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Fiscalité et égalitarisme

Le réflexe punitif

La fiscalité a pour objectifs d'assurer la couverture des dépenses publiques et de contribuer à la réduction des inégalités. C'est devenu un truisme que de remarquer que l'idéologie socialiste donne à la fiscalité l'objectif essentiel de promouvoir une société égalitaire, même au prix de devenir contre-productive, et en partant du principe que tout profit appartient d'emblée à l'État [1]. D'où un réflexe fiscal de nature punitive que l'on constate de façon évidente pour les impositions qui frappent les personnes physiques, mais qui est aussi frappant, et particulièrement contre-productif et inquiétant, pour ce qui concerne les entreprises, comme le démontrent le programme et les récentes propositions du candidat socialiste.

Fiscalité des personnes physiques

Point n'est besoin d'insister longuement sur cet aspect. La tranche de l'IR à 75% est un marqueur parfait de cette idéologie, car non seulement elle ne rapporterait quasiment rien à l'État, mais son caractère contre-productif est assuré, pour la même raison que celui de l'ISF. Mais il n'est qu'à lire sur la Toile les messages divers qui peuvent se résumer par « bon débarras », lorsque l'on évoque le départ de France des capitaux (productifs) et de leurs titulaires, pour se rendre compte du caractère uniquement punitif de l'imposition. Idem pour la suppression des stock options, sauf pour les entreprises « naissantes » (mais pourquoi discriminer ?) et l' « encadrement » des bonus (sauf pour les sportifs ?). Idem encore pour les niches fiscales des « ménages les plus aisés », ou le plafonnement encore abaissé du quotient familial…Peu importe que 10% des ménages français payent déjà 67% des impôts, ce n'est pas assez parce que la richesse n'est pas suffisamment punie.

Fiscalité des entreprises : le retour de Philippe-le-Bel via Marx ?

La fiscalité apparaît aussi systématiquement utilisée pour la punition des entreprises qui n'agissent pas suivant les critères de l'idéologie que les socialistes veulent imposer. Comme « l'ennemi c'est la finance », tout ce qui touche de près ou de loin au commerce de l'argent est impur et doit être puni. Bien entendu les banques sont les premières concernées. Il leur serait « interdit », donc sous peine de poursuites pénales, d' « exercer dans les paradis fiscaux » (proposition Hollande n° 7) : ces pays sont impurs, même pour un commerce qui serait sans rapport avec une fraude quelconque (qu'est-ce d'ailleurs qu'un paradis fiscal : je me suis fait dire dans un débat radiophonique que les Pays-Bas en faisaient notoirement partie !) ; les banques devraient aussi payer un IS augmenté de 15%, au seul motif de principe qu'elles sont des banques qui étranglent leurs débiteurs dont l'État français, toutes les transactions financières seront taxées et les services des banques tarifés autoritairement etc. « Pecunia pecuniam non parit » (l'argent ne fait pas d'argent) nous voici revenus aux préceptes religieux du Moyen-âge et à Thomas d'Aquin interdisant le paiement d'intérêts sur les prêts [2]. A quand François-le-Bel confisquant les biens de nos modernes Templiers ?

Quant aux entreprises « ordinaires », un ensemble de punitions les attend. Voici un florilège :
- Une augmentation des « cotisations chômage sur les entreprises qui abusent des emplois précaires » : qui est juge de l' « abus » ?
- La « mise en place d'un dispositif de notation sociale obligeant les entreprises de plus de 500 salariés à faire certifier annuellement la gestion de leurs ressources humaines » : ici aussi qui est juge ? Est-ce un système qui se superposera au dialogue social ? Avec quelles sanctions ? Beaux conflits interminables en perspective. (Proposition Hollande n°24).
- L'égalité des sexes sanctionnée par la « suppression des exonérations de cotisations sociales » (Proposition n°25) : des critères impossibles à définir et une punition sans rapport avec le sujet (les exonérations compensent les 35 heures).
- La proposition n°33 est un concentré d'idéologie anti-économique qui dépouille l'entrepreneur de ses prérogatives de direction : « Pour dissuader les licenciements boursiers, nous renchérirons le coût des licenciements collectifs pour les entreprises qui versent des dividendes ou rachètent leurs actions, et nous donnerons la possibilité aux salariés de saisir le tribunal de grande instance dans les cas manifestement contraires à l'intérêt de l'entreprise » : voici maintenant les tribunaux juges de l'intérêt de l'entreprise et celle-ci interdite d'adaptation, notamment pour fermer une branche déficitaire, ce qui peut se révéler nécessaire indépendamment de la réalisation de bénéfices dans d'autres branches. Mais dans l'idéologie en question la distribution de dividendes justifie à elle seule une punition.

Un nouvel exemple récent et frappant de ces réflexes punitifs nous est donné avec le problème du coût du travail. Pendant toute la campagne, les socialistes ont avec leur candidat refusé de considérer que la France souffrait d'un déficit notable de compétitivité de ce fait. La mise en lumière de certaines statistiques, pourtant connues depuis longtemps, et les déboires des constructeurs automobiles notamment, ont très récemment contraint le candidat socialiste à reconnaître que le coût du travail donnait quand même matière à s'émouvoir. Mais comme le président sortant venait d'instituer la TVA dite sociale ou plutôt officiellement « anti-délocalisation », et que son concurrent socialiste avait in petto déclaré qu'il la supprimerait s'il était élu, ce dernier s'est trouvé fort embarrassé pour trouver par quel mécanisme on pourrait aboutir au même résultat. Il commença par évoquer une taxe carbone, un impôt sur le capital, « ou autres » (!). Quelques jours après il évoqua de nouveau la taxe carbone, ainsi qu'une nouvelle « taxe sur les machines », car celles-ci viennent, aussi profitablement pour les entreprises qu'injustement pour les salariés, remplacer le travail des hommes. Passons sur cette mise en cause de la robotisation, et faisons montre de la même charité que celle qui obligea un économiste socialiste consulté sur cette déclaration à mettre cette « erreur » sur le compte de la « fatigue » du candidat… Ce qui nous intéresse ici, c'est encore une fois le réflexe que nous appelons punitif. Au lieu de tenir un raisonnement fiscal de nature économique [3], et évidemment de se poser la question de la dépense publique, le candidat éprouve la nécessité de remplacer une taxe par une autre qui serait mieux justifiée du point de vue moral, mais dont le caractère absurde apparaît au premier venu (se souvient-on encore de la publicité montrant la « mère Denis » délaissant son lavoir pour une machine à laver ?). Ce d'autant plus que la mesure se traduirait par un jeu à somme nulle, à savoir une imposition complémentaire venant compenser pour les entreprises (mais pas pour les mêmes) la baisse du coût du travail. Quant à la taxe carbone, elle aussi de nature punitive, le candidat ne craint pas de l'annoncer au moment même où il dénonce le coût excessif de l'énergie en promettant de l'abaisser autoritairement !

**Conclusion

La doxa socialiste fait en définitive un usage très particulier de la fiscalité. Orienté vers la punition des riches ou de ceux qui n'agissent pas selon l'idéologie, cet usage est déconnecté de son efficacité économique. Lorsqu'il est question des entreprises, le résultat vient en complète contradiction avec les objectifs affichés de croissance et de soutien de l'emploi. Nous avons ainsi noté quelques parfaits exemples de technocratie intrusive et paralysante, sanctionnés par des punitions fiscales qui sont de plus sans rapport avec l'objet de l'obligation dont il s'agit d'assurer le respect. Cette conception passe complètement à côté du problème que posent croissance et chômage en France. Au lieu d'être incitées à croître et investir, les entreprises françaises ne sont amenées selon les propositions socialistes qu'à payer plus d'impôts, subir de nouvelles obligations, risquer la punition à tout moment et finalement restreindre leurs activités…ou les transporter à l'étranger. Alors que ces entreprises ont véritablement besoin d'air, le socialisme ne rêve qu'à resserrer encore davantage le carcan et s'opposer à toute réforme de structure comme la flexibilité de la réglementation du travail. On ne saurait mieux tourner le dos à l'objectif affiché de croissance.

[1] l'expression de « cadeau aux riches » utilisée lorsque l'État diminue un impôt, par exemple de 80% à 60% du revenu, l'implique nécessairement, puisque l'on ne peut faire cadeau que de ce que l'on possède

[2] Mais l'époque ne connaissait pas l'inflation et le créancier pouvait mettre son débiteur en prison…, ou encore prélever sur lui une livre de chair, selon Shakespeare ! D'ailleurs l'Église n'a jamais dans les faits sanctionné que l'usure et non la seule prise d'intérêts, et c'est il y a cinq siècles, au Concile de Latran (1515) que la prise d'intérêts est officiellement sortie des interdits.

[3] Sachant que de toutes façons toute taxe se retrouve in fine payée par le consommateur, est-il préférable de taxer en amont ou en aval ?