (enfin) l'impôt sur le revenu.
- cela simplifierait la fiscalité.

Barème de l'IR 2010

Les tranches d'imposition 2010 sont les suivantes :
- Jusqu'à 5 875 euros : 0%
- de 5 875 euros à 11 720 euros : 5,50%
- de 11 720 euros à 26 030 euros : 14,00%
- de 26 030 euros à 69 783 euros : 30,00%
- au-delà de 69 783 euros : 40,00%

Revers de la médaille : cette fusion amplifierait forcément la progressivité de l'impôt sur le revenu, d'autant plus que la proposition de fusion s'assortirait, selon toute vraisemblance, d'une, voire deux nouvelles tranches IR, à partir de 80.000 euros de revenu net imposable.

Lors de sa création en 1991, par le gouvernement de Michel Rocard, la CSG avait un taux de 1,08% sur les revenus salariaux et allocations chômage et de 1,10% sur les autres revenus. Aujourd'hui, 19 ans après, le taux est de 7,50% des revenus d'activité, 6,20% des revenus du chômage et 6,60% des retraites (3,80% pour les personnes non assujetties à l'impôt sur le revenu) ; 8,20% des revenus du patrimoine et de placement ; 9,50% des revenus des jeux. La CSG-CRDS représente aujourd'hui 4,5% du PIB alors que l'impôt sur le revenu représente 2,9% du PIB. Bref, la CSG rapporte plus que l'IR (et ce surtout parce que nos dépenses sociales s'envolent hors contrôle et qu'il a bien fallu augmenter le taux de CSG pour les financer).

Le message est clair : il faut faire payer plus les ménages solvables en rendant la CSG progressive et non plus seulement proportionnelle. Déjà, les retraités et les chômeurs bénéficient de taux réduits pour la CSG et 16 millions de foyers fiscaux sur 35 millions, ne paient pas l'impôt sur le revenu. Le risque majeur, dans un premier temps, serait que les foyers ne payant pas d'IR ne paient plus, après fusion, de CSG. Faire de la CSG « le premier étage de l'IR » conduirait ainsi, inévitablement, à en miter l'assiette par le bas. Dans un second temps, il est clair qu'on assisterait au transfert de la CSG anciennement payée par les bas revenus vers les revenus plus importants.

Avec une CSG devenue progressive, les plus riches ne paieraient non plus 7,5% de CSG sur l'ensemble de leurs revenus d'activité et 8,2% sur les revenus du patrimoine mais peut-être 10, voire 12%. On peut craindre que, pour un foyer fiscal payant 5000 euros d'impôt sur le revenu par an et 5000 euros de CSG (prélevé à la source sur les salaires) l'impôt combiné IR-CSG atteigne plutôt 12.000 ou 13.000 euros que 10.000 euros.

Assoir ce qui, au départ, était une simple cotisation et non un impôt, sur le principe de l'impôt progressif ressemble bel et bien à un jeu de dupes. Pourquoi seule la CSG devrait-elle devenir progressive alors que la progressivité des cotisations maladie, retraite, vieillesse…est epsilonesque ? C'est un très mauvais signal qui serait donné là. Gilles Carrez, rapporteur général du Budget à l'Assemblée nationale rappelait dernièrement : « il faudra mieux maîtriser les interventions sociales portées par l'Etat, la Sécurité sociale ou les collectivités locales, qui ont considérablement accru les dépenses publiques. J'entends par là toutes les couches successives d'aides – APA (allocation personnalisée d'autonomie), aides familiales, CMU, AME, RMI, devenu RSA, aujourd'hui - instaurées au cours des 20 derniers années. Leur coût a systématiquement dépassé les prévisions initiales. »

Peut-être se redirige-t-on vers un taux d'imposition de la tranche supérieure à 45% pour aller vers 75% comme en 1980 avec les résultats économiques que l'on connaît ? Et ce alors même que, toujours selon Gilles Carrez, « avec 44% de prélèvements obligatoires, nous sommes en France à la limite de la compétitivité ». Rappelons que la première trace de ce projet se retrouve dans une note de l'OFCE d'avril 2007 dont le président était le conseiller économique de Lionel Jospin. En règle générale, méfions-nous des « impôts » dits « parfaits » (il n'y en a pas).

Barème CSG (Fiscalité 2006)
En %AbattementTaux CSGPart déductiblePart non déductible

CSG sur les revenus d'activité
salaires 3 7,5 5,1 2,4
activité non salariée 0 7,5 5,1 2,4

CSG sur les revenus de remplacement
chômage 3 6,2 3,8 2,4
retraite 0 6,6 4,2 2,4

CSG sur les revenus du patrimoine
0 8,2 5,8 2,4
Source : OFCE
Incertitude sur la nature de la CSG

Il y a une bataille juridico-fiscale pour déterminer si la CSG est un impôt ou une cotisation sociale. Ce débat n'a jamais été tranché. Actuellement il oppose toujours le Conseil d'Etat et le Conseil constitutionnel qui, dès 1990, en validant la création de la CSG l'ont qualifiée d'impôt, à la Commission européenne et la Cour de cassation pour lesquelles la CSG est et demeure une cotisation sociale (dans la mesure où le règlement communautaire n°1408/71 définit la notion de cotisation de sécurité sociale par rapport au principe budgétaire d'affectation de la recette et non par rapport aux droits à indemnisation accordés à l'assuré social).

La question s'est rapidement posée s'agissant des frontaliers qui bénéficiaient d'une protection sociale concurrente dans le pays où ils étaient employés. La CJCE leur a donné gain de cause dans plusieurs arrêts en date du 15 février 2000 (C 34/98 et C 169/98). Restait donc aux URSSAF à tenter de mettre la main sur les revenus professionnels perçus par des résidents Français à raison de leur activité à l'étranger.

Suite à une question préjudicielle de la Cour de cassation, la CJCE dans un arrêt du 3 avril 2008 (C 103/06) a donné une nouvelle fois tort aux URSSAF au motif qu'un Etat pouvait renoncer à la perception de telles cotisations au sens communautaire en vertu d'une convention préventive de double imposition en matière d'impôts sur les revenus.

Devant de telles fuites, les URSSAF et l'Etat ont tout intérêt à ce que le débat soit tranché par le législateur en leur faveur. En effet, le principe d'affectation disparaîtrait au sens communautaire, l'impôt « fusionné » étant reversé pour partie au budget de la sécurité sociale, pour partie au budget de l'Etat. Un hold up réussi au nez et à la barbe de l'Union européenne et des contribuables français… seul bénéfice, devenu véritablement un impôt, la CSG-IR fusionnée deviendrait parfaitement justiciable du bouclier fiscal… SFS